En quête de justice et de paix en Terre Sainte. Témoignages transmis au Conseil Œcuménique des Églises, 2.

Ces témoignages de chrétiens palestiniens ont été adressés au Conseil Œcuménique des Églises qui invite à les faire connaître. Leur traduction en français a été faite par Fred Lucas, administrateur de CDM, avec de légers aménagements. Nous en publions ici une deuxième série de quatre. On en trouve le texte anglais et, pour certains, un entretien en vidéo sur le site du Conseil Œcuménique des Églises, https://www.oikoumene.org/what-we-do/seek-justiceandpeace-in-the-holy-land.

Malgré le blocage des processus de paix et les souffrances causées par l’occupation les gens espèrent encore un avenir meilleur. Venez à la rencontre de ces personnes de milieux différents qui partagent leurs espoirs de justice et de paix en Terre Sainte. Contribuez à la promotion de la Justice et de la Paix en diffusant leurs récits.

Nora Carmi
Omar Haramy
Raanan Mallek
Sam Bahour

Voir les témoignages déjà parus de Jean Zaru, Michel Sabbah, Nanor Arakelian et Noa Mazor.

LA VÉRITÉ NOUS RENDRA LIBRES

Nora Carmi
Agent de la société civile pour les questions de justice et de paix

En tant que fille d’un survivant du génocide arménien mon premier héritage d’espoir vient de ma famille. L’espoir m’a toujours accompagnée. Cinquante ans c’est vraiment long mais pas dans le cours de l’histoire. Je me réveille chaque matin avec la conviction que nous devons être persévérants et fidèles à la volonté de Dieu pour une cause juste. Ma foi chrétienne me pousse, même dans les mauvais moments. Si nous disons que nous sommes disciples de Jésus Christ, notre vie de disciple n’est pas facile. Mais la vérité l’emportera et nous rendra libres à la fin.

Les êtres humains ne peuvent pas rester durablement sous oppression. Nous sommes tous créés à la même image de Dieu. Il y a quelque chose de divin en chacun de nous et nous n’avons absolument pas le droit de le nier même dans les cas de positions opposées. Quel que soit le niveau de vos souffrances, vous ne haïssez pas. Vous espérez ! Je crois à la justice associée à la compassion et à la miséricorde, pas à la vengeance.

Nous devons agir au plan humain – pas au plan politique – en luttant pour le droit et la dignité des êtres humains. Mon travail comme animatrice de communauté parmi les opprimés et les marginalisés a maintenu vivant mon espoir. En espérant que les êtres humains resteront humains.

Dans l’Ancien Testament le pardon fait partie du Jubilé tous les sept ans. Pardonner et réintégrer au peuple les personnes qui ont été exclues. J’espèr[ais] que 2017 pourra[it] être une telle année de justice ! (1)

Nora Carmi

(1) L’original date d’avant 2017…

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CHOISIR DE RESTER

Omar Haramy
Membre du conseil d’administration de Sabeel

Beaucoup de Palestiniens ont le sentiment que nous sommes en train de mourir sur la terre de notre Unique Saint. Souvent on nous demande : est-il possible d’espérer dans un contexte aussi difficile ? Comme beaucoup de Palestiniens, franchement, je n’en sais rien. Cependant, je continue à me forcer à prétendre que j’espère. Pourquoi est-ce que je désire me tromper moi-même ? À mon avis le goût amer de faux espoir est plus acceptable que de céder à la sombre et cruelle réalité de l’occupation.

La réalité c’est l’absence d’espoir. Nous avons peu d’espérances, si tant est que nous en ayons. Nous essayons seulement de survivre. Je pourrais facilement partir à l’étranger, mais je n’ai pas envie de vivre ailleurs. Je veux que ma fille de neuf mois grandisse en pouvant dire que c’est l’endroit où ses parents ont grandi et où ils vivent. Le choix de rester ici est un signe d’espoir, de détermination et de résistance, le signe qu’après tout nous n’avons pas renoncé. Nous avons encore l’espoir d’obtenir quelques droits et de voir les choses changer. Tout ce à quoi je travaille tous les jours c’est au changement, indépendamment des chances que cela se produise. Mais la réalité n’est pas favorable. Ma colère nourrit une résistance continue, ce qui est aussi un signe d’espoir.

Notre joie est dans la voie de la paix et de la justice. Nous marchons avec Jésus. La paix du Christ n’est pas comme toute autre paix.

