Titre

Une diversité menacée

Sous titre

Les chrétiens d'Orient face au nationalisme arabe et à l'islamisme

Auteur

Joseph Yacoub

Type

livre

Editeur

Paris, Salvator, 25/01/2018

Nombre de pages

224

Prix

20 €

Date de publication

24 juillet 2018

Une diversité menacée

Professeur honoraire de l’Université catholique de Lyon, né dans l’est syrien d’une famille ayant fui les massacres de sa communauté assyro-chaldéenne en Irak, le Pr. Joseph Yacoub a reçu en 2016 avec son épouse Claire, le Prix Académique de L’Œuvre d’Orient pour son précédent livre Oubliés de tous, les Assyro-Chaldéens du Caucase1 (Éditions du Cerf, Paris, 2015). Il avait auparavant publié plusieurs ouvrages sur les épreuves et l’émigration forcée imposée à ses coreligionnaires. Dans Le Figaro du 16/02/2018, il a publié un émouvant plaidoyer sur ce sujet : « Ces mouvements de départ ont atteint aujourd’hui leur paroxysme. On ne voit pas de signes qui permettent d’espérer le retour des chrétiens d’Orient, mais nous assistons dans le même temps à un renouvellement du christianisme oriental… dans la diaspora ».

Évoquant l’Irak, l’auteur rappelle (p.146) l’épopée de Gilgamesh (XXVe s. av. J.C.) qui évoque les mythes de l’Arche de Noé, de Job, que l’on retrouvera dans la Bible puis dans le Coran et des éléments de la mythologie grecque comme les travaux d’Hercule. Au début du XIe s. av. J.C., les Araméens pénétreront en Mésopotamie, imposant leur langue qui deviendra la langue liturgique et théologique des premiers chrétiens locaux. À la fin du XVIe s., le Patriarche assyrien Chimoun VII Dinkha demande au Pape que son peuple soit appelé « Nation chaldéenne en Assyrie ». La première Constitution de l’Irak indépendant stipule que l’Assemblée constituante aura dix députés chrétiens… Mais, en 1933, l’armée irakienne décime la population assyrienne du Kurdistan (p.39). Ces Assyro- Chaldéens fuiront en Syrie où ils seront accueillis à Hassaké et à Qamechlié ; les petits-enfants de ces réfugiés devenus syriens seront les victimes des miliciens de Daech en 2015 (p.59) ! La Constitution de 2005 reconnaîtra dans ses articles 3 et 125 les droits administratifs, politiques, culturels et éducatifs des Turkmènes, Chaldéens, Assyriens et autres composantes de la population (p.44). Un Conseil Supérieur Interculturel et Interreligieux a été créé en 2013 ; son Président, un universitaire chiite, Saad Salloum, a écrit dans la revue Massarat : « Si l’arbre de l’Irak est musulman, ses racines sont chrétiennes. Un arbre peut-il vivre sans ses racines ? » (p.156). Cela donne un peu d’espoir.

On sait que le mot « chrétien » a été utilisé pour la première fois à Antioche2 ; l’Église qui va se développer en Syrie refusera les diktats linguistique et théologique de l’Empire byzantin et adoptera le monophysisme3, conservant l’usage liturgique du syriaque. Un rapprochement avec Rome sera définitif en 1783 avec la fondation de l’Église Syriaque Catholique (p.167). Quant au siège de l’Église Syriaque monophysite, il sera successivement à Antioche jusqu’en 518, à Diarbékir, à Deyr Zafaran de 1293 à 1924, à Homs de 1933 à 1959 et enfin à Damas (p.164) où il est toujours présent, la résidence patriarcale et le séminaire se trouvant déplacés à Sidnaya depuis la décade 1990. Cette Église s’est étendue au Malabar, grâce, dit-on, à l’Apôtre Thomas, martyrisé à Madras en 72 (p.175).

L’Iran, évangélisé sous la dynastie sassanide (224-641) de religion mazdéenne, alterna des périodes de tolérance et de persécution. Les chrétiens perses doivent adopter le nestorianisme4 en 410 (p.106) en opposition à l’orthodoxie byzantine. Cette Église d’Orient va se développer le long de la Route de la Soie jusqu’à la Chine en créant au Ve s. (p.122) les diocèses d’ Hérat (Afghanistan), de Merv ou Mari (Turkménistan), de Samarcande (Ouzbekistan). On a retrouvé à Bichkek et à Tokmak des cimetières chrétiens du XIIIe s. aux inscriptions tombales en araméen. Les Mongols, au XIIIe siècle, détruiront cette Église dont les derniers disciples se réfugieront dans les montagnes kurdes aux confins iranien et turc. Aujourd’hui, il reste en Iran 150 000 chrétiens dont 120 000 Arméniens et 30 000 Assyro-chaldéens (p.110).

J. Yacoub évoque les chrétiens venus de Mésopotamie en France comme Saint-Jacques d’Assyrie moine du monastère de Lérins vers 420 (p.182) tandis qu’Abram de Mésopotamie fonde le monastère de Saint-Cyr à Clermont-Ferrand au milieu du Ve s. De nombreux Assyro-chaldéens ont été accueillis à Marseille, en 1918, et dans la région parisienne après la seconde guerre mondiale, notamment à Sarcelles.

L’auteur constate que l’exode des chrétiens du Proche-Orient vient du fait que, depuis les indépendances, aucune politique en faveur des minorités n’a été sérieusement considérée (p.25) .S.B. Louis-Raphaël Sako, Patriarche des Chaldéens disait en avril 2017 : « Le monde musulman doit en finir avec la mentalité qui consiste à penser que ceux qui ne sont pas des musulmans seraient des infidèles, et qu’il faut donc les attaquer et les punir » (p. 9). De son côté, Mgr Yousif Mirkis, évêque de Kirkouk, avait écrit dans Les Échos du 24 janvier 2017 : « Nous avons quitté une ère nationaliste baasiste pour tomber dans un islamisme théocratique encore plus dangereux ».

Cet ouvrage interpelle ainsi les citoyens arabes musulmans qui doivent résister aux mouvements extrémistes islamiques et adopter un autre modèle que celui de l’islam Religion d’État.

Christian Lochon

1 Lire la recension du livre Oubliés de tous, sur notre site et celle du précédent : Qui s’en souviendra ? 1915 : le génocide assyro-chaldéo-syriaque.- Cerf, 2014
On pourra aussi écouter Joseph Yacoub, invité de Laetitia de Traversay sur RCF, le 23/03/2018, dans l’émission Des livres et vous (durée : 15 mn).
2 Cf. Actes des apôtres, 11, 26. Antioche, actuelle Antakya, ville de Turquie, sur l’Oronte inférieur
3 Monophysisme
4 Nestorianisme