Titre
La cinquième mascaradeAuteur
Youcef ZiremType
livreEditeur
Paris : Fauves éditions, 2019Nombre de pages
186 p.Prix
18 €Date de publication
9 décembre 2019La cinquième mascarade
Comme Les étoiles se souviennent de tout, livre paru à la fin de l’année 2018, ce nouveau texte de Youcef Zirem est avant toute chose un roman. Il n’en est pas moins une analyse accablante et une critique mordante de ce qui se vit en Algérie depuis le 9 septembre 1962, ce jour où « le rêve s’était transformé en un incroyable cauchemar qui ne veut pas s’arrêter ».
L’auteur, journaliste et écrivain algérien de langue française, originaire de Kabylie[1], a publié La cinquième mascarade au printemps 2019, alors que venaient de commencer dans toute l’Algérie de grandes manifestations pacifiques contre cette énième mascarade justement, préparée par le régime en place pour se maintenir au pouvoir en toute illégalité.
Ce à quoi le titre fait clairement allusion, ce sont ces simulacres d’élections, prétendument libres, auxquelles les Algériens ont été invités à participer par le pouvoir en place les 15 avril 1999, 8 avril 2004, 9 avril 2009, 17 avril 2014, et celle encore à venir au moment où paraît le livre de Youcef Zirem.
De fait, c’est toute l’histoire de l’Algérie de 1962 à nos jours que Youcef Zirem évoque, un peu pêle-mêle, procédant par petites touches, comme impressionnistes, presque par flashs. Au fur et à mesure que se déroule le récit, au travers de chapitres extrêmement courts, le lecteur est amené à reconstituer une sorte de puzzle où les quatre personnages principaux prennent place peu à peu dans le tourbillon d’événements tragiques qui les broient. Par ces histoires individuelles éclatées, c’est tout un pan de l’Histoire avec un grand H qui prend chair.
Le lecteur peu au fait de l’histoire de l’Algérie moderne aura peut-être quelques difficultés à suivre le déroulement des événements auxquels les personnages sont confrontés. Car, visiblement, ce n’est pas la chronologie des faits qui intéresse Youcef Zirem, mais ce qu’ils laissent de blessures inguérissables et de colères latentes chez ceux qui les vivent.
Cette fois encore, transparaît dans tout le roman l’amour que porte Youcef Zirem à sa Kabylie, cette « terre éternellement rebelle ». Si les cinq mascarades ne sont que le reflet de l’échec d’un système, la seule voie de salut est dans la résistance à ce système[2] et à tout ce qui lui permet d’exister : l’armée, les islamistes, la corruption omniprésente. Le roman s’achève sur une note d’espoir ; malgré tout le malheur qui s’abat sur eux, Farid et ses amis continuent à croire à un changement possible et à un avenir meilleur.
Le lecteur oubliera vite les quelques maladresses de langue qui émergent ici ou là dans le roman pour n’en retenir que ce que cette fresque évocatrice contient tout à la fois de réalisme et de poésie. Un roman, certes, mais un beau roman plein de confiance en l’homme et de foi en l’avenir.
Monique Boulanger
[1] Après une carrière d’ingénieur, Youcef Zirem est devenu journaliste suite aux tragiques événements d’octobre 1988 à Alger. Il a travaillé à l’hebdomadaire La Nation et a fait partie des rédactions des quotidiens Alger républicain et Le Quotidien d’Algérie ainsi que de l’hebdomadaire El Haq. Il a publié, depuis 1995, une dizaine de livres
[2] A lire : Le soulèvement algérien : dossier de la revue Esprit, n° 455, juin 2019. Regarder aussi le documentaire d’Arte sur le Hirak en Algérie, 30/04/2019 (durée : 25 mn). Définition du Hirak.