En quête de justice et de paix en Terre Sainte. Témoignages transmis au Conseil Œcuménique des Églises, 3.

Voici la dernière série des témoignages de chrétiens palestiniens adressés au Conseil Œcuménique des Églises. La traduction en français a été faite par Fred Lucas, administrateur de CDM. On en trouve le texte anglais et, pour certains, un entretien en vidéo sur le site du Conseil Œcuménique des Églises, https://www.oikoumene.org/what-we-do/seek-justiceandpeace-in-the-holy-land.

Malgré le blocage des processus de paix et les souffrances causées par l’occupation les gens espèrent encore un avenir meilleur. Venez à la rencontre de ces personnes de milieux différents qui partagent leurs espoirs de justice et de paix en Terre Sainte. Contribuez à la promotion de la Justice et de la Paix en diffusant leurs récits.

Voici les témoignages déjà parus:
1 Jean Zaru, Michel Sabbah, Nanor Arakelian et Noa Mazor
2 Nora Carmi, Omar Haramy, Raanan Mallek, Sam Bahour

Voici les quatre derniers:
Samar Hashweh
Shadia Sbait
Tarek Al-Zoughbi
Yehuda Stolov

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VIVRE SOUS LE MÊME CIEL

Samar Hashweh
Agent administratif

L’espoir nous donne du courage, dynamise nos démarches, rend nos discours percutants, renforce ma conviction que demain ne sera pas le même. Il préserve ma santé et me garde vivante pour affronter les défis avec sourire et amour plutôt que de susciter chez moi haine et ressentiment. L’espoir est la principale raison qui me fait vivre. Nous ne pouvons pas vivre sans espoir.

Il y a quantité d’objets d’espoir que je souhaite voir au cours de ma vie. Les enfants arabes et israéliens jouissant de leur enfance en vivant dans des refuges sûrs et en transformant les relations d’un conflit prolongé en relations de transformation. J’aime voir la paix demeurer non seulement entre nous mais dans nos cœurs. Une paix que nous voulons fondée sur la justice et traduite dans des responsabilités collectives conduisant à la réconciliation où la mutualité, la réciprocité et l’inclusion remplacent la haine, l’inimitié et l’exclusion. J’aime voir les droits humains rétablis, l’injustice corrigée et les pertes compensées. J’espère que les Israéliens et les Palestiniens vont reconnaître les souffrances, les douleurs, les ambitions et les rêves les uns des autres. J’espère voir ma famille réunifiée au lieu de la voir isolée et assiégée à Gaza, séparée de ses autres membres qui vivent à Jérusalem, en Cisjordanie et dans la diaspora. J’aime les voir vivre sous le même ciel jouissant de la nature, s’emplissant les yeux de la couleur rouge des fleurs plutôt que celle du sang répandu dans les rues.

Lorsque j’ai des doutes en matière d’espoir je prends conscience de la détermination de ma grand-mère (âgée de 72 ans) avec mes oncles, mes tantes et mes cousins qui sont décidés à profiter de la vie et à la fêter malgré les temps sombres, malgré les incursions fréquentes et les terribles conditions de vie à Gaza. Leur résilience, leur foi et leur confiance dans l’espoir de meilleures conditions de vie dans les prochaines années ont stimulé ma croyance en l’espoir.

Mon travail m’a permis de parcourir la Via Dolorosa de façon quotidienne, au cours d’années d’instabilité, de violence politique et d’escalade. Cela m’a aidée à revenir à ma foi qui dit que la dernière station de la Via Dolorosa se passe au Saint Sépulcre où la tombe est vide et où le Christ est ressuscité en triomphant de la mort.

Être réaliste ne veut pas dire être sans espoir. S’il n’y a pas de paix avec justice dans le secteur nous verrons des choses terribles se produire. Puisque je crois profondément à l’espoir cela et ma foi m’appellent à m’y attacher fermement. J’aime travailler à la création d’une réalité différente où les rêves conduiront un jour à la coexistence et donc au rétablissement de la justice.

