Titre
Éloge de la religionAuteur
Paul ValadierType
livreEditeur
Paris : Salvator, 2022Collection
ForumNombre de pages
196 p.Prix
18 €Date de publication
23 décembre 2022Éloge de la religion.
Cet éloge de la religion est fait dans le contexte historique occidental qui se caractérise avant tout par l’indifférence en matière de religion. C’est dire que l’auteur1 prend à rebrousse-poil nos contemporains par ce titre qui frise la provocation, art dans lequel il semble d’ailleurs prendre quelque plaisir lorsqu’il règle leur compte à plusieurs auteurs (à l’exception de Nietzsche) en une ou deux lignes sans appel. Mais l’essentiel n’est pas là.
Qu’est-ce qu’une religion ? La réponse est descriptive plus que philosophique : il y a religion dès lors qu’on trouve dans tel ou tel phénomène, des textes tenus pour sacrés, une tradition qui les transmet, une communauté rassemblée autour d’eux, des célébrations réglées, un travail d’interprétation de ces traditions et croyances.
Face à cela, l’auteur s’interroge sur l’athéisme dans un chapitre qui s’intitule “Impossible athéisme” et dont les paragraphes ont pour sous-titres : vanité de l’athéisme, les athéismes d’État, l’athéisme ordinaire, impuissance de l’athéisme, et enfin, quelle puissance créatrice ? Ce dernier paragraphe indiquant “l’impuissance de l’athéisme à créer un art digne de ce nom”. Effectivement, il est difficile de trouver plus indigent en matière d’art que les œuvres produites sous la protection des pays communistes. Et il est assez évident que les arts inspirés par les religions sont généralement remarquables, mais il faudrait ajouter que celles-ci peuvent aussi produire des mièvreries saint-sulpiciennes.
L’auteur reconnait le “pouvoir fédérateur” de la religion dans la société, sans pour autant nier les dangers d’un tel rôle. Ce point mériterait d’être sérieusement discuté car il ne semble ni possible ni souhaitable de nos jours qu’une société trouve son unité dans un fondement religieux. Que peut alors signifier concrètement ce pouvoir fédérateur ? Quant à ceux qui se réclament d’une spiritualité athée, tel André Comte-Sponville, l’auteur n’y voit pas une “spiritualité proprement dite”. Il prône à leur égard la pratique du “discernement des esprits” afin de ne pas tomber “dans les pièges des petits maîtres trompeurs ou du sentimentalisme”. Les spiritualités laïques n’émancipent pas le sujet individuel de lui-même mais le livrent plutôt à des maîtres auto-institués. Les vraies spiritualités, éprouvées par la tradition, ouvrent, dans leur diversité même, des manières d’être fidèles au Christ. Une vraie spiritualité invite à la sortie de soi, à l’ouverture au Tout Autre, à la conversion. Simultanément, l’auteur insiste sur la nécessité pour la foi d’être insérée dans une institution et une communauté régulatrice.
Alors que l’auteur cite nombre de philosophes, pourquoi ne cite-t-il pas “certains théologiens catholiques” qui opposent foi et religion ? Il aurait été intéressant d’en savoir plus à leur sujet.
On l’aura compris : le christianisme n’est pas seulement une foi mais une religion. Mais il s’agit d’une “foi apte à critiquer ses formes institutionnelles”, une foi critique. Il est habité par le souci de l’universel, c’est-à-dire une tension vers autrui. Dans cette perspective, la valorisation des cultures particulières et donc des Églises locales est fondamentale, ainsi que la prise en compte des laissés-pour-compte.
L’ouvrage se termine par quelques pages bienvenues sur le silence de Dieu, l’extrême difficulté qu’il y a à le nommer, une mise en garde contre une trop grande fascination pour l’Église, l’importance de la fraternité.
Ce livre pourra être lu avec profit par ceux qui pensent, à tort, que la foi chrétienne peut s’émanciper de toute incarnation institutionnelle.
Alain Durand2
Notes de la rédaction
2 Frère dominicain du Couvent de La Tourette, Alain Durand est théologien et auteur, notamment, de Dieu, une passion.- Cerf, 2019 ; Dieu choisit le dernier.- Cerf, 2009.- (Epiphanie) ; Pratiquer la justice : fondements, orientations, questions.-Cerf, 2009.-(L’histoire à vif) ; La cause des pauvres : société, éthique et foi.– Cerf, 1991, nouv. éd. 1996.- (Théologies).
Il a fait plusieurs recensions pour notre site : Jésus : approche historique / José Antonio Pagola.– Cerf, 2013 ; Jésus : l’encyclopédie / sous la dir. de Joseph Doré.- Albin Michel, 2017 ; François le diplomate : la diplomatie de la miséricorde /Jean-Baptiste Noé.- Salvator, 2019 ; Le catholicisme a-t-il encore de l’avenir en France ? /Guillaume Cuchet.- Seuil, 2021.- (La couleur des idées).