Toujours avec Gaza dans l’horreur. “Je résiste”, poème de Ziad Medoukh. Chrétiens à Gaza, sur le blog de Luc Balbont.

Ziad n’a plus que la poésie pour défendre notre humanité. “Un ami, un frère… j’ai tellement honte de ce que l’on fait subir à ces gens… nos mères, nos enfants, nos pères et nos grand-pères, nos compagnes… Parce que chaque fois que l’on tue là-bas, c’est un peu de nous aussi que l’on tue.Ce magnifique poème est diffusé par Laurent Baudoin et les Amis de Sabeel France. *

Je résiste dans la dignité

Je résiste sur les montagnes hautes de Naplouse
Je résiste dans la mer encerclée de Gaza
Je résiste au pied des collines occupées de Ramallah
Je résiste sur la terre sacrée de Jérusalem
Je résiste sur la terre sainte de Bethléem
Je résiste en Palestine et pour la Palestine.

Aux côtés des oliviers menacés de Jénine, je résiste !
Sur ma terre confisquée à Hébron, je résiste !
Près des rares orangeraies de Jaffa, je résiste !
Près des dattiers mûrs de Jéricho, je résiste !

Contre les colons illégaux, je résiste !
Contre les soldats agresseurs, je résiste !
Contre l’impunité des oppresseurs, je résiste !
Contre la terrible violence des occupants, je résiste !

Face à un usurpateur arrogant, je résiste !
Malgré le silence assourdissant
Et malgré l’hypocrisie latente, je résiste !
En dépit de l’injustice, je résiste !

Je résiste pour la paix et je résiste en paix !
Par ma lutte pacifique, je résiste !
Par ma présence riche en humanité, je résiste !
Par une poésie engagée qui creuse son sillon, je résiste !

Avec la force de mon droit, je résiste !
Avec ma plume et mes vers, je résiste !
Avec mon existence sur ma terre, je résiste !
Avec ma persévérance et ma foi, je résiste !
Avec ma glaise d’amour et de tolérance, je résiste !
Avec l’arme indestructible de mon espoir, je résiste !

Pour une graine d’espérance, je résiste !
Pour une nuit magique, toujours lumineuse, je résiste !
Pour le courage de la mère d’un martyr qui sait pardonner, je résiste !
Pour le retour d’un réfugié, je résiste !
Pour une cause juste et noble, je résiste !
Pour créer de nouveaux horizons d’espérance, je résiste !
Pour que nos arbres grandissent où vivent leurs racines, je résiste !
Pour en finir avec le nuage de l’horreur qui planait sur la Palestine, je résiste !

Puisque ma patience est un génie, je résiste !
Puisque je suis soutenu par la bravoure des solidaires, je résiste !
Puisque mon sourire est plus puissant que leurs armes, je résiste !
Puisque les épées de la victoire brillent dans mes yeux, je résiste !
Puisque je suis attaché à la vie, je résiste !

Pour arrêter la machine infernale de cette occupation
Qui continue de fustiger inlassablement, je résiste !
Pour allumer sans éclipse la lumière de notre avenir, je résiste !
Pour guérir les blessures et la douleur des années noires, je résiste !
Pour rendre leur sourire à nos enfants traumatisés, je résiste !
Pour effacer le désespoir de nos jeunes enfermés, je résiste !
Pour arrêter le génocide et les crimes arbitraires contre mon peuple, je résiste !

Pour la reconnaissance de nos droits légitimes, je résiste !
Pour que mon cri légitime contre l’injustice soit entendu, je résiste !
Pour un monde plus humain et plus humaniste, je résiste !
Dans la dignité, je résiste !

Loin de la haine, je résiste !
Pour l’humanité, je résiste !
Pour la vie et la paix, je résiste !

 Ziad Medoukh, Gaza, 2 avril 2024

-o-

“Comment oublier que de cette terre une parole de paix s’est transmise au monde”

Rencontre avec le Père Romanelli, curé de Gaza, entretien tiré du blog de Luc Balbont sur le site de l’Œuvre d’Orient.

