Titre

Histoire des mobilisations islamistes, XIXe-XXIe siècle

Sous titre

D'Afghani à Baghdadi

Auteur

sous la direction de François Burgat et Matthieu Rey

Type

livre

Editeur

Paris : CNRS éditions, févr. 2022

Nombre de pages

442 p.

Prix

26 €

Date de publication

16 septembre 2022

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Histoire des mobilisations islamistes : XIXe-XXIe siècles.

Contre les polémiques qui courent actuellement à l’encontre de la recherche supérieure en France, voilà un ouvrage qui démontre une capacité réelle de notre pays à mobiliser amplement des savoirs scientifiques. On regrettera d’ailleurs que la douzaine d’auteurs réunis ici ne soient pas mieux présentés.

Dirigé par François Burgat et Matthieu Rey1, deux spécialistes appartenant au CNRS et dont les productions récentes ont alimenté une meilleure compréhension des enjeux moyen-orientaux, cet ouvrage collectif regroupe des plumes célèbres comme Henry Laurens2 et des auteurs spécialisés sur des régions plus éloignées des passions françaises à l’image de Rémy Madinier et Élodie Apard qui ouvrent respectivement la réflexion à l’Indonésie et au Nigéria.

Si l’on déplore le manque de cartes et d’illustrations, l’effort est réel de “décloisonner” ou de “mondialiser” autant que possible l’analyse du phénomène islamique.

Comme les auteurs l’affirment eux-mêmes, cet effort doit être poursuivi. Rien n’est dit par exemple de l’Afrique orientale pourtant si importante dans le développement du mouvement islamiste. De même, on aurait voulu en savoir plus sur ce “modèle malaisien” évoqué à plusieurs reprises. Il n’en demeure pas moins que l’ouvrage représente une réponse audacieuse et extrêmement bien construite à l’encontre des deux lectures qui prédominent aujourd’hui.

Critiques d’une démarche essentialisante, les auteurs se positionnent clairement contre une grille de lecture sécuritaire, néo-libérale et trop souvent journalistique plus qu’académique.

Et contre une démarche qui resterait trop aveuglée par l’histoire récente – dont les travaux de Gilles Kepel3 représentent encore le meilleur exemple -, les auteurs du présent ouvrage proposent une approche “relationnelle”, pensant l’islamisme « en relation avec l’ensemble des autres composantes du champ politique ». Ils n’en proposent pas moins une approche historique : l’ouvrage est ainsi construit en cinq parties correspondant à cinq séquences successives et cinq configurations historiques couvrant à peu près les deux derniers siècles.

La première partie regroupe trois chapitres qui, partant de trois contextes différents (Proche-Orient, Iran, Maghreb), permettent de comprendre les effets du rapport inégal imposé par l’Occident au dix-neuvième siècle jusqu’aux chocs provoqués par la Première guerre mondiale.

Centrée sur l’ “heure coloniale”, la deuxième partie revient “sur la manière dont, lors de leur entrée en terres d’islam, la volonté des puissances occidentales d’organiser et de régenter en trouvant des partenaires locaux et, d’autre part, les mutations propres aux champs politiques locaux ont précipité l’émergence de ces expressions particulières d’où sont nées les premières organisations ‘islamistes'” (p. 89).

Intitulée “L’ère libérale”, la troisième partie s’attache à éclairer un moment aussi temporellement bref qu’ “heuristiquement riche” : quand, de l’Indonésie au Maghreb, les acteurs de l’islam politique s’attachent à préserver un cadre constitutionnel, “au risque de disparaitre avec lui” (p. 136).

La quatrième partie se penche sur “Les islamistes à l’heure des révolutions”. Dans un chapitre majeur de l’ouvrage, Henry Laurens, Chaymaa Hassabo et Matthieu Rey rappellent la spécificité de cette période faite de rencontres et de la confrontation entre les acteurs de l’islam politique et des régimes “révolutionnaires”.

Enfin, la cinquième partie regroupe des contributions qui, insistant sur la diversité, tentent de cerner quelques axes majeurs – du poids de l’hégémonie américaine et de l’influence saoudienne à l’émergence de nouvelles formes de l’islamisme -, pour penser les recompositions contemporaines.

En bref, un ouvrage solide, appelé certainement à devenir une référence.

Rémi Caucanas4

Notes de la rédaction

1 Histoire de la Syrie : XIXe-XXIe siècle / Matthieu Rey.- Paris : Fayard, 2018

3 Lire sur notre site :

Le prophète et la pandémie : du Moyen-Orient au jihadisme d’atmosphère / Gilles Kepel ; cartes inédites de Fabrice Ballanche.- Paris : Gallimard, 2021.- (Esprits du monde)

Sortir du chaos : les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient / Gilles Kepel ; cartes inédites de Fabrice Balanche.- Paris : Gallimard, 2018.-(Esprits du monde)

Terreur dans l’hexagone : genèse du djihad français / Gilles Kepel.- Gallimard 2015, repris dans « Folio actuel », 2015, rééd. 09/02/2017.

Passion arabe : journal 2011-2013 / Gilles Kepel.- Gallimard 2013, repris dans la coll. “Folio actuel”, 2016

Propos de Gilles Kepel, recueillis par François d’Alençon sur le site de La Croix, le 23/04/2015

Entretien avec Gilles Kepel : Moyen-Orient, le basculement, Le Monde, 2 septembre 2014

4 Rémi Caucanas, docteur et chercheur en histoire, est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les relations entre chrétiens et musulmans et, notamment de : Jacques Lanfry : un lion, l’Église et l’Islam.– Rome : PISAI (Pontificio Istituto di Studi Arabi e d’Islamistica), 2021 ; Étienne Renaud, la passion du dialogue .-Marseille : Publications Chemins de Dialogue, 2017 ; Chrétiens et musulmans en Méditerranée : Ombres et lumières de l’entre-deux guerres (1919-1939) / préface de Mgr Jean-Marc Aveline.- Marseille : Publications Chemins de Dialogue, 2017 et de Relations islamo-chrétiennes en Méditerranée : entre dialogue et crispation.- Presses Universitaires de Rennes, 2015. Chercheur associé à l’Institut de Recherches et d’Études sur le Monde arabo-musulman (IREMAM, Aix-en-Provence, France) et au PISAI, il enseigne aujourd’hui l’histoire des relations islamo-chrétiennes à l’Université Saint-Paul à Ottawa.

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