Omar Haramy

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UNE NOUVELLE FAÇON DE PENSER

Raanan Mallek
Étudiant rabbin au séminaire rabbinique Schechter

On ne peut avoir ni espoir ni paix sans justice. Pour qui est la justice ? Est-elle pour les Juifs seulement ou pour tous ? Si les Palestiniens ne bénéficient pas de la justice, il ne peut y avoir d’espoir pour eux, ni pour personne d’autre sur ce territoire. Tout leur désespoir – pas seulement depuis 50 ans mais depuis 70 ans – nous oblige à revoir nos idées sur ce que cela signifie de vivre ici. Nous ne pouvons résoudre le problème dans les mêmes conditions que celles de sa création. L’idée que deux peuples sur le même territoire peuvent être séparés a entraîné 70 années de conflit, de lutte et d’occupation. Pour en sortir il nous faut adopter une autre façon de penser, selon laquelle nous pouvons vivre ensemble sur un territoire reconnu comme à la fois Israël et Palestine. J’espère cela dans un délai de dix années, qu’une République Fédérale de la Terre Sainte composée des États d’Israël et de Palestine sur le même territoire devienne une réalité. Une république avec deux parlements différents réunis par un sénat représentant à égalité la Palestine et Israël.

Dire aux Palestiniens qu’ils ne peuvent avoir que 22% du territoire entraînera davantage de lutte, davantage d’injustice, davantage de ressentiment et la poursuite d’une absence de paix. Au lieu de cela, nous devons participer avec le peuple palestinien à un processus de traitement des revendications historiques et des abus de façon objective selon les principes traditionnels de la Sulha (1) et de résolution des conflits. Nous devons pour résoudre le problème trouver une nouvelle voie qui nous enseigne comment vivre ensemble.

La situation actuelle ne peut pas durer et il est inévitable que les choses changent. Mais cela exige un changement de discours et un nouveau modèle faisant du conflit une opportunité. La transformation du conflit commence sur le terrain au sein des populations et remonte vers les institutions. L’éducation est essentielle pour faire évoluer réellement les mentalités et atteindre une masse critique de soutien à un changement non-violent. Nous n’en sommes pas encore là et nous allons connaître des échecs en chemin. Mais je suis convaincu que nos peuples peuvent être réunis et produire un avenir plus brillant pour tous. Des temps meilleurs vont advenir !

Raanan Mallek

(1) Sulha, antique procédure arabe de rétablissement de la paix et de réconciliation.

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VIVRE CÔTE Á CÔTE EN PAIX

Sam Bahour
Écrivain, homme d’affaires, militant.

Mon espoir est de voir l’occupation finir et que les Palestiniens et les Israéliens puissent mener une vie normale côte à côte. J’espère que cette Terre Sainte pourra être au service de l’ensemble des trois religions et représenter un exemple de la façon dont des croyances différentes peuvent vivre ensemble en paix.

L’espoir est important et si nous le perdons on court le risque que des individus aient recours à la violence. Ou que des gens renoncent et quittent la Palestine. Cela serait dommageable parce que nous perdrions alors des Palestiniens qualifiés susceptibles de contribuer sérieusement à une réalité différente et meilleure.

Notre espoir est contesté tous les jours. Passer de l’espoir à la réalité exige des efforts de toutes les parties. Pas seulement des efforts en général mais des efforts assumés par tous dans leurs domaines d’expertise respectifs. Le préalable à une nouvelle réalité est la fin de l’occupation militaire d’Israël. J’estime que cela pourrait se produire au cours de la prochaine décennie, ainsi que la prise en considération de la question des réfugiés palestiniens. En sorte qu’un processus de réhabilitation puisse démarrer pour les deux parties.

Israël ne peut pas poursuivre l’occupation et être admis en même temps dans la société mondiale à égalité avec les Palestiniens – économiquement, culturellement et politiquement. Le choix est entre rester un paria ou rejoindre la communauté des nations en mettant fin à l’occupation. La volonté de la communauté internationale est bloquée seulement par Israël et les États-Unis.

Je garde l’espoir vivant en travaillant au sein de la société civile et à travers l’activité de création d’emplois dans notre communauté. Je suis impliqué dans des questions de développement économique et, dans mon travail comme dans mes activités au sein de la société civile, je rencontre de nombreux visiteurs étrangers qui sont venus pour en savoir plus sur nos activités. Je passe aussi beaucoup de temps avec mes deux filles dont la génération représente notre espoir pour l’avenir. Il faut absolument que des gens du monde entier continuent à venir ici pour constater et apprendre par eux-mêmes. Il est tout aussi important pour eux d’agir ensuite sur la base de ce qu’ils ont appris.

Beaucoup d’Églises apportent déjà sérieusement leur contribution. L’impact de l’Église sur la réalité est prouvé comme nous l’avons vu en Afrique du Sud. L’Église doit continuer à jouer un rôle moteur dans l’action pour la justice et la paix.

Sam Bahour

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