Titre
La grâce de l’hospitalitéAuteur
Jean Chrysostome, Ambroise de Milan, Augustin d’Hippone... [et al.] ; introduction de Michel Stavrou ; traduction de Renaud Alexandre, Marie-Hélène Congourdeau, Guillaume Bady... [et al.] ; guide de lecture de Marie-Hélène CongourdeauType
livreEditeur
Paris : Cerf : Migne, 2018Collection
Les Pères dans la foi ; n° 106Nombre de pages
205 p.Prix
16 €Date de publication
1 août 2019La grâce de l’hospitalité
Ce livre rassemble, à l’attention du grand public désireux de réfléchir aux problèmes de la société contemporaine en revenant aux sources du christianisme, une dizaine d’extraits de textes des Pères de l’Église[1] qui, tous, traitent de l’hospitalité. Traduits et légèrement annotés par des patrologues, chercheurs ou universitaires pour la plupart, ils sont accompagnés d’une introduction et d’un guide de lecture (qui font un peu double emploi), d’un index biblique et d’une courte bibliographie.
Sans parler des grandes migrations liées aux invasions barbares, les Pères, souvent migrants eux-mêmes, expérimentent au quotidien, dans tous les lieux du pourtour méditerranéen et tout au long de la période patristique, le passage incessant d’étrangers, qui parfois s’installent. L’hospitalité se trouve donc au cœur de la pastorale des évêques. Leur insistance montre qu’elle ne va pas de soi, alors même qu’elle est une vertu universelle, « forme d’humanité reconnue par tous » (Ambroise) – le « délit de solidarité » aurait été aux yeux des Pères une absurdité !
Il ne s’agit pas pour eux de construire des réflexions théoriques, mais de donner un ancrage biblique et théologique à une pratique qu’ils évoquent dans ses formes concrètes – dans les hôtelleries urbaines des églises, les monastères, ou les demeures des fidèles. Elle ne doit être ni sélective ni conditionnelle, au risque de se dénaturer ; l’hôte doit être discret et délicat, agir avec hâte et humilité, ne pas déléguer ; sa mission est d’assurer le bien-être de l’accueilli. Il offre le gîte, mais peut aussi aider à trouver du travail. Ce faisant, les Pères s’inscrivent dans leur substrat culturel, hébreu ou grec, mais ils donnent surtout à voir la spécificité de l’hospitalité chrétienne.
En premier lieu, le migrant figure la condition du chrétien dans le monde (cf. Jn 17, 11-16)[2], celle d’un étranger sur la terre en attente de sa patrie véritable, appelé à être de plus en plus étranger. Ensuite, l’hospitalité est imitation de la pratique des saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, dont Abraham recevant les trois voyageurs au chêne de Mambré (Gn 18, 1-5)[3] est l’archétype, lui l’étranger qui a su accueillir des étrangers ; et plus encore, l’hospitalité est imitation de la bonté de Dieu envers ses créatures, manifestée en Jésus par l’Incarnation.
Par le lavement des pieds que les moines reproduisent envers chaque arrivant, Jésus a signifié son amour de tout autre[4]. Mais si le Christ est l’hôte par excellence, ce n’est pas seulement en ce qu’il reçoit, mais en ce qu’il est reçu, lui qui s’est identifié à tout membre de son Corps : « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35)[5].
Recevoir tout hôte comme le Christ : ce principe fondamental des règles monastiques vaut dans tous les cadres, repris autrement par l’agraphon[6] : « Tu as vu ton frère, tu as vu ton Dieu. »
Au terme, recevoir le Christ, c’est devenir ce Christ que l’on reçoit : l’hospitalité n’est plus seulement une vertu morale, mais un prolongement de la vie sacramentelle et ecclésiale, à portée eschatologique[7]. Elle peut être présentée comme une transaction avantageuse : j’accueille ici-bas pour être accueilli à la fin des temps, puisque l’accueil de Dieu pour moi sera à la mesure de mon accueil de l’étranger sur la terre ; la survenue de l’étranger est un trésor, un gain à saisir !
Bien au-delà du calcul d’intérêt, cette approche dit l’hospitalité à donner comme une grâce à recevoir, comme « le sacrement du frère » (Jean Chrysostome) qui mène au Dieu intériorisé.
Les textes ici présentés, par leur réalisme et leur vigueur, sont pour l’aujourd’hui de puissantes exhortations à agir[8].
Laurence Mellerin[9]
[1] Dont les 9 suivants : Jean Chrysostome (v. 350-407), Ambroise de Milan (339/340-397), Augustin d’Hippone (354-430), Maxime de Turin (?-v. 420), Pierre Chrysologue (v.380-450), Césaire d’Arles (v.470-542), Grégoire le Grand (v.540-604), Basile de Césarée de Cappadoce (v.330-378), Benoît de Nursie (v.480-v.547)
[2] Pour lire ces versets 11-16, cliquer sur Évangile selon st Jean, ch. 17
[3] Pour lire ces versets 1-5, cliquer sur Genèse, ch. 18
[4] Cf. Récit du lavement des pieds dans l’Évangile selon st Jean, ch. 13, 1-17
[5] Pour lire tout le verset 35 et le replacer dans la description prophétique du Jugement dernier, cliquer sur Évangile selon st Matthieu, ch.25, 31-46
[6] Les agrapha, au singulier agraphon (du grec ancien αγραφον, « non écrit »), sont les paroles de Jésus de Nazareth non écrites, c’est-à-dire consignées ailleurs que dans les quatre évangiles canoniques, à la différence des logia, paroles de Jésus rapportées dans les quatre évangiles.” Source : ICI
[7] Qui concerne la fin ultime de la personne et le sens de toute sa vie : cliquer ICI
[8] Sur l’hospitalité et l’accueil des migrants on pourra cliquer sur les titres suivants présentés sur notre site : Accueillir l’étranger : le chantier des migrations ; Vaincre nos peurs et tendre la main ; La fin de l’hospitalité : l’Europe terre d’asile ? ; Le courage de l’hospitalité ; L’étranger qui vient : repenser l’hospitalité ; La fraternité bafouée ; Osons la fraternité !
[9]Directrice-adjointe de l’Institut des Sources chrétiennes (Lyon) : cliquer ICI et ICI également.