Mesopotamia : une aventure patrimoniale en Irak

Plus qu’un livre, Mesopotamia est un rappel au devoir de mémoire destiné non seulement aux amoureux de l’histoire du christianisme, mais aussi à tous ceux qui s’obstinent à préserver les traces de l’humanité sur terre.

Coordinateur de l’ouvrage, Pascal Maguesyan¹ a réussi, par des mots et des images, à faire comprendre à un large public, tout ce que l’Eglise romaine devait à cette civilisation syriaque. Un patrimoine mondial unique, que les djihadistes de Daech s’appliquaient à raser à coups d’explosifs, de haches et de feux, durant les deux années où ils ont occupé le nord de l’Irak, entre 2014 et 2016.

Pendant deux ans et demi, des équipes de Mesopotamia² (experts, chauffeurs, interprètes, photographes) ont sillonné trois provinces du nord irakien, Ninive-Mossoul, Kurdistan, et Kirkouk, ainsi que Bagdad la capitale du pays, recensant quarante-et-un sites³ : églises, cathédrales, monastères, couvents, mausolées, nécropoles. Quarante-et-un lieux de prière et de recueillement chrétiens, mais aussi yézidis, et juifs comme la tombe des prophètes Jonas à Mossoul et Nahoum à Alqosh.

Le couvent Mar Behnam à Khidhr Ilyas, saccagé, l’église syriaque catholique de Mar Touma à Mossoul, dévastée ; les mausolées de la communauté yézidie dans les monts Sinjar, pillés… Un témoignage, fort, émouvant, un appel au souvenir, mais aussi à la mobilisation pour redonner vie à ces espaces de spiritualité. Même miraculeusement sauvegardés, comme au Kurdistan d’Irak, ou dans la province de Kirkouk, ces églises, ces couvents et ces villages ont vécu la menace de disparaître à jamais⁴.

Au fil des pages, on découvre bien d’autres joyaux de ce patrimoine exceptionnel que les équipes de Mesopotamia ont sauvé de l’oubli en retraçant leur histoire. Des pierres certes mais aussi des visages, des portraits de femmes et d’hommes qui s’efforcent de se remettre debout. Ce livre a le génie, souligne le cardinal Philippe Barbarin, de faire remonter du fond de nos mémoires  cette Mésopotamie de nos études secondaires, “qui avait presque disparu jusqu’à ce réveil brutal de l’été 2014.“⁵

Parmi les textes – en français, en anglais et en arabe – de spécialistes, de religieux et d’orientalistes⁶ qui s’intercalent dans les pages de ce voyage, celui du président de la Société royale belge d’études orientales, Christian Cannuyer, vient rappeler les liens qui unissent chrétiens et yézidis : “Dans le passé, écrit-il, les yézidis et les chrétiens irakiens ont déjà souvent fait preuve de solidarité face aux adversités communes.[…] les souffrances indicibles qu’ils viennent de subir ensemble peuvent être vues comme une douloureuse étape de cette marche vers le Bien final“ (p.243) comme le croient les deux religions. Une alliance pour la vie.

Luc Balbont⁷

Notes de la rédaction