13 mars 2024

Au téléphone, il prévient : “Ecrivez bien que les victimes à Gaza sont d’abord des civils, des femmes et des enfants. Pas des combattants.” Né en Argentine comme le Pape François, le P. Gabriel Romanelli, 54 ans, parfaitement arabisant, est arrivé au Moyen-Orient en 1995. Auparavant, il avait servi en Egypte et en Jordanie, avant d’effectuer son apostolat à Gaza, pour assister le Père Musallam, à la demande du Patriarche de Jérusalem, puis de le remplacer en 2019, comme curé latin de Gaza.

 “Comment oublier, dit-il, que c’est en Palestine que le Christ est né. C’est à partir de cette terre que s’est transmise, une parole d’amour et de paix.

 

Lorsqu’en mai 2021, je l’avais interviewé pour le site suisse cath.ch, la petite bande palestinienne de Gaza, en constante liberté surveillée, comptait 1017 chrétiens, dont 133 catholiques. Le Père se rappelle qu’il y a 15 ans, lors de sa première visite à Gaza, le territoire en dénombrait 3500.

 

Si Gaza a toujours été une prison permanente, il est bien difficile aujourd’hui de donner une statistique fiable, reconnaît le P. Romanelli, mais en cinq mois de guerre, Gaza compte plus de 30 000 morts (1), et notre communauté chrétienne a déjà perdu 29 paroissiens…”

 

Refugiés dans les écoles chrétiennes

 

“Des morts sans distinction de religions, poursuit-il. A Gaza, chrétiens et musulmans partagent les mêmes deuils. Les familles vivent dans les ruines, étranglées par l’angoisse. L’aide alimentaire contrôlée par l’armée israélienne arrive au compte-goutte, pas de médicaments, des hôpitaux détruits. Ici, on meurt de maladies bénignes. Dès le début de la guerre, chrétiens et musulmans se sont réfugiés dans les paroisses et les trois écoles chrétiennes. L’école de la Sainte-Famille, dans le quartier Rimal, accueille des centaines de personnes qui s’organisent dans une solidarité exemplaire. L’école du Rosaire a été bombardée et brûlée en partie. L’école paroissiale abrite 600 réfugiés, dont de nombreux enfants, encadrés par les sœurs de Mère Teresa. Notre église catholique est devenue aujourd’hui un lieu commun, où les gens mangent, dorment et prient. Les sœurs, aidées de quelques laïcs, ont même commencé a donner des leçons aux enfants. Plus de 19 000 gamins sont aujourd’hui séparés de leurs parents.

 

Gaza est coupé de tout : appels et réseaux. Pourtant, le pape François appelle tous les jours afin de montrer aux assiégés que Rome ne les oublie pas. C’est en espagnol, leur langue maternelle, que le Saint Père échange avec le P. Romanelli. Et c’est en italien que le Saint Père s’entretient avec le P. Yusuf, le vicaire paroissial.

 

Restera-t-il des chrétiens à Gaza ? “L’Eucharistie est notre force, assure le prêtre.  Les chrétiens gazaouis ont triomphé de tant d’épreuves qu’ils sont persuadés que Dieu les sauvera encore.

 

Actuellement coincé à Bethléem, le curé de Gaza n’a pas pu retourner à Gaza. Y reviendra-t-il ? Partir ? L’idée ne l’a jamais traversé. “Si je quittais cette ville, j’aurais le sentiment de me couper de mes racines et de trahir mon histoire” et de conclure : “N’est-ce pas à Gaza que Joseph, Marie et Jésus ont séjourné avant de se rendre en Égypte pour fuir le roi Hérode, puis de revenir en Palestine ?”

 

Luc Balbont

 

(1) Chiffre donné par le ministère de la Santé de Gaza, mais que l’ONU ne le conteste pas [ce à la date du 13 mars 2024].

  • Note : A lire “Chrétiens de Gaza” de Christophe Oberlin, photos de Serge Nègre, éditions Erick Bonnier, 195 pages, 20 euros. En lire une recension sur ce site.

Texte et image Luc Balbont, sur le site de l’Œuvre d’Orient.
Article original :
https://blog.balbont.oeuvre-orient.fr/comment-oublier-que-de-cette-terre-une-parole-de-paix-sest-transmise-au-monde/
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