Titre
Les Puissances mondialiséesSous titre
Repenser la sécurité internationaleAuteur
Bertrand BadieType
livreEditeur
Paris : Odile Jacob, 2021Nombre de pages
283 p.Prix
22,90 €Date de publication
22 février 2022Les Puissances mondialisées : repenser la sécurité internationale.
Le principe de sécurité est en train de basculer : de national, il devient global.
Bertrand Badie1, l’un des meilleurs spécialistes des questions internationales, définit la sécurité globale “comme tout ce qui touche à la protection face à un danger qui affecte solidairement l’ensemble de l’humanité”. On en connaît bien les manifestations : le changement climatique, un virus inconnu ou le déficit alimentaire. Dès les années 60, Marshall McLuhan parlait déjà du village global. Désormais la sécurité concerne toute l’humanité en échappant au contrôle des États. La puissance d’hier, celle de la guerre, est marginalisée et doit s’effacer devant ce qui devient une puissance mondialisée.
Passer de la coexistence – de la recherche de sécurité nationale -, à un autre système, celui d’une sécurité globale, demande une transition. Celle-ci relève d’un changement culturel mais aussi d’innovations institutionnelles. Une période de transition sera nécessaire au cours de laquelle le principe de la sécurité nationale laissera progressivement place à cette sécurité globale. En bon historien politique, l’auteur remarque que le passage du Moyen Âge à l’ère du modèle westphalien2 n’a pas été non plus sans de multiples désordres et d’innombrables guerres.
Les nouveaux critères de la sécurité reposent sur la prise en compte des comportements sociaux plus que sur les transactions inter-gouvernementales. Il faut tenir compte comme on disait autrefois de ce qui “vient du bas”, c’est-à-dire, aujourd’hui, des lanceurs d’alerte, des O.N.G. mobilisatrices, des réseaux d’experts : ils réussissent ce que les États n’arrivent pas à faire, une mise en commun transnationale de toutes les données disponibles en de multiples matières.
Finalement, pour discuter de tout cela il faut se tourner vers l’humain : la sécurité vise beaucoup à réduire la peur des individus devant l’absence de normes contraignantes pour les élites dirigeantes. La mondialisation a renforcé l’extension de la terreur que l’État ne peut pas contrôler. Il faut changer d’approche et créer un modèle de puissance adaptée à la modernité, une puissance mondialisée. On avance ainsi inévitablement vers un monde qui intègre le fait acquis de la mondialisation.
Il s’agit donc de s’intégrer au processus mondialisé, non pas pour s’y soumettre mais pour chercher les meilleures formules de développement et diminuer les coûts d’une intégration. Des puissances nouvelles surgissent ainsi avec des définitions encore assez floues mais qui permettent de faire la différence entre les États qui acceptent de s’intégrer dans la société globale et ceux qui restent sur la rive. Ainsi l’Allemagne ou la Corée du Sud savent tirer profit de la mondialisation tout en se protégeant : l’ordre international est à revoir.
Pour ce faire, l’auteur passe en revue l’idée de sécurité liée aux vieilles puissances. Il observe comment l’obsession nationale est toujours présente, malgré ses coûts.
Il s’interroge finalement sur ce qu’est une puissance mondialisée qui s’appuie sur une nouvelle diplomatie, et non sur la puissance guerrière ou la capacité de destruction. Cette puissance s’appuie aussi bien sur l’intégration sociale intérieure que sur une capacité de rapprochement avec les voisins.
Dans cette perspective, la démilitarisation peut être parfois le signe d’une nouvelle puissance dans une région donnée, alors que la force militaire a montré son incapacité comme celle des États-Unis au Vietnam, en Irak ou en Afghanistan.
La recherche scientifique devient un critère majeur de présence mondiale, ce que les puissances mondialisées ont compris.
Le propos de Bertrand Badie est toujours illustré de multiples analyses, d’innombrables exemples et de références aussi bien historiques que politiques. Son sens du détail ne l’empêche en rien de nous proposer des synthèses brillantes3.
Pierre de Charentenay4
Institut catholique de la Méditerranée, Marseille (ICM)
Notes de la rédaction
1 Professeur émérite des Universités (Sciences Po, Paris)
2 A propos du modèle ou du système westphalien, voir la recension du livre de Bertrand Badie: Quand le Sud réinvente le monde : essai sur la puissance de la faiblesse, mise en ligne le 04/03/2019
3 Voir aussi, sur notre site : Nous ne sommes plus seuls au monde : un autre regard sur l’”ordre international” , mise en ligne le 04/04/2017.
On pourra écouter Bertrand Badie, invité des Matins d’été sur France-Culture, le 19/08/21, sur: Afghanistan : l’onde de choc
4 Pierre de Charentenay, jésuite, est l’auteur notamment de: Face à la crise climatique.-Marseille : Publications Chemins de Dialogue, 2020 ; La démocratie ennemie de la démocratie.- Marseille : Publications Chemins de dialogue, 2018. Il a fait de nombreuses recensions pour notre site