Titre

Le Moyen-Orient syriaque

Sous titre

La face méconnue des chrétiens d’Orient

Auteur

Joseph Yacoub

Type

livre

Editeur

Paris : Salvator, août 2019

Nombre de pages

272 p.

Prix

20 €

Date de publication

13 novembre 2019

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Le Moyen-Orient syriaque. La face méconnue des chrétiens d’Orient

Depuis les années 1990, le Professeur Joseph Yacoub nous livre, avec son épouse Claire, des ouvrages très documentés sur les chrétiens syriaques[1] du Proche Orient. Ce nouveau livre est un plaidoyer pour les études syriaques « afin qu’elles soient diffusées auprès d’un public averti et qu’elles occupent le statut qu’elles méritent dans l’enseignement » (p.271 et 272). Pour l’auteur, le Moyen-Orient arabo-musulman est aussi chrétien-syriaque (p.13)

Une première partie porte sur l’aspect proprement religieux.

Le Concile de Constantinople en 381 place le Patriarcat de la ville impériale en deuxième position après Rome et avant Antioche, Alexandrie, Jérusalem. Celui de Babylone, de l’Église d’Orient (assyrienne), sera le cinquième patriarcat oriental. Plus tard, le Concile d’Éphèse (431) sera antinestorien[2] et le Concile de Chalcédoine (451) antimonophysite[3] contre les Patriarcats syriaque d’Antioche et copte d’Alexandrie  

L’Église syriaque d’Antioche adhère au Concile d’Éphèse  mais pas à celui de Chalcédoine. Au début du VIe siècle, elle abandonne le grec dans la liturgie. Le Patriarche Ignace III David en 1237 professera la foi catholique. Mais l’union ne se formalisera qu’en 1763. Eutychès (378-454) insiste sur l’importance exclusive de la nature divine au détriment de la nature humaine (cf. monophysisme). Le moine Jacques Baradée organisera l’Église syriaque, aidée par Théodora épouse de l’Empereur byzantin  Justinien.

L’Église d’Orient, sous la pression du Régime sassanide (226-651) dont la religion  est le mazdéisme[4], ne reconnaît plus l’Église d’Antioche en 424 ni la papauté de Rome en 497. Ebedjesus de Nisibe (1250-1318) définit la doctrine nestorienne : « Deux natures et deux hypostases unies dans l’unique personne du Christ Fils de Dieu » (p.90).  Cette Église insiste sur l’humanité du Christ. Le christianisme nestorien s’étendra tout le long de la Route de la Soie jusqu’en Chine. En 1368,  les  Ming et les Mongols devenus musulmans le proscriront ; les fidèles se réfugieront alors au Kurdistan. Par contre, au Kerala, cette Église nestorienne est encore présente. Des prélats se rendront à Rome en 1553. En 1994 le Patriarche Mar Dinkha IV et le Pape Jean-Paul II signèrent une Déclaration de convergence reconnaissant que « les divisions reposaient en bonne partie sur des malentendus. » (p.129).[5]

Une deuxième partie concerne la langue et la littérature syriaques.

L’araméen, dont le syriaque est un idiome, prit naissance à Edesse/Ourfa. L’écriture estranghelo se différenciera au VIe siècle entre graphies occidentale (Syrie, Palestine) et orientale (Mésopotamie). Jacques d’Edesse fixe la langue littéraire syriaque occidentale et son  orthographe en recourant aux voyelles grecques et en utilisant des points diacritiques pour fixer la prononciation des Écritures. Le syriaque, sous sa forme dialectale de « soureth » est toujours parlé par les chrétiens du Nord de l’Irak et à Qamechlié en Syrie depuis 1930. La toponymie régionale montre  les nombreux emprunts à l’araméen.

La production syriaque porte sur tous les genres littéraires religieux et profanes (p.16). L’Ancien Testament en version Pshytta  (simple) fut traduit de l’hébreu par des judéo-chrétiens dans le Nord de l’Irak à la fin du Ier siècle. Le Diatessaron, les Quatre Évangiles mis en harmonie, est traduit en syriaque et en grec par Tatien (120-180).

