Titre

Être non-violent à Gaza

Auteur

Ziad Medoukh ; collab. Laurent Baudoin et Isabelle Mérian

Type

livre

Editeur

Paris : Culture et Paix, 2019

Nombre de pages

188 p.

Prix

13 €

Date de publication

24 avril 2020

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Être non-violent à Gaza

Professeur de français, chercheur reconnu, poète1 et écrivain, Ziad Medoukh dirige le département des études françaises de l’Université Al Aqsa de Gaza. Il est engagé dans des actions de solidarité citoyenne et de résistance non-violente. C’est bien l’action non-violente qui est au centre de son nouveau livre : en attestent une préface du président de Gandhi International2 et une postface de Jean-Marie Muller, philosophe de la non-violence et fondateur du Mouvement pour une Alternative non violente (MAN)3.

Dans un entretien introductif, Ziad Medoukh situe le cadre dans lequel s’exerce aujourd’hui une résistance non-violente à Gaza, exceptionnelle en ce qu’elle se déroule dans un environnement de guerre. Elle se comprend sur le fond d’une absence de perspectives d’avenir pour le peuple palestinien dans son ensemble et pour Gaza en particulier.

La résistance armée a montré sa faillite, y compris à travers les moyens dérisoires des deux Intifadas ; la résistance politique structurée autour des accords d’Oslo (1993) est devenue vaine à mesure que ces accords se vidaient de leur contenu ; reste la volonté de résister et de continuer à être vivant dans un système qui pousse à l’exil ou à la soumission servile. La désillusion de la population est décrite avec force, dans une critique rigoureuse des mouvements politiques de la Palestine actuelle, l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, le Hamas et les groupes armés qui se manifestent toujours sporadiquement à Gaza. La résistance non-violente fait face d’abord aux dirigeants palestiniens, qui ne l’ont jamais soutenue, pris qu’ils sont dans leurs rivalités de pouvoir.

L’ouvrage est structuré en trois chapitres.

Alors que l’action pour la paix devient moins active en Cisjordanie et en Israël, à mesure que l’opinion israélienne se radicalise et que la répression se fait plus forte, l’action non-violente trouve, à Gaza, sa raison d’être. Elle passe aujourd’hui par la « Grande Marche du Retour », initiative populaire qui s’enracine dans le désespoir quotidien vécu à Gaza et dans le refus d’y céder4. Paradoxalement, c’est à Gaza seulement qu’elle est possible, car c’est le seul territoire palestinien d’où les forces armées israéliennes sont absentes. (ch. 1)

Tous les actes d’une vie ordinaire deviennent ainsi l’expression d’une résistance non-violente, parce que l’occupation et la violence visent à les rendre impossibles. Comment « Innover et s’adapter » pour s’affirmer vivant lorsque les contraintes extérieures sont d’une telle violence ? C’est ce qu’expose le chapitre 2. Ainsi, continuer à produire est un acte de résistance, alors que les agriculteurs voient leurs terres labourées… par les bombes et les obus, leurs arbres arrachés, leurs champs coupés par les barbelés. De même reconstruire les habitats détruits, quand l’importation des matériaux nécessaires est le plus souvent interdite. Et faire fonctionner des commerces et des entreprises est un défi, alors que le taux de chômage dépasse 50% et que les fonctionnaires sont à peine payés.

Continuer à enseigner et à étudier relève de la même logique. Il s’agit là d’un considérable investissement personnel, face au manque de moyens, de livres, de revues, de rencontres entre lieux de recherche. Internet est une ressource importante mais, note l’auteur, il ne remplace pas les échanges vivants et enferme chaque enseignant-chercheur face à son écran. Les étudiants, eux, sont incités à s’impliquer dans l’éducation des plus jeunes et le soutien, y compris psychologique, aux enfants touchés par la guerre. Le haut niveau d’éducation est reconnu comme une des chances les plus sûres du mouvement palestinien. Et y contribuent les manifestations culturelles et sportives qui se poursuivent malgré l’enfermement.

