Israël, l’agonie d’une démocratie.

Ce petit livre est un pavé dans la mare.

Il commence sèchement par une opinion de Hannah Arendt exprimée au moment de la fondation de l’État d’Israël, qui créait une nouvelle catégorie de réfugiés, les Arabes. L’auteur la cite à propos du projet de Netanyahu de créer une agence gouvernementale de “l’identité nationale”. Netanyahu a passé deux périodes au pouvoir, la première de 1996 à 1999, la deuxième de 2009 à 2021.

Ces périodes plus récentes correspondent à un contexte politique où il est en position de force face aux Palestiniens. Il a scellé des alliances avec les ultra-orthodoxes, ennemis d’une démocratie libérale. Ses axes politiques ont changé. Il ne s’agit plus de travailler avec l’État séculier d’Israël, mais de le combattre. Il faut le faire à partir de l’identité juive, ce qui mène à un affrontement entre Juifs et Israéliens. La politique israélienne est donc menée désormais par un conflit intérieur où la clé est le retour à l’identité juive.

Netanyahu a lancé ce débat dès 2009. Il faut contrôler la gauche et les influences étrangères qui prôneraient la démocratie. Après beaucoup de lobbying, la Knesset adoptera en 2018 un texte sur “Israël, état nation du peuple juif”¹. Seul, le peuple juif aura le droit de définir les destinées d’Israël. Les non-juifs sont tout juste tolérés. Ben Gourion, Begin et tous les démocrates sont oubliés. Même s’il n’est pas observant, Netanyahu a la caution des religieux. Il se débat comme un diable lorsque les autorités judiciaires le traînent en justice pour corruption en mai 2020.

Débarqué du pouvoir en 2021, Netanyahu revient aux affaires le 28 décembre 2022, avec des alliés d’extrême droite, pour mettre en place un régime national juif. Nouveaux ministères identitaires, gros budget aux organisations nationalistes et messianiques, avec une législation renforçant les lois religieuses. La liste Sionisme religieux hérite des ministères de la Colonisation et de l’Éducation ! Les extrémistes religieux contrôlent la Défense et les Finances². L’Agence de l’identité nationale juive dispose d’un gros budget, et se promet de combattre “les forces impures”, notamment venant du christianisme, ou des ONG de gauche. Les rabbins ultra-orthodoxes ont su garantir leur exemption du service militaire, et un système d’éducation qui leur est propre, fondé sur la Torah, mais qui ne donne aucun accès au travail.

Dès janvier 2022, le projet gouvernemental provoque une énorme réaction car il voulait mettre la Justice sous le contrôle du parti au pouvoir. Ce serait la fin de la séparation des pouvoirs et donc une dictature du parti majoritaire, la droite en l’occurrence. Des centaines de milliers de manifestants vont monter au créneau. La réforme judiciaire est finalement abandonnée.

La question palestinienne n’est pas réglée non plus. On va tout droit à un apartheid. C’est ce qui se passe déjà en Cisjordanie, que les juifs les plus radicaux veulent annexer. L’intégrisme juif se révèle opposé au principe démocratique.

Israël est donc dans une impasse, telle est la conclusion de Charles Enderlin³, ancien correspondant de France 2 dans le pays pendant 35 ans. L’analyse est rigoureuse, les propos fermes et objectifs. C’est sur ce terreau que l’attaque du 7 octobre 2023 a mis en route une guerre sur Gaza dont les plaies vives interrogent un régime enfermé dans son carcan.

Pierre de Charentenay

ICM, Chemins de dialogue

Notes de la rédaction