Le lexique philosophique syriaque (p.201-203) montre la richesse de la langue « faite de poésie et de rationalité et qui s’est autoconstitué un vocabulaire de termes abstraits, avant même de rencontrer la philosophie grecque[6]. » En 1549, Moshé de Mardine fait imprimer à Rome les Evangiles en syriaque. L’Histoire ecclésiastique et civile  de l’encyclopédiste Bar Haebraus (1226-1286) sera imprimée en latin et en arabe  à Oxford en 1663. Une pléiade  d’auteurs syriaques, cités p. 267, réactive le patrimoine religieux et séculier. En Irak, une Académie de la langue syriaque fut fondée en 1972 à Bagdad puis intégrée à l’Académie irakienne en 1981.

Ce livre est précieux car il met en relief l’apport linguistique, littéraire, culturel des chrétiens syriaques à l’époque florissante de la civilisation arabo-musulmane[7].

On regrettera que l’ouvrage n’ait pas de bibliographie qui rassemblerait tous les ouvrages cités dans le texte et en notes ni d’index car les noms des auteurs orientaux et occidentaux cités est considérable.

Christian Lochon[8]

 

Notes de la rédaction

[1] Quel sens donner au terme « Syriaque » ? se demande J. Yacoub en reconnaissant que « la question est complexe et revêt de multiples facettes tant ce terme est utilisé tantôt comme peuple et communauté, tantôt comme Eglises, ou encore, comme langue. Ici, nous l’utilisons indistinctement, en essayant de réduire, autant que faire se peut, les confusions possibles. » Pour l’auteur, si les termes sont nombreux pour désigner les chrétiens syriaques (assyriens, chaldéens, araméens, babyloniens, nestoriens, assyro-chaldéens…etc.), « ils qualifient une même communauté, issue de Syro-Mésopotamie. (p. 45-48).

[2]  Qu’est-ce que le  nestorianisme ?

[3] Qu’est-ce que le  monophysisme ?

[4] Qu’est-ce que le mazdéisme ?

[5] Lire cette Déclaration christologique commune entre L’Église catholique et L’Église assyrienne de l’Orient  

[6] J. Yacoub souligne que « Les Syriaques ont traduit un grand nombre d’auteurs grecs. […] Ils furent la première nation, du moins orientale, à avoir étudié et largement commenté la pensée grecque, en particulier Aristote et Galien, précédant par là les Arabes, lesquels s’enrichiront de l’apport syriaque. » (p. 19) et il renvoie, en note 2, à une contribution de Philippe Gignoux sur  La transmission de l’héritage grec aux Arabes par les Syriaques, in Les Syriaques transmetteurs de civilisations, Colloque IX du C.E.R.O., Damas, 2004-2005, p. 53-65.

[7] C’est ce que montre aussi Joseph Yacoub lors de ses passionnantes conférences tout en souhaitant, pour aujourd’hui, « la reconnaissance des chrétiens par le monde musulman et, donc, l’égalité de traitement entre chrétiens et musulmans » : on pourra écouter sa conférence sur Le Moyen Orient syriaque donnée à Lyon, le 18/11/2019. (Noté le 24/11/2019).

[8] Administrateur de CDM (voir ses nombreuses contributions sur notre site), Christian Lochon est directeur honoraire des études du CHEAM (Centre des Hautes Études Afroasiatiques Modernes). Membre de L’Œuvre d’Orient et Membre de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (ASOM), il est l’auteur de plusieurs  livres dont Chrétiens du Proche-Orient : grandeur et malheurs et de nombreuses recensions de livres dont plusieurs de Joseph Yacoub, cf. Une diversité menacée : les chrétiens d’Orient face au nationalisme arabe et à l’islamisme.- Salvator, 2018.