Titre
Le courage de l’hospitalitéSous titre
Dossier de la Revue Esprit, n°446Auteur
Olivier Mongin, dir. de la publication ; A. Garapon et J.L. Schlegel, dir.Type
livreEditeur
Paris : Revue Esprit, juillet-août 2018Nombre de pages
p. 50-189.Prix
26 €Date de publication
8 janvier 2019Le courage de l’hospitalité
La revue Esprit consacre, dans son numéro de l’été 2018, son dossier central au « Courage de l’hospitalité » réservée aux migrants (pp. 50 à 189)[1]. Courage parce que l’hospitalité ne va pas de soi, en ces temps où les peurs et les tentations de rejet gagnent les opinions publiques, et les politiques de divers États en Europe. Courage aussi parce que l’hospitalité de l’étranger est un vrai parcours dont le dossier distingue trois étapes : « secourir, accueillir, appartenir ».
Il n’est pas possible, dans le simple cadre d’une recension, de rendre compte de toute la diversité et la richesse des contributions à ce dossier, rédigées par de nombreux professeurs d’université, ou chercheurs spécialistes de ce domaine. Les approches de la sociologie, des sciences politiques, des sciences humaines se croisent et se complètent, s’interrogent aussi parfois mutuellement, au fil des articles.
« La peur des autres démunis et venus d’ailleurs a-t-elle triomphé définitivement ? » s’interrogent, dès l’introduction à ce dossier, Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc (tous deux professeurs de philosophie dans des universités parisiennes) qui l’ont coordonné ; mais ils constatent que « dans ce déferlement d’hostilité […] quelques rares gouvernants et des gouvernés sans qualité ont pris le risque de l’hospitalité » (pp. 51-52).
Le choix de ce dossier est de « prendre au sérieux » de tels mouvements d’hospitalité, œuvres de personnes ou de collectifs, pour voir comment ils peuvent susciter voire ressusciter une politique institutionnelle d’hospitalité.
L’hospitalité semble en effet avoir cessé aujourd’hui d’être une valeur politique, alors que murs et camps se multiplient. Et pourtant des mouvements divers la font resurgir. Ainsi l’expérience des villes-refuges (p.64), où les exilés peuvent bénéficier de droits d’usage des services publics sans avoir à justifier d’un titre de séjour. Les exemples de vie partagées et de solidarités (réelles quoique parfois conflictuelles) des campements. La présence « d’un migrant chez soi », acceptée par les participants au programme d’accueil « Share[2] » décrit par Marjorie Gerbier-Aublanc (pp. 122-129). Et, ce qui est ainsi provoqué, « l’évènement de la rencontre », selon l’article de Martin Delheixe (pp. 130-138) qui retrace l’hébergement citoyen de migrants installés dans un parc de Bruxelles. Une hospitalité domestique, immédiate et citoyenne, qui en est venue à imposer en Belgique un vrai débat sur les politiques publiques d’accueil et d’asile.
C’est tout l’intérêt de ce dossier que de montrer comment l’hospitalité, en ces temps difficiles pour l’exilé, peut ainsi passer de l’exigence éthique individuelle à une pratique collective qui vient interroger et provoquer la responsabilité politique.
Pour que la reprise au plan collectif et institutionnel de cette dynamique d’hospitalité puisse toutefois advenir, trois conditions semblent indispensables aux auteurs de ce dossier.
D’abord, une inflexion profonde du rapport de la politique au temps. Le temps de la politique des migrants doit être un temps long, et non le temps court des échéances électorales et des sondages, car un parcours d’intégration se conduit dans le temps, permettant au migrant des attachements avec la communauté qui l’accueille (article de Benjamin Boudou, pp. 113-121). Ensuite, il faut rapprocher la recherche et le pouvoir, comme le demande Catherine Wihtol de Wenden (pp. 183-191), car la recherche montre que les réponses aux questions de l’opinion publique et des gouvernants sur les migrants diffèrent fortement des idées reçues. Les instruments de contrôle sont par eux-mêmes inopérants pour diminuer les flux migratoires rappelle-t-elle.
Enfin, permettre la rencontre et l’échange, en valorisant les initiatives et les aptitudes des individus, accueillis comme accueillants. Car « l’avenir de notre humanité se constitue en partie […] de la dignité qu’on reconnaît aux migrants » (Michel Lussault, p.102).
Bertrand Wallon
[1] Consulter le sommaire du dossier en cliquant ICI.
[2] Share est un programme associatif organisant l’accueil de demandeurs d’asile chez l’habitant. Au sein de Share, les personnes accueillies sont intégrées au programme pour une durée maximale de neuf mois au terme de laquelle elles doivent avoir trouvé une solution d’hébergement. Au cours de ces neuf mois, les personnes changent de famille toutes les quatre à six semaines. Voir aussi le programme d’hospitalité et d’hébergement temporaire du réseau jésuite JRS Welcome et la recension du livre de Véronique Albanel, présidente du réseau JRS France, en cliquant sur La fraternité bafouée