Titre
Le soulèvement algérienSous titre
dossier de la Revue Esprit, n° 455Auteur
Olivier Mongin, dir. de la publication ; A. Garapon et J.L. Schlegel, dir. de la rédactionType
livreEditeur
Paris : Revue Esprit, juin, 2019Nombre de pages
p.- 36-82Prix
20 €Date de publication
3 septembre 2019Le soulèvement algérien
Pour évoquer les événements actuels d’Algérie, l’introduction au dossier[1], rédigée par Hamit Bozarslan et Lucile Schmid, insiste sur la nécessité de sortir des « années noires ». L’héritage de la guerre des années 90, avec ses 200 000 victimes pèse lourd sur cette révolution en cours. Mais la deuxième pesanteur est celle de la réalité du système de pouvoir en Algérie qui n’est pas celui d’un homme mais d’une coalition d’acteurs militaires, sociaux et économiques. L’Algérie est maintenant sortie de la paralysie avec le soutien international. C’est pour cela que cette grande aventure mérite une analyse historique et politique que nous propose ce dossier.
Le premier article, d’Akram Belkaïd, intitulé « Un élan national », retrace une tradition peu connue, celle des mouvements populaires en Algérie. La similarité est frappante entre les événements qui ont commencé le 11 septembre 1960 pour aboutir à l’indépendance et ceux qui se sont déroulés le 22 février 2019 (appelés Hirak[2]) et qui se poursuivent aujourd’hui avec une régularité hebdomadaire, le vendredi, avec toujours autant de millions de participants. Les manifestations n’ont jamais été absentes de la vie politique algérienne, mais étant contrôlées ou écrasées, elles ne pouvaient s’étendre au niveau national. Depuis le début de 2019, c’est toute l’Algérie qui manifeste.
Sans que l’on sache encore l’issue de ces manifestations, il est possible de saisir les origines de cette mobilisation dans la décennie qui a précédé, c’est ce que tente de faire un deuxième article par Thomas Serres. Il faut pour cela relier les revendications politiques à la situation économique et sociale. Alors que la fragilité économique était manifeste, la corruption et le détournement de fonds publics apparaissaient de plus en plus comme une clé du régime. De multiples formes d’action non-violente voient le jour. Des productions culturelles soulignent les souffrances d’une partie de la population. Les discours subversifs prennent la forme de l’humour et de l’autodérision. Toutes ces expressions fragmentées du mécontentement trouvent l’occasion de l’élection nationale de 2019 pour se transformer en un véritable mouvement. Les questions économiques sont instrumentalisées, les enquêtes pour corruption sont relancées ; le système Bouteflika apparaît au bout de l’épuisement politique.
Jean-Pierre Peyroulou invite alors à approfondir le retour au passé en proposant la référence à la guerre d’indépendance, qualifiée de révolution en Algérie. Le nationalisme algérien est né de l’ouverture de l’Algérie sur le monde dans les années 20, et de la sortie d’une société pauvre et patriarcale. Dès 1956 l’armée a eu un pouvoir considérable. Il était alors difficile aux Algériens de s’exprimer. L’armée gouvernait par l’intermédiaire de divers responsables. Ce n’est que depuis 1988 que les expressions d’une transition démocratique sont apparues, mais elles ont été oubliées par la suite. Les références au passé devront donc être encore clarifiées, alors que le mouvement populaire d’aujourd’hui est sans chef, sans organisation mais d’une grande force, sans affrontement, face à l’armée.
Le dernier article du dossier, « Petite histoire des dissidences en Algérie », est écrit par Pierre Vermeren. Il mentionne la tradition de dissidence au Maghreb, puis les différentes formes d’opposition en Algérie sous le parti unique, enfin les mouvements du printemps berbère de Kabylie. Les intellectuels manifestent leur opposition au régime qui s’appuie sur une économie du pétrole. Mais la dissidence se généralise pour se transformer en colère populaire. « Rien n’a changé dans la sociologie algérienne et le pays se retrouve face à lui-même… mais une incroyable fierté s’est levée sur l’Algérie ». L’auteur souligne comment deux points clés devront être abordés pour obtenir un compromis constitutionnel : la liberté de conscience et l’égalité des femmes et des hommes.
Pierre de Charentenay
[1] Pour voir le sommaire et les contributeurs du dossier, cliquer ICI
[2] Sur le mouvement contestataire, dit HIRAK, en Algérie, voir le documentaire d’Arte (durée : 25 mn)