Samar Hashweh

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POURQUOI SE RÉVEILLER LE MATIN

Shadia Sbait
Militante du combat des gens du village d’Iqri

Mon espoir c’est d’avoir la PAIX – d’avoir la paix intérieure et de vivre en paix ! Mon espoir c’est de ne plus voir tant de soldats et tant d’armes. De ne pas éprouver les tensions de la guerre, en particulier à Jérusalem. Mon espoir est de voir s’arrêter le flux de réfugiés du monde entier et de voir cesser ces souffrances, parce que je pense que personne ne mérite d’être un réfugié.

Avoir espoir est la raison de me réveiller le matin. On ne peut rien faire sans espoir. Par conséquent l’espoir est indispensable. Sans espoir c’est davantage de misère, de destructions et de désespérance. Perdre espoir sous l’occupation c’est haïr la vie. On a besoin d’espoir pour être heureux !

L’espoir est un mot très positif et cela ne concerne pas seulement la justice. Nous devons tous faire des compromis parce que la paix est plus importante qu’une justice absolue. La principale priorité est d’éviter aux gens de se faire tuer, de sauver nos enfants, de se sentir libres de rencontrer des gens sans devoir être inquiets en permanence. Je crois dans les paroles de la chanson qui dit que ‟chaque terre est une terre sainte, chaque peuple est le peuple élu.” Je crois à l’accueil des autres religions.

Mon espoir personnel est de voir ma famille revenir à Iqrit au nord d’Israël. Mon combat personnel n’est qu’une petite partie du combat du peuple palestinien – de l’espoir de tous les Palestiniens du monde entier. Je suis une personne pleine d’espoir et mon espoir est dans la fin de l’occupation. Il y a un manque de justice élémentaire pour tous les Palestiniens sous occupation. J’appelle l’occupation guerre – une réalité mauvaise au sein de laquelle il est difficile de garder espoir. Les gens souffrent. Les deux parties ont éprouvé de lourdes pertes, ont payé un prix énorme. Et nous continuons à perdre des enfants, des femmes, des hommes, des jeunes. Mais quand on est très bas on ne peut qu’aller vers le mieux. Il est temps de se lever et d’agir pour apporter changement et espoir aux gens.

Le christianisme est totalement en faveur de la paix et du pardon. Comme chrétiens nous croyons que l’Église a un rôle à jouer. L’Église peut jouer un rôle actif au-delà du monde chrétien. Une résolution de conflit, suscitée par la base du monde chrétien. Il s’agit de justice et de paix, indépendamment de la religion. Il s’agit de ce qui est juste !

Shadia Sbait

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UNE RAISON D’AVANCER

Tarek Al-Zoughbi
Coordinateur jeunesse bénévole au centre palestinien Wi’am de résolution du conflit

L’espoir c’est comme l’eau pour l’âme. C’est une chose nécessaire, quelque chose sans laquelle l’âme ne peut pas vivre. L’espoir c’est ce qui nous revitalise. Dans les circonstances actuelles, alors que rien n’indique que nous progressons, l’espoir est essentiel. Sans lui il n’y a aucune raison d’aller de l’avant.

Malgré tous les gaz lacrymogènes, les armes et les tensions nous voyons encore les oliviers croître et les fleurs s’épanouir. La terre vit encore. Nos enfants sourient, nous rions et nous jouissons de la vie. Les gens accueillent des visiteurs proches de chez eux ou venus de loin. Il y a de fortes sources d’espoir.

Nos espoirs peuvent seulement se réaliser en travaillant dur, en persévérant et en n’abandonnant pas. Nous devons nous mobiliser ensemble et lutter pour un seul objectif : la paix engendrée par la justice. Pour atteindre cet objectif nous devons mieux nous entendre, prendre en compte le passé et le changement que cela exige.

Nous devons lutter pour une justice réparatrice – pas une justice répressive. Pour créer les voies de changement nous devons reconnaître nos failles, agir pour le pardon de nos transgressions et contribuer au changement que nous voulons voir advenir. Et à partir de là toujours affirmer notre qualité d’individus, de communautés et de citoyens de nos nations respectives, agir pour obtenir les droits et la justice sans autres frais. Plutôt, dans notre combat pour cette justice, cette liberté et ces droits, agir pour mettre fin à l’oppression sous toutes ses formes.

