Titre
Décris-RavageSous titre
3ème épisode : Décrire et inventer la Terre sainteAuteur
Adeline Rosenstein, Alex BaladiType
livreEditeur
Genève (Suisse) : Atrabile, 19/10/2018Collection
Bile blancheNombre de pages
79 p.Prix
16 €Date de publication
20 août 2019Décris-Ravage
Décris-Ravage : action d’endommager considérablement une chose en la décrivant.
Cet ensemble de trois séquences ou chapitres présenté sous forme de BD rassemble les 3 premiers épisodes d’une série de 6. La question israélo-palestinienne, la question de l’État de la Palestine hier et aujourd’hui, le rapport entre le Moyen-Orient et l’Occident y sont étudiés et présentés depuis la venue de Napoléon Bonaparte[1].
Les 3 prochains épisodes devraient être publiés prochainement. Cette histoire a d’abord été présentée au public sous forme de pièce de théâtre[2].
3ème épisode : Décrire et inventer la Terre Sainte
« Aux débuts de la colonisation de l’Amérique du Nord, de nombreux puritains étaient convaincus qu’ils incarnaient les fils d’Israël auxquels la nouvelle terre, où coulaient le lait et le miel, avait été promise. Ils firent la percée vers l’ouest, l’Ancien Testament en main, et s’imaginèrent être les héritiers authentiques de Josué le conquérant. Cet imaginaire guida aussi les colons en Afrique du Sud ». Shlomo Sand.
Nous ne pouvions pas ne pas citer Shlomo Sand[3], qui fait – ou a fait – partie de ceux que l’on a appelé « les nouveaux historiens israéliens[4] », ces hommes courageux qui ont regardé le présent israélien, l’occupation, la colonisation, au prisme de l’histoire récente de la construction de l’État d’Israël.
Et de fait, ce 3ème épisode démarre par un chapitre qui s’intitule « Décrire Armageddon, ravager Al-Lajjun ». Nous entrons dans cet épisode par une interview pour rendre cette tragédie[5] plus humaine. Des mains, des mots, des mots emplis d’émotions qui disent la création des villes israéliennes par la destruction de villages palestiniens en 1948. Expropriation des habitants, appropriation des terres, démolition de maisons. Le fait colonial encore recommencé…
Et toujours cette même empreinte des auteurs, réfléchie, voulue, dense, complexe. Comment décrire par les mots et les images la construction d’un lieu nouveau – ici un kibboutz -, par le ravage, le saccage d’un lieu ancien ? Ou comment transformer l’histoire pour mieux dire celle des vainqueurs ?
Interviews, scènes de théâtres, traductions de langues de ces peuples ravagés comme pour mieux dire leurs cultures, pour mieux les reconnaître ou les connaître à nouveau… poésies, textes littéraires magnifiques, paroles de souffrance. Tout est lié, relié, décrit, magnifié. Tout est art, tout peut être sublimé.
C’est une œuvre magistrale que ces trois tomes[6]. C’est de l’art. De l’Algérie à la Grèce, d’un retour sur l’Empire ottoman, nous comprenons ainsi la part que les puissances occidentales ont pris dans le massacre de ces peuples.
Les textes comme les illustrations appellent à un retour sur un passé parfois non exploré. Cela donne envie au lecteur – qui ne serait pas familier de la question israélo-palestinienne – de se plonger dans les archives – comme l’ont fait les « nouveaux historiens » -, de lire leurs documents, de comprendre ce qui a affecté cette région et continue de poser d’insolubles problèmes pour l’instant.
Nous ne pouvons raconter ce 3ème épisode particulièrement car il est encore plus complexe et chargé de références historiques[7] et d’actualités tragiques que les précédents.
