Loi dite “Séparatisme”, des inquiétudes.

Nous faisons écho aux inquiétudes légitimes que cette loi, censée conforter les “principes de la République”, a soulevées dans des organisations qui appartiennent au réseau de CDM ou dont les activités sont liées aux nôtres. On trouvera ci-dessous les déclarations de la Conférence des Églises Européennes (CEC, Conference of European Churches), des enseignants catholiques en islamologie de France, de la CIMADE, organisme d’inspiration protestante de soutien aux exilés, et, au nom de l’Observatoire Pharos, une présentation dans laquelle intervient Laurent Tessier, administrateur de CDM.

Dans la rubrique “Regards” , Fait religieux, laïcité, dialogue interreligieux – VI et VII de ce site nous avons partagé les réserves et critiques de :

François Clavairoly, pasteur, pour la Fédération Protestante de France.

Jean-Louis Schlegel, ancien directeur de la rédaction de la revue Esprit et, dans le même article,

Guy Aurenche, avocat honoraire et ancien président d’associations humanitaires.

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Conférence des Églises Européennes

La Conférences des Eglises européennes (CEC) est une organisations qui rassemblent 114 Eglises “orthodoxe, protestante et anglicane de toute l’Europe pour le dialogue, le plaidoyer et l’action commune”. Créée en 1959, elle a pour vocation d’œuvrer “pour une Europe humaine, sociale et durable en paix avec elle-même et ses voisins”. 

Une lettre  adressée au Premier ministre Jean Castex et au ministre de l’Intérieur Gerald Darmanin le 4 février dernier exprime “sa profonde inquiétude face au projet de loi introduit pour lutter contre le radicalisme islamique dans le pays”. Voir le texte intégral de la lettre et quelques passages significatifs:

“Le projet de loi confortant le respect des principes de la République prévoit d’instaurer des contraintes administratives et financières de nature à rendre plus complexe l’expression religieuse et donc d’en réduire la liberté. Nos Églises membres, tout comme d’autres acteurs, expriment cette vive inquiétude que la CEC vous appelle à prendre en considération.”

“Ce projet de loi instaure une réelle culture de la suspicion vis-à-vis des communautés religieuses, dont pourtant l’immense majorité reconnaît sans réserve les valeurs démocratiques et s’inscrit pleinement dans la société, lui en apportant ainsi la richesse d’une culture de l’accueil, de la solidarité et du lien, de même que la richesse de la quête de sens qui se veut également une contribution toujours constructive au débat public.”

La CEC incite le gouvernement français à plutôt “renforcer les valeurs démocratiques, l’intégration sociale, en nourrissant une culture d’hospitalité, de solidarité et un débat public constructif”.

On peut lire une présentation plus longue de la lettre de la CEC sur le site  infochretienne.com, média non confessionnel et a-politique d’information en direction des chrétiens.

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Groupe des enseignants catholiques en islamologie (Geci)

Ce groupe, rassemblant Charbel Attallah, Emmanuel Pisani & Anne-Sophie Vivier-Muresan (ISTR de Paris), Michel Younès, Malek Chaieb (Université catholique de Lyon), Colette Hamza & Christophe Roucou (ISTR de Marseille), Jean-Marc Balhan & Sylvie Robert (Centre Sèvres, Paris), Samir Arbache et Christian Cannuyer (Lille), Bénédicte du Chaffaut (Grenoble), a publié dans La Croix du 8 février 2021 la tribune que nous reproduisons, au titre de l’action que nous menons aux côtés des personnes et des institutions.

Membres du Geci, nous exprimons notre inquiétude à l’égard du rôle de l’État dans deux textes en débat : la Charte des principes pour l’islam de France, imposés aux responsables associatifs, gestionnaires de lieux de culte musulmans et aux fédérations qui composent le Conseil français du culte musulman ; et les articles du projet de loi n° 3649 confortant le respect des principes de la République. Ce rôle risque de remettre en cause l’équilibre apporté par la loi de 1905 dans les relations entre l’État et les religions.

Si on peut se féliciter que la Charte souligne l’importance de la liberté de conscience et inclue la possibilité de renoncer à l’islam sans stigmatiser ou qualifier d’apostat celui qui abandonnerait l’islam, elle oblige cependant à une forme de dépolitisation des responsables du culte musulman et auteurs du discours religieux. Au nom du respect des principes républicains est affirmée l’impossibilité d’une voix discordante, en contradiction avec le principe même de la laïcité. Les croyants de toutes religions ne sont pas seulement des priants mais aussi des citoyens. Au nom de leurs convictions, éclairées de leur foi, ils ont le droit d’exprimer dans l’espace public leurs désaccords et de contribuer ainsi à l’enrichissement du débat national. Limiter le discours religieux à une pure dimension spirituelle ou éthique contrevient au respect de la neutralité de l’État vis-à-vis de la religion. Par ailleurs, en son article 10, le principe posé d’exclusion des instances de l’islam de France, en cas d’infraction constatée à la Charte, risque d’accroître des fractures au sein de l’islam en France, au lieu de les résoudre.

