Titre

Quand le Sud réinvente le monde

Sous titre

Essai sur la puissance de la faiblesse

Auteur

Bertrand Badie

Type

livre

Editeur

Paris : La Découverte, 2018

Collection

Cahiers libres

Nombre de pages

256 p.

Prix

14 €

Date de publication

4 mars 2019

En savoir plus

Quand le Sud réinvente le monde

Quelques-uns se souviennent des traités de Westphalie qui mirent fin à la guerre de 30 ans en 1648. Peu, hors des milieux diplomatiques, connaissent le « système westphalien » qui en a résulté créant « un système interétatique moderne fondé sur les trois principes de la souveraineté externe, de la souveraineté interne et de l’équilibre des puissances »[1]. Pourtant ce système a régi pendant près de cinq siècles les relations internationales et plus particulièrement celles de l’Occident.

Après la deuxième guerre mondiale la décolonisation s’étend progressivement sur le monde, ouvrant la voie à un monde global ; mais, pour les puissances occidentales, les nouveaux États se devaient d’adopter les règles internationales qui gouvernaient le monde depuis des siècles : « rien de plus normal, l’Europe avait inventé l’universel. »

Si cette décolonisation qu’imposait le nouvel ordre mondial a pu se dérouler pacifiquement (Afrique), elle a aussi donné lieu à des conflits sanglants (Algérie, Vietnam), laissant toujours chez les peuples décolonisés, amertume et frustration et, au lieu de permettre l’élaboration d’un système international unique, elle a généré une instabilité durable. La plupart des nouveaux États importèrent le modèle institutionnel des États colonisateurs, élaboré durant plusieurs siècles, sans tenir compte des réalités sociales et historiques de leurs pays : bien souvent, ceux qui avaient combattu la colonisation étaient des libérateurs plus que des bâtisseurs d’État.

L’indépendance ouvrait les portes de l’ONU (50 États à sa création en 1945, 193 depuis 2012, majoritairement du Sud) ; ainsi, les nouveaux États se retrouvaient juridiquement sur un pied d’égalité avec leurs colonisateurs, à condition que ceux-ci les acceptent sans condescendance, comme acteurs politiques à part entière. Est-ce le cas ? On peut en douter tant l’universalité de la culture européenne écrase toutes les autres.

Mais au lieu de participer au développement des États émancipés, les colonisateurs se sont bien souvent conduits comme des affairistes (voir la France-Afrique). Ils ont développé ainsi un monde toujours plus inégalitaire où la socialisation des populations s’est dissoute dans la violence et les conflits, provoquant une contre-socialisation génératrice de mouvements extrémistes : le faible s’affirme de plus en plus face au puissant ouvrant la voie, selon Bertrand Badie, à une nouvelle donne du système international où « les enjeux sociaux deviennent plus importants que les enjeux de puissance »[2] .

Aujourd’hui le « vieux monde » s’agrippe encore au système westphalien malgré quelques entorses à ses principes (droit d’ingérence, devoir d’assistance), se retranchant derrière des clubs de « puissants » (G7, G20, etc.) mais s’excluant peu à peu des multiples conflictualités : « le puissant devient impuissant, il ne fait que réagir au désordre, quand il n’en est pas le spectateur passif ».

Professeur émérite des universités à Sciences Po-Paris, Bertrand Badie s’est imposé comme l’un des meilleurs experts en relations internationales[3]. Dans son nouveau livre, Quand le Sud réinvente le monde. Essai sur la puissance de la faiblesse, et en prenant le point de vue des États du Sud, il montre comment l’échec de la décolonisation est au cœur des désordres multiples qui secouent le monde.

Francis Labes

 

[1] « La souveraineté externe (aucun État ne reconnaît d’autorité au-dessus de lui et tout État reconnaît tout autre État comme son égal) ; la souveraineté interne (tout État dispose de l’autorité exclusive sur son territoire et la population qui s’y trouve et aucun État ne s’immisce dans les affaires internes d’un autre État) ; et l’équilibre des puissances ( aucun État ne doit disposer des forces lui permettant de s’imposer à l’ensemble des autres États et tout État s’efforce à ce qu’aucun autre État ne parvienne à l’hégémonie) ». Dictionnaire des relations internationales.-, Dalloz, 2012.

[2]Pour écouter Bertrand Badie reçu, à propos de son livre, le 10/10/2018, par Pascal Boniface, géopolitologue et directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) cliquer ICI (durée : 25 mn).

– Pour écouter son intervention sur Paix et gouvernement du monde nouveau, dans le cadre d’un colloque international organisé, les 25-26/01/2019, par la Fondation Gabriel Péri sur Construire la paix et déconstruire et prévenir la guerre cliquer ICI (durée : 18 mn)

[3] Cf. aussi son précédent livre et sa recension sur notre site, en cliquant sur : Nous ne sommes plus seuls au monde : un autre regard sur l’ « ordre international ».- La Découverte, 2016