Mais terminons puisqu’il faut conclure, par un extrait de la préface d’Olivier Neveux pour ce 3ème épisode : « L’intelligence appelle l’intelligence, elle l’éveille. Décris-Ravage fait penser à ce qui n’avait pas été pensé. Non pas que tout soit neuf, les faits se trouvaient déjà là dans les livres de connaisseurs, non pas qu’il s’agisse de populariser un savoir savant, de juste lever les faits, de les rendre verticaux, de les incarner, non : quelque chose d’autre peut être pensé par ce que produit la mise en rapport de l’espace arbitraire du cadre – de la scène et de la page-, des corps ou des traits, du savoir qui s’y contraint, qui s’y décèle et s’y crée, et des raisons que l’œuvre poursuit. […] la fermeté des principes, l’intégrité inspirée des uns, l’intelligence de leur art rend la corruption des autres encore plus misérable – et console tout autant qu’encourage. »
Voilà tout est dit. Tenons ferme et mettons notre humanité au service de la vérité quel qu’en soit le prix à payer.
Marilyn Pacouret
Secrétaire générale de CDM
[1] Nous aurions pu faire le choix de présenter une seule et même recension pour ces trois épisodes ou chapitres mais pour plus de clarté et/ou d’approfondissement de l’œuvre, nous avons préféré rédiger 3 recensions distinctes mais aussi entremêlées comme l’est toute l’histoire de ce petit bout de terre qu’était la Palestine historique et qui est devenue celle qui n’existe plus ou pas encore, nommée « Territoires occupés » : Cisjordanie, Bande de Gaza, Jérusalem-Est, et qui est toujours en attente de reconnaissance d’un État à part entière, un État souverain.
[2] Adeline Rosenstein, d’origine allemande, a grandi à Genève, étudié à Jérusalem et Berlin, et travaillé entre Buenos Aires, Berlin et Bruxelles. A l’image de Décris-Ravage, qu’elle a écrit et mis en scène, A. Rosenstein développe depuis plusieurs années une forme de théâtre documentaire. Pour en savoir plus, cliquer ICI.
Décris-Ravage a été jouée à Paris au Théâtre de la Cité internationale : cliquer ICI
Alex Baladi, dessinateur, est un vieux compagnon de route des éditions Atrabile. En janvier 2019, au festival international d’Angoulême, il a reçu le Prix de la bande dessinée alternative. Pour en savoir plus, cliquer ICI
Adeline Rosenstein et Alex Baladi étaient les invités des Rencontres littéraires de l’IMA, le 16/02/2019 pour ce 3e épisode : Décrire et inventer la Terre Sainte. Cliquer ICI
[3] Voir ses livres sur notre site : Les mots et la terre : les intellectuels en Israël ; Comment le peuple juif fut inventé : de la Bible au sionisme (cf. article de Shlomo Sand in Le Monde diplomatique, août 2008) ; Comment la terre d’Israël fut inventée : de la Terre sainte à la mère patrie
[4] Sur les nouveaux historiens israéliens, cliquer ICI
[5] Al-Lajjun était un village arabe palestinien situé à un km au sud des vestiges de la ville biblique de Meggido.
[6] Nous ne saurions que vous encourager à vous procurer ces 3 tomes avant la parution des 3 autres en devenir…
[7] La relecture des parties historiques a été assurée par Henry Laurens et Jihane Sfeir, enseignante chercheuse, de l’Université Livre de Bruxelles (ULB). Certaines documentations historiques sont tirées des ouvrages de Francois Georgeon, historien français spécialiste de l’Empire ottoman et de la Turquie contemporaine ; Ilan Pappe, un des « nouveaux historiens », cliquer ICI ; et Vincent Lemire, auteur de Jérusalem 1900, il a dirigé le livre Jérusalem : histoire d’une ville-monde des origines à nos jours
Les chapitres qui concernent l’histoire du XIXe siècle ottoman sont inspirés des travaux de Julia Strutz, historienne de l’Empire ottoman et Erbatur Cavusoglu, musicien stambouliote, et de ceux d’ Henry Laurens : Le royaume impossible : la France et la genèse du monde arabe.- Armand Colin, 1990 ; La Question de Palestine T. I. L’invention de la Terre sainte : 1799-1922.- Fayard, 1999 ; Les crises d’Orient : 1768-1914.- Fayard, 2017. Certaines citations sont tirées des films documentaires d’Eyal Sivan, Simone Bitton et Ron Cahlili.