Titre
L’Algérie en 100 questionsSous titre
Un pays empêchéAuteur
Akram BelkaïdType
livreEditeur
Paris : Tallandier, 2020Collection
En 100 questionsNombre de pages
332 p.Prix
16,90 €Date de publication
24 février 2021L’Algérie en 100 questions : un pays empêché
Après l’excellent Être arabe aujourd’hui (Paris, Carnets Nord, 20111) et de nombreux opus consacrés à l’Algérie, le journaliste et essayiste algérien Akram Belkaïd nous offre un nouvel ouvrage clair et éclairant pour comprendre le mouvement populaire qui s’est saisi de son pays depuis 2019.
Car au travers d’une analyse fournie et documentée découpée en cent questions, l’objectif de ce livre au talent pédagogique certain est d’apporter une explication à ce mouvement en cours, “Hirak” en arabe. Mais les cent questions posées ici et que l’auteur a regroupées en huit chapitres sont autant d’occasions d’interroger l’Algérie d’aujourd’hui et de tenter d’en comprendre les ressorts, de ses racines humaines à ses partenaires géopolitiques, de ses pratiques culturelles à ses réflexes mentaux.
L’auteur ne l’a pas fait, mais il est facile de distinguer deux grandes parties dans son questionnement. Les trois premiers chapitres sont ainsi agencés selon une perspective historique, orientant la réflexion en suivant les périodes successives de l’histoire du pays, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours.
Au fil des questions posées, on perçoit le fossé qui existe selon l’auteur entre une société algérienne aspirant au changement, au mouvement d’un côté, et un pouvoir cristallisé sur ce que l’on pourrait qualifier d’acquis politico-économiques, de l’autre. L’auteur met, par exemple, en avant la disparité entre l’écriture officielle de l’histoire de la guerre d’Algérie et les libertés nouvelles prises par des intellectuels, des libraires, des étudiants pour interroger ce passé.
Cette interrogation sur le sens des mots, des idées et des représentations reste l’une des lignes-forces de l’ouvrage dans son ensemble.
Une deuxième série de chapitres est agencée selon une perspective plus thématique.
Avec pour ambition de comprendre le mouvement Hirak, l’auteur fait heureusement de la jeunesse l’objet d’une série de questions distinctes et privilégiées.
Il offre ensuite une analyse plurielle de la “société” algérienne en abordant successivement les problématiques de la géographie urbaine, de l’émigration (“à bien des égards, quitter le pays est le seul projet de vie pour nombre d’Algériens”, p. 172), des langues, du système éducatif, de celui de la santé (“l’échec algérien” peut-on lire p. 207), de la place de la femme, du sort des minorités sexuelles et religieuses (on sera évidemment attentif au paragraphe dédié au christianisme, p. 196-7), et la question de la peine de mort ou encore de la liberté d’expression.
En regard du mouvement populaire actuel, l’interrogation sur le football que l’auteur analyse comme une arène politique préparatoire, demeure peut-être la plus éclairante. Mentionné sinon systématiquement, du moins à de nombreuses reprises, le football apparaît comme un élément central de la société algérienne, à la croisée des problèmes et des passions.
Akram Belkaïd interroge également différents aspects de l’économie et, de manière plus originale, la situation écologique du pays : car l’Algérie est “un pays bien plus pollué qu’on ne le croit ou que sa population ne se l’imagine” (p. 241).
La culture est abordée par une série de questions dont les réponses sont particulièrement bien documentées. Enfin, l’auteur a regroupé dans un dernier chapitre une série de questions sur l’Algérie et son rapport au monde.
En cent questions, Akram Belkaïd relève ainsi habilement le défi d’une présentation pédagogique réussie. Brève et rythmée (les réponses aux questions ne dépassent jamais trois pages), la méthode d’exposition a l’avantage non seulement de la clarté mais aussi d’offrir la possibilité d’une lecture dynamique et aisée. Bien sûr, aucun pays ne saurait se réduire à un livre. Mais, sur le chemin d’une connaissance tout à la fois générale et précise, cet essai donne l’envie d’approfondir la découverte et la compréhension de ce pays, et plus encore, il donne le goût de l’Algérie2.
Rémi Caucanas
Notes de la rédaction
1 Être arabe aujourd’hui / Akram Belkaïd.- Paris : Carnets Nord, 2011, a obtenu le Prix lycéen 2012 du livre de Sciences Economiques et Sociales
2 Sur l’Algérie, voir aussi les livres présentés dans nos plus récentes recensions : France-Algérie : résilience et réconciliation en Méditerranée / Boris Cyrulnik et Boualem Sansal ; L’Eglise et les chrétiens dans l’Algérie indépendante / Jean-Robert Henry et Abderrahmane Moussaoui, éd. ; en collaboration avec Barkahoum Ferhati, Rémi Caucanas…; Algérie, la nouvelle indépendance /Jean-Pierre Filiu ; Retours d’histoire : l’Algérie après Bouteflika / Benjamin Stora ; Géopolitique de l’Algérie / Kader A. Abderrahim ; La cinquième mascarade /Youcef Zirem ; Voyage d’Alger /Maya Boutaghou ; Le soulèvement algérien : dossier de la Revue Esprit, n° 455, 2019… etc.