Pierre Morel : un veilleur de la liberté religieuse

MorelPIERRE MOREL Cet ancien ambassadeur à Moscou et près le Saint-Siège participe au lancement de Pharos, un observatoire de veille juridique sur le respect du pluralisme dans le monde, en particulier religieux.

Finie « la vie de nomade ». Dans les dernières années d’une carrière diplomatique brillante, Pierre Morel a passé des « centaines de nuits dans l’avion » et écumé les aéroports d’Europe et d’ex-URSS. Pour gagner l’Abkhazie occupée, via Tbilissi et Munich, ou Tachkent, via Moscou, celui qui était, jusqu’à l’été dernier, représentant spécial de l’Union européenne pour l’Asie centrale ne compte plus les longs corridors remontés d’un terminal à l’autre, « remplis de milliers de gens à trois heures du matin », pour rejoindre sa porte d’embarquement, « entre deux boutiques ». « Comme dans un caravansérail, vous vous retrouvez parmi de jeunes travailleurs ouzbeks partant offrir leur force de travail en Russie », décrit-il.

Recevant aujourd’hui au milieu d’hommes d’affaires cravatés dans les salons d’un grand hôtel parisien, Pierre Morel narre, sans nostalgie mais sans se faire prier, les souvenirs encore tout frais de ses postes d’ambassadeur de France successivement en Russie, en Chine et près le SaintSiège, puis au sein des relations extérieures européennes et de son service naissant. De ces longues heures de vol dans la diplomatie, l’homme du Quai a gardé l’élégance du sourire, la maîtrise complète du verbe, avec l’adresse d’esquiver des questions et le sens de l’anecdote en guise de digression.

Mais surtout l’art et la patience d’aborder des dossiers inextricables. Il faut bien être grand diplomate devant « une situation instable de post-conflit » comme le Caucase en recèle, et « sans pouvoir changer les grands paramètres » face au pouvoir russe, déceler où « travailler dans l’intermédiaire ». Pierre Morel s’y est employé au cours d’inlassables séances de médiations à Genève entre Russes et Géorgiens. En misant sur l’heure du déjeuner. Lorsque les délégations ennemies sont obligées, à défaut de s’asseoir à la même table, de manger dans la même salle et ainsi de commencer à s’apprivoiser l’une l’autre. De même, il n’a jamais eu l’impression qu’étaient vaines les questions « critiques, précises et méthodiques » sur les droits de l’homme posées par la diplomatie européenne à chaque rencontre officielle, du Turkménistan au Kirghizstan.

C’est justement parce qu’il est convaincu que l’aspiration à être un citoyen libre et respecté est universelle mais exige de tenir compte des facteurs ethniques, linguistiques et religieux que Pierre Morel vient de participer à la création d’un « observatoire du pluralisme des cultures et des religions ». Dénommé « Observatoire Pharos » et présidée par Mireille Delmas-Marty, l’association, qu’il dirige bénévolement, a commencé à dresser un état des lieux précis du respect des libertés, en particulier de la liberté religieuse, dans plusieurs pays et traduit en trois langues, français, anglais et arabe.

« Pour ne pas non plus que toute la littérature sur le sujet soit anglo-saxonne », justifie aussi l’ancien ambassadeur français, qui compte mettre sur pied une veille efficace à travers un réseau d’observateurs. Soutenu pour démarrer par son ancienne maison, le ministère des affaires étrangères, il passe du temps à chercher d’autres sources de financement.

Mais, à 68 ans, marié à une diplomate, père de trois enfants entrés dans la vie active et grand-père de deux petits-enfants, il ne prétend pas vouloir créer une vaste ONG internationale. D’autant que ce natif de la Drôme provençale préside aussi, non loin de là, la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, qui accueille en résidence des artistes du théâtre. Une façon de se replonger dans la vie artistique, dimension qu’il appréciait tant dans ses postes d’ambassadeur.

Pas le temps du coup, pour écrire des mémoires. D’autant que Pierre Morel n’a pas complètement quitté sa vie de nomade. Pour preuve, il est attendu cette fin de semaine à Cannes à une rencontre de haut niveau, la World policy conference, organisée par l’Institut français de relations internationales (Ifri).

Le 15 septembre 2008, il devient représentant spécial de l’UE pour la crise en Géorgie

À la suite de la guerre-éclair d’août 2008 entre la Russie et la Géorgie à propos des régions sécessionnistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie, Pierre Morel est nommé représentant spécial de l’Union européenne pour cette crise. Il présidera à ce titre plusieurs séances de discussion à Genève. « Je surveillais la situation comme le lait sur le feu », se souvient Pierre Morel, satisfait qu’au moins, depuis le déploiement d’une mission européenne sur les lieux, les incidents n’aient plus dégénéré.

Source : www.la-croix.com le 4 décembre 2012