Titre

Les Samaritains

Auteur

Étienne Nodet ; postface de Jan Joosten

Type

livre

Editeur

Éd. du Cerf, 2022

Nombre de pages

264 p.

Prix

24€

Date de publication

4 avril 2023

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Les Samaritains

Même si cet ouvrage est plutôt destiné aux initiés, il mérite d’être connu d’un public aussi large que possible.

Etienne Nodet – professeur de littérature intertestamentaire à l’École biblique et archéologique française de Jérusalem (EBAF) , est désormais connu pour sa lecture minutieuse de l’œuvre de Flavius Josèphe, l’auteur d’une histoire des Juifs au premier siècle : La Guerre juive puis Les Antiquités juives, mais aussi le défenseur de sa nation dans une lettre à l’empereur de Rome, le Contre Apion1.

Aussi est-il intéressant de suivre le professeur de l’École biblique de Jérusalem dans un exposé qui prend l’allure de notes de cours. Le lecteur pourra ainsi jeter un regard nouveau, c’est-à-dire sans idées préconçues, sur la nation des Samaritains. Aujourd’hui établis à Naplouse, au pied du Mont Garizim, et à Hôlon, dans la banlieue de Tel Aviv, ils sont le petit reste d’un peuple qui jusqu’au 6ème siècle de notre ère comprenait plusieurs centaines de milliers de personnes.

Comparant les sources disponibles, exploitant une énorme bibliographie savante et osant toutes les hypothèses suggérées par sa recherche, l’auteur répare une erreur historique qui a fait de la religion des Samaritains une forme dégradée du judaïsme alors qu’en réalité ils sont des héritiers directs des anciens Israélites.

Avec cette contribution, Etienne Nodet prolonge et consolide une approche des Antiquités juives telle que l’avaient proposée Israël Finkelstein ou Thomas Römer2. Les conclusions figurant à la fin du chapitre 2 résument précisément la première partie de la démonstration. La lecture attentive des pages 131 à 133 facilitera l’accès aux deux derniers chapitres consacrés au choc de la crise maccabéenne et à la période perse.

Le lecteur redécouvre l’histoire biblique sans a priori : “Même si certaines inscriptions attestent que YHWH était une divinité locale, on n’isole pas de forme cultuelle précise, sinon une lutte récurrente contre les divinités phéniciennes. Les rares allusions à la loi de Moïse ne sont que des effets littéraires. Le Yahwisme local est apparemment commun. Par contre, un divorce politique ancien est très clair : l’unité du royaume attribué à David et Salomon ne fut au mieux qu’une phase momentanée, d’autant que ces rois, d’origine faiblement israélite, étaient établis comme vassaux de la puissance phénicienne de Tyr.” (p.131-132)

Il reste alors à restituer le contexte qui conduit à l’éloignement ou au rejet des Samaritains par les Juifs et vice-versa. Ce n’est pas transparent : “Le divorce religieux ancien entre Israël et Juda, qui devrait être infiniment petit, reste inexplicable.” (p.167)

C’est la raison pour laquelle, dans le dernier chapitre intitulé “La Période perse”, Etienne Nodet nous promène à travers les textes, loupe à la main : Antiquités Juives 11, 302-325 puis Esdras, 1,6-2,7 et Néhémie.

Quand vient le temps de conclure, le lecteur retient que : “Le personnage d’Esdras est une création habile, qui combine trois éléments peu cohérents pour en tirer une nouvelle définition d’Israël : une continuité avec la période royale, la promotion de la loi de Moïse et un apport décisif des coutumes babyloniennes qu’il faut rattacher aux Pharisiens ultérieurs… Les Israélites locaux sont maintenus à l’écart, Samaritains ou autres.” (p. 213) et que : “Malgré un Yahvisme commun3, la naissance d’un Pentateuque unique à une époque très ancienne ne repose sur aucun fait ; une tradition veut sous plusieurs formes qu’il ait été oublié pendant l’ensemble de la période royale, ce qui permet d’en maintenir l’ancienneté.” (p. 219).

A peine les conclusions formulées, Etienne Nodet ouvre les pistes évoquées au fil de la démonstration. Son lecteur est prêt à le suivre sur de nouveaux parcours en souhaitant qu’ils soient moins semés d’embûches4.

Marc Ameil

 

1 Cf. Les Romains, les Juifs et Flavius Josèphe / Etienne Nodet ; préface de Mireille Hadas-Lebel.- Paris : Cerf, 2019 et Œuvres complètes / Flavius Josèphe ; présentées et éditées par Mireille Hadas-Lebel, Bouquins, 2022

2 Cf. La Bible dévoilée : les nouvelles révélations de l’archéologie /Israël Finkelstein et Neil Asher Silbermann.Bayard, 2002 (rééd. Gallimard, coll. Folio, en 2004) et Le Royaume biblique oublié / Israël Finkelstein.- Odile Jacob, 2013. Voir aussi : L’invention de Dieu / Thomas Römer.- Seuil en 2014 ; Moïse en version originale : enquête sur la sortie d’Egypte / Thomas Römer.-Bayard, Labor et Fides, 2015. Et, enfin, Aux origines de la Torah : nouvelles rencontres, nouvelles perspectives /Israël Finkelstein, Thomas Römer .-Bayard, 2019

3 Il faut comprendre que le culte rendu à un dieu unique était plus répandu qu’on a pu le dire, autrement dit la croyance en un dieu unique était plus diffuse qu’on l’a admis. Néanmoins, il faut dissocier le culte d’un dieu unique et la constitution du Pentateuque.

4 (Note de la rédaction). A voir sur Arte, le reportage de Gaël Turine (France, 2022), disponible jusqu’au 18/08/2025 : Palestine : le combat des Samaritains  (34.56 min).

Ce groupe ethnique et religieux, majoritairement établi sur la montagne du Gerizim, proche de Naplouse en Cisjordanie, préserve ses traditions millénaires. Les Samaritains de Cisjordanie portent des prénoms arabes et des noms de famille juifs, parlent l’arabe et maîtrisent parfaitement l’hébreu. Ils revendiquent aujourd’hui une neutralité, indispensable pour la survie de leur communauté. Seuls détenteurs dans la région de la double nationalité israélienne et palestinienne, les Samaritains sont culturellement proches des deux nations, enlisées dans un conflit interminable. Ils ont fait de leur village un lieu de tolérance et de respect entre les deux communautés ennemies. »

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