Dans tous ces engagements, le rôle des femmes est déterminant (ch. 3). Traditionnellement centrées sur un rôle de maintien du foyer et de la famille, elles y restent attachées, la solidité de la famille étant par elle-même un des éléments majeurs de la résistance non-violente. Elles prennent cependant une place de plus en plus importante dans la militance civique comme dans la réponse aux exigences de survie, l’alimentation, le commerce, l’artisanat. Elles n’hésitent pas à s’exposer aux dangers des marches du retour alors même que leurs fils et leurs maris y meurent ou en reviennent mutilés à vie.

La déclaration universelle des Droits de l’homme n’exclut pas la possibilité de la révolte violente de la part d’un peuple soumis et opprimé (p.18). La conclusion rappelle alors que le choix de la résistance non-violente ne doit pas être vu comme la condamnation d’autres manières de lutter. Elle s’impose pour donner à un peuple sa cohésion et son goût de vivre jusque dans des conditions extrêmes. « Gaza, la vie », c’est le titre d’un journal vidéo sur Internet qui exprime les aspirations de Gaza à la vie. Ziad Medoukh en est l’un des parrains5. Il est aussi le promoteur d’échanges téléphoniques par Skype entre ses étudiants de français et une équipe du centre Saint-Merry à Paris, dont font partie les co-auteurs du livre6. Les habitants de Gaza ont besoin qu’on les reconnaisse, qu’on les comprenne et qu’on sorte de l’indifférence dont témoigne à leur égard ce que l’on appelle la « communauté internationale ».

Il s’agit d’un livre engagé, qui entend concourir au type même d’action non-violente qu’il décrit, sans lien au départ avec le modèle gandhien, mais dans une situation que l’auteur qualifie de « sociocide », selon les termes d’une militante pacifiste israélienne (p.123). A Gaza, il y a, en effet, la volonté, de la part d’Israël, de briser une société dans ses ressorts fondamentaux sans passer par la politique de conquête territoriale et de colonisation qui prévaut en Cisjordanie.

Ce livre vise à changer l’image violente qu’aiment à donner de Gaza des médias dépendants d’Israël et des Etats-Unis. Malgré sa détresse, Gaza par sa solidarité échappe aux conséquences de la grande pauvreté qui ravage les villes les plus opulentes : là, personne n’est sans abri, personne ne meurt de faim, et la délinquance est à un niveau exceptionnellement bas. Ziad Medoukh entend servir ainsi le peuple de Gaza7 en informant autrement l’opinion francophone. Son livre est un moyen pour y parvenir, et le journal La Croix y a fait écho dans un article du 7 janvier 2020 intitulé « Un géant de la non-violence », écrit par Anne-Bénédicte Hoffner8.

Jean-Bernard Jolly

Pour plus d’information, en particulier sur la disponibilité de l’ouvrage, s’adresser à Laurent Baudoin, baudoin-laurent@wanadoo.fr

Notes de la rédaction

1 Poèmes d’espoir dans la douleur : choix de quarante poèmes pour Gaza, pour la Palestine, pour la vie, pour l’espoir, pour la solidarité et la paix / Ziad Medoukh.-Scribest, 2016- (Ecrits et cris de Palestine). Gaza, terre des oubliés, terre des vivants : 70 poèmes de la paix palestinienne / Ziad Medoukh.- L’Harmattan, 2012.

4 Sur la Grande Marche du Retour, on pourra lire dans les Regards de notre site, le témoignage de Fadi Abu Shammalah, directeur exécutif de l’Union générale des centres culturels de Gaza.

5 Voir quelques vidéos de Gaza, la Vie dont le message de solidarité envoyé par Ziad Medoukh le 18/03/2020.

6 Ses amis et soutiens en France, Laurent Baudoin et Isabelle Mérian, assurent le fil conducteur du livre, reliant entretiens, déclarations, poèmes, photos, montrant ainsi comment prend corps la résistance non-violente dont Ziad Medoukh est le héraut.

8 Lire cet article, qui insiste sur son rôle de fondateur du Centre de la paix de Gaza, sur le site du journal : Un géant de la non-violence. – Ziad Medoukh a été récompensé du Diplôme d’Honneur et de Mérite pour son travail en faveur de la paix, diplôme délivré par le Cercle Universel des Ambassadeurs de la Paix. Lire, sur notre site, les autres articles.

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