Les Assyro-Chaldéens : mémoire d’une tragédie qui se répète

Le Pr. Yacoub dont les grands parents chaldéens subirent les exodes imposés à cette communauté en Iran, en Irak et jusqu’en Syrie, a rassemblé une précieuse documentation dont les sources religieuses, diplomatiques, littéraires, journalistiques, rédigées en syriaque, en arabe, en persan, en anglais et en français, permettent aux historiens et au grand public de découvrir des épisodes de l’histoire, qui n’appartiennent pas exclusivement aux Assyro-Chaldéens, ni même au passé, puisque la tragédie se poursuit aujourd’hui en Syrie, en Irak, en Turquie.

Dans ce nouveau livre¹, est évoqué le cas tragique des Assyro-Chaldéens, demeurés dans le Kurdistan pendant 2600 ans jusqu’en 1915-1918 et qui vécurent retirés du monde. Au XIXe siècle, les Occidentaux les redécouvrent ; une mission américaine presbytérienne en 1831, la Mission de l’Archevêque de Canterbury en 1886, des missionnaires russes en 1894. Des Lazaristes français et des Filles de la Charité s’installent à Ourmiah en 1835, puis des missionnaires allemands et suisses. Ces populations allaient subir un génocide, comme les Arméniens, planifié par le gouvernement ottoman durant la première guerre mondiale pour éradiquer les groupes ethniquement non-turcs et religieusement non-musulmans.

Dès 1834, des massacres avaient été menés par des troupes ottomanes dans le Hakkari, Kurdistan irakien pour affaiblir le pouvoir temporel du Patriarche assyrien résidant à Kotchannes. De 1890 à 1896, en proie à de nouveaux massacres, les chrétiens fuient en Azerbaïdjan iranien et au Caucase, l’Arménie et la Géorgie étant occupées par les Russes.

Mais la faiblesse structurelle de l’État perse ne garantit pas la sécurité des chrétiens. Nasreddine Chah (1848-1896), contesté par les mollahs rigoristes, est assassiné ; son fils Muzaffar Eddin (1896-1907) est très faible. Britanniques et Russes signent en 1907 un accord de partage de l’Iran. De 1906 à 1911, les Turcs et leurs alliés kurdes occupent l’Azerbaïdjan iranien, brutalisant les Assyro-Chaldéens. En 1914, les Ottomans lancent l’appel au djihad. Les Russes battant en retraite au début de 1915, Turcs, Kurdes et certains Persans, pillent les villages chrétiens de cette région faisant 10 000 victimes. Mais en mai 1915, les troupes russes reviennent sur le sol iranien, délivrance hélas provisoire pour les communautés chrétiennes. Car, en décembre 1917, les Russes se retirant précipitamment suite à la Révolution bolchevique, les Assyriens doivent gagner la Russie ou se défendre avec les munitions abandonnées par les Russes jusqu’en juillet 1918 avant de fuir avec 70 000 civils vers Hamadan (480 km), conduits par des officiers anglais et français, puis Baaqouba en Irak, occupé par les Anglais. 40 000 y parviendront dans une souffrance indescriptible. A Ourmiah, Mgr Sontag², lazariste français, Délégué Apostolique en Iran et trois prêtres sont assassinés. Les consuls français à Tabriz évoquèrent pour ces crimes des responsabilités partagées entre notables persans et turcs.

On saura gré à l’auteur de nous donner de nombreuses références bibliographiques dans les notes de bas de page et dans la bibliographie ainsi que deux cartes de cette région peu connue.

 Christian Lochon
Administrateur de CDM