Quant au projet de loi confortant le respect des principes de la République, il ne peut se faire au détriment des libertés et droits fondamentaux assurés par le préambule de la Constitution française de 1958. Or il ouvre à d’inquiétantes mesures. Le renforcement de la police des cultes ; l’atteinte à la liberté d’association – en adjoignant à la création de toute association la signature d’un “contrat d’engagement républicain” ; la possibilité d’exercer plus largement des contrôles sur les finances et les discours ; le contrôle renforcé sur les établissements scolaires privés ; le passage d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation pour les établissements hors contrat ; etc. Tout cela nourrit une image négative des religions et heurte nos principes républicains.

L’histoire montre que, dans des contextes idéologiques autoritaires de dérives étatiques sectaires ou racistes, la garantie de la liberté religieuse constitue un solide rempart envers des dérives telles que la France en a connu durant la Seconde Guerre mondiale et que nous connaissons aujourd’hui en Europe. Les leçons de Tocqueville sur l’importance de la religion pour répondre aux dérives totalitaires inhérentes à la démocratie ne sauraient être sacrifiées, au prétexte d’apporter une réponse législative au développement d’un islam politique et communautariste, réel mais très minoritaire.

Si l’on peut comprendre que ces textes cherchent à protéger la société de toute incitation à la haine, on s’étonne qu’ils semblent ignorer les moyens déjà prévus par diverses lois. En outre, ils semblent considérer tous les croyants de notre pays comme une catégorie à part des autres citoyens, devant apporter d’autres preuves de leur attachement à la République que celles que requiert la loi. Comme le dit Philippe Portier, historien spécialiste des religions : “La laïcité, initialement conçue, dans l’esprit de Briand et Jaurès, comme un régime de protection des libertés, se voit transformée en instrument de contrôle des conduites et des croyances religieuses, au nom des ‘valeurs’ que l’État définit.”

Le Geci

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La Cimade

Fondée en 1939 au sein des mouvements de jeunesse protestants, elle tient son nom (dont la signification d’origine est “Comité Inter-Mouvements Auprès Des Évacués”) de son action pour les victimes de l’invasion nazie. En lien avec le monde protestant et surtout avec une fidélité aux valeurs et aux engagements de ses fondateurs, elle s’est impliquée de plus en plus en faveur des droits des immigrés, réagissant aux textes de loi qui les réduisent. La Cimade est l’un des partenaires de “Chrétiens de la Méditerranée”. Voici le communiqué diffusé sur son site, www.lacimade.org.

La Cimade participe à la mobilisation contre un projet de loi anti-associations.

19 février 2021

Mardi 16 février dernier, les députés adoptaient le projet de loi visant à conforter le respect des principes de la République en première lecture. Depuis plus d’un mois, les acteurs du monde associatif se mobilisent et expriment leurs inquiétudes face à un texte qui concerne un ensemble de droits et libertés publiques constitutionnellement et conventionnellement garantis. La Cimade, membre de L.A. Coalition, soutien cette mobilisation.

En imposant aux associations de veiller au respect du principe de “sauvegarde de l’ordre public”, via un contrat d’engagement républicain, en facilitant la dissolution d’associations, en venant restreindre leur liberté d’expression, les mesures adoptées viennent gravement entraver les libertés et capacités d’agir des associations.

Nos associations pourront-elles encore, sans risque, soutenir les manifestations de collectifs de sans-papiers ? Accompagner les personnes étrangères en situation irrégulière ? Intervenir dans des squats ? Interpeller les décideurs publics sur les réseaux sociaux et prôner la désobéissance civile non-violente pour porter une autre parole dans l’espace public et enrichir le débat démocratique ?

La pluralité d’opinion et leur libre expression ne devraient pas être considérées comme une atteinte aux principes républicains, mais bien comme la condition nécessaire pour leur protection.

Lundi 15 février, La Cimade était présente en soutien à L.A. Coalition à un point presse organisé devant l’assemblée nationale. Elle appelle également à signer la pétition “loi séparatisme : les libertés associatives en danger”.

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Infolettre de l’Observatoire Pharos – Février 2021

“Plateforme de réflexion et d’action, l’Observatoire Pharos envisage un monde apaisé
dans lequel la diversité d’appartenances est une richesse et non un facteur de violence ou d’exclusion.”

L’Observatoire travaille “sur tous les continents à la compréhension des crises et conflits contemporains traversés par de puissantes passions identitaires”. Son “réseau de chercheurs, diplomates, journalistes, acteurs religieux ou juristes” entend apporter, par un “travail de veille, de contextualisation et de soutien aux défenseurs du pluralisme, une contribution décisive aux processus d’apaisement.” L’observatoire Pharos est partenaire de “Chrétiens de la Méditerranée”. Voir son site, https://www.observatoirepharos.com/, sur notre page d’accueil.

Dans cette infolettre, Laurent Tessier et Elodie Lemaire, Observateurs juniors de Pharos, reviennent sur le projet de loi “confortant les principes républicains” et ses potentiels effets sur le pluralisme religieux en France. On peut découvrir leur analyse sur la chaine Youtube de l’Observatoire.

Rappelons que Laurent Tessier est Administrateur de notre association.

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