Cette Église révélée par les martyrs d’Algérie

Avec ce livre si inspirant, Christian Salenson bouscule, encore une fois, nos manières de lire et d’approcher les questions du dialogue avec l’islam. Sur un sujet aussi délicat, l’ancien directeur de l’Institut de Sciences et Théologie des Religions (ISTR) de Marseille¹ nous invite ici à une méditation bienvenue pour saisir quelques aspects d’un événement tragique et pourtant fondateur de notre époque. Un livre pour prier, pour apprendre et pour s’engager, Cette Église révélée par les Martyrs d’Algérie. Retraite à Tibhirine nous entraine sur les chemins de dialogue arpentés par les dix-neuf religieuses et religieux morts durant la guerre civile qui ensanglanta l’Algérie dans la décennie 1990.

Fruit d’une retraite donnée aux évêques et aux prêtres d’Algérie, en juin 2019, soit quelques mois après la béatification de ces martyrs, ce livre se présente sous la forme de sept entretiens qui se concluent chacun par un relevé de quelques caractéristiques de l’Église d’Algérie et quelques pistes de méditation. Dans un avant-propos circonstancié et une introduction éclairante, Christian Salenson revient d’abord sur le sens même de la béatification célébrée à Oran, le 8 décembre 2018 et montre comment, dans le cadre de la guerre civile algérienne, “l’Église a dû inventer sa présence en temps de crise” (p. 7). Aussi le but de ce livre n’est-il pas de revenir sur la vie de chacun de ces martyrs ni de participer d’une quelconque “panthéonisation”, mais bien plutôt de chercher à “recevoir le signe divin qui, par eux, nous est donné”. Car ces martyrs “sont comme l’icône où se réfléchit le visage de l’Église d’Algérie et où se donne à voir son identité relationnelle avec son peuple. À partir de là et en fidélité à elle-même, elle peut inventer sa mission aujourd’hui et continuer à devenir l’Église d’Algérie” (p. 8).

Ce livre invite donc à une véritable réflexion sur la mission, suivant ces “nouveaux chemins de sainteté” qui, depuis l’Algérie, “viennent déranger quelque peu l’Église et les chrétiens” (p. 19).

Au prisme de la sainteté et au fil des entretiens, Christian Salenson explore plusieurs pistes thématiques. Le premier entretien est ainsi centré sur le “martyre de l’amour” qui “s’inscrit dans la logique interne d’une vie longuement partagée dans le silence de la prière et l’amitié avec tout un peuple” (p. 35). Le deuxième entretien nous entraine ensuite vers une fructueuse méditation sur la fidélité “qui s’invente au quotidien” (p. 55). Partant d’une interrogation sur le corps, les réflexions du troisième entretien nous poussent à reconsidérer la mission eucharistique de l’Eglise. De même, dans un quatrième entretien, évoquant la figure de Mohammed Bouchikhi, Christian Salenson nous invite non seulement à reconsidérer la formule de communion des saints, mais plus encore à nous ressaisir de celle de “peuple de Dieu”. Au centre de la méditation, la catégorie d’espérance.

Christian Salenson² signe donc ici un nouvel opus riche et stimulant, aussi spirituel qu’intellectuel, aussi dérangeant que nécessaire.

Rémi Caucanas³

Notes de la rédaction