Fait religieux, laïcité, dialogue interreligieux – VII. Dossier de presse de la Fédération Protestante de France.

Le projet de loi intitulé de manière peu évocatrice de son contenu “confortant les principes de la République” (1)(2) est l’objet d’un débat vaste et passionné dont l’un des premiers résultats fut l’adoption d’un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui (3) aussitôt suivie de la création d’un autre délit d’entrave à la fonction d’enseignant. Ces textes qui s’empilent sur bien d’autres préexistants sont significatifs du caractère essentiellement sécuritaire de ce projet qui fut renforcé par l’émotion légitime provoquée par les attentats de l’automne dernier, mais qui ne sauraient hélas, pas davantage que l’arsenal juridique déjà en vigueur, nous garantir contre le renouvellement de telles atrocités (4).

Nous avions déjà publié les points de vue relatifs à ce projet de Jean Louis Schlegel d’une part qui dénonçait un projet qui n’est pas un texte de pacification mais “aboutit à un nouveau séparatisme interne à la société française” et Guy Aurenche d’autre part qui soulignait le risque de voir ostraciser la communauté musulmane (5).

Les riches analyses de la Fédération Protestante de France que nous publions aujourd’hui contribuent à leur tour à voir clair dans les différents enjeux de ce projet dont “l’accumulation de contraintes interroge sur la façon dont sont considérées toutes les associations et plus largement les libertés dans notre pays : liberté d’expression, d’opinion et de culte” (6). Ce dossier contient non seulement une analyse critique rigoureuse des dispositions les plus contestables du projet initial, mais également une utile série de propositions qui pourraient avantageusement se substituer à elles.

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  1. Initialement dénommé “projet de loi contre le séparatisme“, avant d’autres titres aussi peu imaginatifs, ce qui ne prévient guère en faveur de la cohérence qu’on attend d’un texte législatif.
  2. “Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde” prévenait Camus, comme le rappelait Guy Aurenche dans le point de vue à propos de ce projet que nous avons publié le 12 janvier, voir dans cette rubrique sous le titre “Les conditions d’un vrai dialogue“.
  3. Ce nouveau délit concerne “toute personne menaçant, violentant ou intimidant un élu ou un agent du service public dans le but de se soustraire totalement ou partiellement aux règles de services publics“.
  4. Il existait déjà depuis 2011 un délit de mise en en danger de la vie d’autrui (article 223-1 du code pénal), outre bien sûr l’arsenal séculaire concernant les délits de diffamation et d’injure, sans compter d’autres dispositions concernant notamment le meurtre (c’est-à-dire le fait de donner volontairement la mort à autrui) et l’assassinat (meurtre commis avec préméditation). Il est bien certain que les auteurs des horreurs perpétrées cet automne, comme d’ailleurs leurs sinistres prédécesseurs, n’auraient pu être dissuadés d’agir par le rappel de ces dispositions, à supposer de manière irréaliste qu’ils s’en fussent préoccupés le moins du monde.
  5. Voir Jean Louis Schlegel, “Interview concernant le communautarisme et le projet de loi confortant le respect des principes républicains” dans cette rubrique en date du 12 janvier 2021 et Guy Aurenche “Les conditions d’un vrai dialogue” ibid.
  6. François Clavairoly, “Message du Président de la Fédération protestante de France” en tête du document que nous publions.

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Message du président de la Fédération protestante de France

Depuis plusieurs semaines, le protestantisme français est mobilisé au sujet du “Projet de loi confortant le respect des principes de la République”. Il veut aujourd’hui lancer une alerte sur les risques que comporte ce texte qu’il juge inquiétant, et contribuer à son amélioration. Le gouvernement français a décidé en effet de mettre à l’ordre du jour du parlement le débat et le vote de celui-ci.

Face à ce projet de loi, le protestantisme français souhaite assumer son rôle de “vigie” comme le lui reconnaissait le président de la République Emmanuel Macron dans son discours à l’hôtel de ville de Paris, à l’occasion des 500 ans de la Réforme, le 22 septembre 2017 : “Nous avons besoin que vous restiez la vigie de la République, son avant-garde dans les combats philosophiques, moraux, politiques qui sont ceux de notre temps”.

La Fédération protestante de France (FPF) a déjà fait valoir ses observations, ses remarques et ses critiques auprès du ministère de l’Intérieur. Une tribune a également été publiée dans trois quotidiens nationaux (1) et a présenté les grandes lignes de ces remarques et critiques. La Fédération, pour sa part, aura été auditionnée le 4 janvier 2021 par la commission de Rugy.

Aujourd’hui, le protestantisme français souhaite se mobiliser plus largement pour alerter sur les dangers que représenteraient certains aspects de ce projet de loi.

Ce dossier de plaidoyer comporte ainsi trois documents :

les quatre interpellations ;

la lecture critique du projet de loi ;

les propositions d’amendements suite aux observations relatives aux associations.

Comme nous le soulignons dans ce plaidoyer, cette accumulation de contraintes interroge sur la façon dont sont considérées toutes les associations et plus largement les libertés dans notre pays : liberté d’expression, d’opinion et de culte. Nous regrettons l’esprit de soupçon et de contrôle qui inspire ce projet de loi et doutons de sa capacité à contribuer à bâtir une société de confiance. Nous nous interrogeons sur la visée de ce texte et considérons que ses chances d’améliorer la lutte contre les séparatismes sont faibles. Nous ne voyons pas dans ce projet d’amélioration du dispositif de la loi 1905, et les équilibres et l’esprit d’origine délibérément libéral semblent d’ores et déjà remis en cause (2).

Pasteur François Clavairoly,

Président de la Fédération protestante de France

(1) Les Échos (le 8.12.20), L’opinion (le 9.12.20), La Croix. cf. www.protestants.org et ce dossier p 12.

(2) Le motif de ce projet de loi ne manque pas d’étonner, en effet, au regard des mesures proposées au sujet des associations cultuelles : “Face à l’islamisme radical, face à tous les séparatismes, force est de constater que notre arsenal juridique est insuffisant. Il faut regarder les choses en face : la République n’a pas suffisamment de moyens d’agir contre ceux qui veulent la déstabiliser. En terminer avec l’impuissance face à ceux qui malmènent la cohésion nationale et la fraternité, face à ce qui méconnaît la République et bafoue les exigences minimales de vie en société, conforter les principes républicains : telle est l’ambition du projet de loi.”

Lire ici la totalité des 16 pages du dossier.

 


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