Titre

Le monde ne sera plus comme avant

Auteur

sous la direction de Bertrand Badie et Dominique Vidal

Type

livre

Editeur

[Paris] : LLL Les Liens qui libèrent, 2022

Collection

Le monde d'après

Nombre de pages

334 p.

Prix

22 €

Date de publication

10 septembre 2023

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Le monde ne sera plus comme avant.

Une vingtaine de contributions sont ici rassemblées pour tenter un diagnostic de la situation internationale quelques mois après le début de la guerre en Ukraine. Les thématiques discutées sont très variées, depuis une évaluation de la nouvelle politique russe sur laquelle je reviendrai ci-dessous, jusqu’au débat sur les migrations internationales où l’on note que l’Allemagne a accueilli deux fois plus de migrants que la France, en passant par des regards sur le populisme, la propagande, la souveraineté de l’Union européenne, les relations entre la Chine et les États-Unis, l’islamisme politique et même une perspective stratégique sahélienne. On le voit, les coups de projecteurs vont dans des directions multiples, toujours avec une grande compétence, un sens historique de l’évolution des relations internationales.

Revenons à la politique de Monsieur Poutine que plusieurs contributions abordent. Les différentes analyses affirment que la stratégie du maître du Kremlin « n’est pas un simple retour à l’histoire impériale et encore moins à celle de l’URSS ». Sa stratégie apparait clairement : après avoir consolidé les régimes politiques de Biélorussie et du Kazakhstan, M. Poutine a envoyé des troupes dans le Caucase pour éviter que la Turquie n’intervienne dans cette zone. Il avance alors progressivement des pions d’abord en Géorgie 2008 puis dans le Donbass et la Crimée en 2014. Il se décide enfin à envahir l’Ukraine en 2022, le dernier maillon indépendant de la région, avec l’idée de conforter un chapelet d’États favorables à la Russie dans les zones proches de l’Union européenne, comme si ce pays gigantesque se trouvait à l’étroit dans ses frontières. Les occidentaux n’ayant pas réagi aux précédentes actions d’invasion, le président de la Russie s’est autorisé à une démarche supplémentaire en février 2022.

Mais c’est la guerre de trop, et la Russie ne peut pas gagner maintenant que les Occidentaux ont compris la stratégie du Kremlin. L’OTAN s’est réveillée, le président Zelenski est devenu une figure mondiale qui fédère très efficacement l’opposition à l’expansion russe. Le soutien militaire de l’Ouest, les sanctions économiques occidentales, le départ des entreprises étrangères ont asphyxié l’économie du pays. L’échec est aussi diplomatique avec l’isolement de la Russie, y compris de la part de la Chine qui ne vient pas à son secours.

Un chapitre entier est dédié aux transformations des conflits à cette occasion : ce n’est plus une guerre classique, même si elle reste une guerre interétatique, mais voulue par un seul des belligérants sur le territoire de son ennemi. Étant la première guerre de l’ère mondialisée, elle utilise tous les moyens économiques, énergétiques, informatiques ou médiatiques, au-delà des moyens militaires. Sans être une guerre mondiale, elle provoque un conflit, qui a des répercussions dans le monde, y compris en Afrique avec les diminutions des livraisons de blé. Le libéralisme d’une mondialisation heureuse n’a pas empêché cette guerre dans laquelle la société civile ukrainienne se trouve au premier rang des victimes et des acteurs du conflit.

Signalons pour terminer une contribution originale intitulée « le faux retour du religieux sur la scène internationale ». L’auteure, Delphine Allès, va à contre-courant d’un large mouvement qui voulait intégrer le religieux dans les années 2000 comme un acteur politique de la mondialisation, explicatif des désordres du monde. Le dialogue des religions devenait la clé du retour à une nouvelle stabilité. Cette soudaine réapparition manifeste simplement un défaut de prise en charge d’un secteur entier de la vie sociale qui a toujours été vivant malgré les théories de la sécularisation. La réintégration des acteurs religieux dans le cadre politique tient compte de la diversité des sociétés qui sont aussi religieuses. Le facteur religieux s’intègre donc à la théorie internationale comme un acteur social spécifique que l’on avait oublié.

Dans ce livre1, le lecteur pourra glaner une matière intense pour sa réflexion sur un monde en mouvement constant2.

Pierre de Charentenay

ICM, Chemins de dialogue

Notes de la rédaction

1 Dirigé par Bertrand Badie, professeur émérite des Universités (Sciences Po Paris) et Dominique Vidal, journaliste et historien, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique

2 Voir aussi d’autres livres de Bertrand Badie et Dominique Vidal recensés sur notre site :

Les Puissances mondialisées : repenser la sécurité internationale /Bertrand Badie.- Paris : Odile Jacob, 2021

Quand le Sud réinvente le monde : essai sur la puissance de la faiblesse/Bertrand Badie.-Paris : La Découverte, 2018.- (Cahiers libres)

Nous ne sommes plus seuls au monde : un autre regard sur l’ « ordre international » /Bertrand Badie.- Paris : La Découverte, 2016.- (Cahiers libres)

Antisionisme = Antisémitisme ? : réponse à Emmanuel Macron /Dominique Vidal.- Paris : Libertalia, 2018.- (Poche)

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