Heureux ceux qui prient : moines de Tibhirine.

Cet ouvrage est le cinquième d’une série de textes des moines de Tibhirine recueillis et présentés par Marie-Dominique Minassian. On ne peut avoir que de l’admiration devant le travail accompli jusqu’à ce jour ! Heureux ceux qui espèrent (2018) ; Heureux ceux qui se donnent (2020) ; Heureux ceux qui osent la rencontre (2022) ; Heureux ceux qui accueillent (2023)¹.

Ce volume se propose d’accompagner le lecteur dans la découverte de la prière de chacun des frères et de la communauté. La prière de frère Michel n’est pas celle de frère Luc ou de frère Christophe. Chaque priant invente son style personnel, reflet de ce qu’il est et matrice de ce qu’il devient. Chacun est une maison de prière qui ne saurait se confondre avec une autre.

En 1978, Christian de Chergé avait témoigné de sa prière auprès des prêtres du diocèse de Constantine. Il exprimait trois convictions : je suis une maison de prière, une maison de prière pour tous les peuples, qui est toujours sous la menace de devenir une maison de trafic … ou de réconciliation. Ces trois convictions structurent l’ouvrage en trois parties.

Une maison de prière. Christian de Chergé avait pris au sérieux la remarque de son ami Mohammed avant de mourir assassiné. Il lui avait dit que les chrétiens ne savaient pas prier ! Comment fallait-il recevoir la parole de cet ami ? N’est-il pas vrai que le disciple sait qu’il ne sait pas prier comme il faut ? “Celui qui croit qu’il prie ne prie pas”, disait Antoine. Il ne reste plus alors au disciple que de s’ouvrir à la prière de l’Esprit. L’Esprit fait de cette maison intime une maison de prière.

“Une maison de prière pour tous les peuples”. La deuxième partie fait place à la prière de l’autre croyant. Christian de Chergé, tout jeune, avait appris de sa mère le respect dû à la prière des musulmans. “Ils prient Dieu”. En 1975, la communauté avait substitué à la devise coloniale du monastère “Par l’épée, la croix et la charrue”, une nouvelle formule “Priants parmi d’autres priants”. Ce changement en disait long sur la conversion vécue par la communauté ! La prière est une voie vers la communion des saints. “Dans nos radicales différences, la prière est la reconnaissance de l’Esprit qui nous unit déjà”, écrivait-il. Par la prière, le disciple est appelé à devenir une “maison de prière pour tous les peuples”.

La troisième partie regroupe un certain nombre de textes autour de “la maison de prière comme caverne de brigands” car la prière court le risque de devenir un marchandage. “Le brigand c’est moi !” dit Christian de Chergé. Le brigand est celui qui fait du trafic avec Dieu. Les marchands sont chassés du temple. A contrario cette maison de prière peut devenir un lieu de réconciliation.

Dans une dernière partie, intitulée “Résonances”, l’ouvrage donne la parole à quatre personnes, deux religieuses et deux amis musulmans qui ont rencontré la communauté de Tibhirine, l’un ou l’autre de ses moines ou leurs écrits et qui témoignent de ce qu’ils ont perçu dans la rencontre.

Un bel ouvrage sur la prière vécue !

Christian Salenson²

Notes de la rédaction