La voie vers la justice et le changement est longue et difficile, mais ce n’est pas impossible et cela mérite tous les efforts.

Il y a plusieurs avenirs possibles. L’avenir triste est dans la poursuite des souffrances, de l’affaiblissement et de la déchéance. L’avenir que nous espérons et pour lequel nous luttons est dans la destruction des murs, la transformation des étrangers en voisins et en amis, l’abolition des limitations géographiques et des violations des droits humains et de l’environnement.

J’envisage un avenir où Palestine et Israël vivront côte à côte, protégés l’un et autre et en sécurité. L’un et l’autre évoluant vers des avenirs prospères et représentant des exemples pour le monde. Cela pourrait prendre plus de dix ans mais le chemin sera pris vers cet objectif. Nous luttons pour voir l’occupation prendre fin et notre espoir est dans un voisinage prospère d’Israël et de la Palestine. Il y a de l’espoir.

Tarek Al-Zoughbi

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ÊTRE AMIS PLUTÔT QU’ENNEMIS

Yehuda Stolov
Directeur exécutif de l’Association de Rencontre Interreligieuse

J’espère que toutes les populations et toutes les communautés de Terre Sainte vont apprendre à coexister pacifiquement et vont découvrir que leur propre existence tire avantage de relations d’amitié avec ‘l’autre’ et lorsque chacun prend soin de l’autre. J’espère et je suis sûr que cela entraînera une prospérité sociale et économique dont tout le monde ici pourra bénéficier. Pour mon propre peuple j’espère que la nation juive continuera à développer le modèle social et spirituel qu’elle devrait être pour toute l’humanité.

Depuis de longues décennies la situation a présenté des hauts et des bas. Les gens pensent quelquefois de façon irréaliste que le conflit peut se résoudre en peu de temps et ils perdent espoir. Nous devons envisager dans une perspective à long terme l’établissement de relations inter-communautés sur le terrain ; en faisant cela nous reprenons espoir facilement. C’est comme la bourse : elle grimpe quelquefois rapidement pour redescendre très rapidement. Par conséquent il est généralement impossible de réaliser des profits importants en peu de temps. Mais si vous considérez le long terme vous verrez que le marché croît constamment dans le temps et que sa croissance est durable. C’est ce que nous faisons à l’Association de Rencontre Interreligieuse, en encourageant les gens de tous milieux, de toutes religions et de toutes convictions à échanger régulièrement dans des conditions d’unité. Rencontre après rencontre, avec un peu plus de gens à chaque fois, nous apportons de l’espoir aux participants et aux gens qui sont informés de notre travail.

En considérant le passé de notre organisation je pense à tant de gens à qui nous avons donné de l’espoir. Cela me conduit à penser que l’hostilité entre nos peuples n’est pas aussi profonde qu’il y parait, et cette pensée me donne encore plus d’espoir. Je me sens heureux du fait que pour moi la situation actuelle n’est pas faite seulement de ce que nous entendons aux informations mais comporte aussi le vécu quotidien de milliers de Juifs, de Musulmans et de Chrétiens qui se rassemblent, surmontant les préjugés et les comportements négatifs et établissant de véritables amitiés et des soutiens mutuels. De voir cela se produire de façon répétée non seulement me donne de l’espoir mais m’enseigne aussi qu’il est bien plus naturel à des gens de Terre Sainte d’être amis plutôt qu’ennemis.

L’espoir est important parce qu’il peut conduire à des actions positives efficaces. Lorsque les gens savent que les rencontres interreligieuses conduisent à bâtir des ponts et à établir de bonnes relations entre les communautés, ils les rejoignent et en assurent la réalisation effective. Si nous partageons le même espace, il nous faut apprendre comment vivre ensemble et c’est ensemble que nous allons changer notre réalité.

Yehuda Stolov

 

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