Titre

L’islam pensé par une femme

Auteur

Nayla Tabbara ; avec Marie Malzac

Type

livre

Editeur

Montrouge : Bayard, 17 oct. 2018

Nombre de pages

226 p.

Prix

16,90 €

Date de publication

30 mai 2019

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L’islam pensé par une femme

Voilà un ouvrage qui nourrira longuement le chemin d’hommes et de femmes qui souhaitent approcher, de l’intérieur, la tradition de l’islam. Nayla Tabbara est libanaise, musulmane, théologienne, docteur en sciences des religions de l’École pratique des Hautes Études (EPHE) de Paris et de l’Université St Joseph de Beyrouth. Autant de talents qui donnent tout leur poids à la parole de cette femme, par ailleurs engagée dans la Fondation Adyan[1] qui agit dans le monde arabe pour promouvoir l’altérité religieuse.

Car son projet est double : faire entendre une voix de femme dans une tradition pensée depuis ses origines dans un contexte très patriarcal et faire droit à une nouvelle approche de l’islam dégagée d’une conception littéraliste et d’une pratique purement formelle. Elle y réussit brillamment, ce qui fait de cet ouvrage un texte attachant, personnel et, par maints aspects, original.

Le lecteur est touché par la façon dont elle s’empare du texte coranique qu’elle connaît parfaitement comme exégète. S’appuyant en permanence sur des versets du Coran, elle en fait goûter toute la saveur et ouvre en permanence à des interprétations renouvelées. Elle prend appui pour cela sur le travail de penseurs réformistes connus dont elle partage la vision : Mohammed Abdou (1849-1905)[2], Ali Abderraziq (1888-1966)[3] , Mohammed Charfi (1936-2008)[4], Burhan Ghalioun (1945-…)[5], Farid Esack (1959-….)[6]

Développant dans la première partie du livre sa conception de la foi musulmane, elle invite à une vision très spirituelle enracinée dans la tradition soufie et prône un engagement social fort de la part des croyants. On ne s’étonnera pas que ses références soient donc des personnages comme Abd El- Kader (1808-1883), chef militaire et grand mystique algérien[7], Abdul Ghaffar Kahn (1890-1988), résistant non violent pachtoune, et Asma Lamrabet (1961-…), féministe marocaine[8].

C’est justement à la lutte des féministes musulmanes que Nayla Tabbara consacre la suite de son ouvrage. Resituant tout l’historique de l’émergence de ce mouvement, elle pointe les versets problématiques et plaide pour une exégèse holistique susceptible de prendre en compte l’ensemble du Coran, en le plaçant dans son contexte. Au-delà des questions classiques de polygamie ou de voile, elle prend position clairement pour l’accès des femmes musulmanes aux fonctions religieuses de l’imamat.

Enfin pour clore ce parcours passionnant, elle ouvre trois chapitres extrêmement stimulants : le premier,  pour élaborer une théologie de la diversité religieuse, en reprenant son ouvrage écrit avec Fadi Daou sur « l’hospitalité divine »,  en 2014[9] ; le second, pour élaborer une théologie de la fragilité, pensée à partir du handicap et de l’expérience de l’Arche de Jean Vanier ; le dernier, pour élaborer une théologie de la non-violence en islam, prenant appui sur la théologie de la libération de Farid Esack.

Parmi les nombreux livres écrits sur l’islam, celui-ci offre au lecteur une tonalité à la fois nouvelle et profonde. Nayla Tabbara nous confie ici un texte original et réjouissant, dans une approche renouvelée de sa tradition qui fait droit à la part féminine de la raison et de la sensibilité.

Bénédicte du Chaffaut

 

Notes de la rédaction

[1] Pour en savoir plus sur la Fondation Adyan, cliquer ICI.

[2] Juriste et mufti égyptien, fondateur avec Jamal al-Din al-Afghani du modernisme islamique, cliquer ICI.

[3] Théologien égyptien, docteur (cheikh) de l’université d’Al-Azhar et juge au tribunal islamique de Mansourah. L’islam et les fondements du pouvoir (1925) est son principal ouvrage, cliquer ICI.

[4] Juriste, universitaire et homme politique tunisien, cliquer ICI. Auteur de Islam et liberté : le malentendu historique (1999), cliquer ICI.

[5] Homme politique syrien, professeur de sociologie politique cliquer ICI. Il est l’auteur de nombreux ouvrages en arabe consacrés aux problèmes politiques et sociologiques du monde musulman. Il a publié aux éditions La Découverte, Le Malaise arabe : l’État contre la nation (1991), et Islam et politique : la modernité trahie (1997), cliquer ICI.

[6] Professeur de théologie musulmane à l’Université de Johannesburg en Afrique du Sud. Il se revendique de la théologie musulmane de la libération et développe une approche de la religion « du point de vue des marges et des marginalisés ». Il est l’un des « nouveaux penseurs de l’islam ». Auteur de Coran, mode d’emploi (2004), cliquer ICI.

[7] Cf. Nos 3 recensions : Abd El-Kader : l’harmonie des contraires/ Ahmed Bouyerdene, cliquer ICI ; L’Émir Abdelkader, apôtre de la fraternité/ Mustapha Cherif, cliquer ICI ; La guerre et la paix : Abd El-Kader et la France/ Ahmed Bouyerdene, cliquer ICI.

[8] Voir ses livres ICI dont Islam et femmes : les questions qui fâchent, cliquer ICI.

[9] Cf.  L’hospitalité divine : l’autre dans le dialogue des théologies chrétienne et musulmane / Fadi Daou, Nayla Tabbara, lire notre recension en cliquant ICI. On pourra écouter aussi leur conférence à Lyon, le dimanche 7 avril 2019, dans le cadre des conférences de carême de Fourvière sur le dialogue islamo-chrétien, en cliquant ICI ou lire la conférence de Nayla Tabbara : Au-delà du dialogue interreligieux (p. 119-124) dans le livre qui rassemble les conférences de carême 2019 à N. D. de Fourvière, intitulé : Le dialogue islamo-chrétien : 800 ans après Damiette.- Parole et Silence, avril 2019.