Titre

Le Coran des historiens (vol.1)

Sous titre

Études sur le contexte et la genèse du texte coranique

Auteur

Mohammad Ali Amir-Moezzi, Guillaume Dye, sous la direction de

Type

livre

Editeur

Paris : Éd. du Cerf, nov. 2019

Nombre de pages

3408 pages (coffret de 3 vol.)

Prix

89,00€

Date de publication

26 octobre 2020

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Le Coran des historiens (vol.1)

Une trentaine de chercheurs ont participé à l’élaboration des trois volumes et des 3408 pages de ce Coran des historiens. Vingt d’entre eux ont rédigé le Volume I intitulé Études sur le contexte et la genèse du Coran qui sert d’introduction (1.014 pages). Cet ouvrage fait partager à un public non spécialisé deux siècles de recherches (p.29). Le Pr. Mohammad Ali Amir-Moezzi, directeur d’études à l’EPHE, avait précédemment dirigé le Dictionnaire du Coran (Paris, Robert Laffont 2008, 981 pages) sur les thèmes du dogme, du droit, et de la mystique.

La première partie, composée de quatre contributions expose les contextes historiques et géographiques du Coran et des débuts de l’islam (p. 53 à 287)

Pour Christian Robin (p.53 à 154), le Coran est pauvre en données géographiques et historiques sur son époque. Le Coran ne contient qu’une douzaine de noms propres relatifs aux cadres temporel et spatial. Au Hijaz septentrional, les inscriptions araméennes et nabatéennes expliquent les 300 mots non arabes utilisés dans le Coran. La Mecque et Médine ont appartenu à un empire juif puis chrétien (la grande église de Sanaa construite en 559) mais l’Arabie Saoudite y a interdit, jusqu’à récemment, toutes les recherches archéologiques.

Pour Samra Azarnouche (p.157 à 182), les Persans entretenaient avec les Arabes de la péninsule des relations commerciales et diplomatiques. De nombreux mots arabes ont été empruntés au persan. Le zoroastrisme influencera la culture arabe.

Pour Stephen Shoemaker (p.185 à 245), le Coran, texte anhistorique, ne décrit ni la vie de Mohamed, ni sa carrière prophétique. La biographie de Mohamed par Ibn Ishaq (m.767), reprise par Ibn Hisham (m.833) et Tabari (Xe siècle), n’a été rédigée qu’un siècle et demi plus tard. Nombre d’idées religieuses attribuées à Mohamed semble venir de la tradition syriaque.

Pour Antoine Barrut (p. 249 à 289), le récit légendaire de Mohamed composé a posteriori légitime un pouvoir musulman divisé. Compagnons, Mecquois Qurayshites et Médinois étaient en compétition pour le califat et imposèrent un corpus au IXe siècle.

La deuxième partie, composée de dix contributions, traite du Coran au carrefour des traditions religieuses de l’antiquité tardive (p. 293 à 649). Deux contributions sont consacrées au judaïsme, cinq au christianisme, deux aux religions iraniennes, une au Coran héritier des précédents droits religieux.

Pour Meir Bar-Isher1 (p.295 à 329), des Juifs se rendirent au Hijaz après 70 comme l’attestent des tombes juives aux inscriptions arabes, araméennes et sabéennes. Mohamed aurait connu les juifs médinois actifs dans l’agriculture et la vigne. Le Coran imite la paraphrase du Pentateuque. Termes et concepts hébreux abondent à la sourate V.

Pour David Hamidovic (p.499 à 540), les récits apocryphes juifs dans le Coran ont été rédigés en Palestine ou en Babylonie. Dans la sourate XVII, le voyage céleste du Prophète rappelle ceux d’Hénoch, d’Elie ou d’Isaïe, les sentences de Luqman, celles de l’Assyrien Ahiqar.

Pour Jan M.E. Van Reth (p.429 à 465), on retrouve dans le Coran l’influence de Nestorius, dont le début de la prière eucharistique commençant par « O Seigneur Dieu, le Clément, le Compatissant » préfigure la formule introductive aux sourates de même que la confession de foi dans l’islam. Quant à l’abattage rituel islamique, il semble prendre en compte la remarque d’Origène sur le sang, aspect matériel du souffle divin. Par ailleurs, la Didascalie des Apôtres (IIIe siècle) demande à l’épouse de se voiler à l’extérieur dans des termes proches du Coran (XXIV, 30-31).

Muriel Debié (p.543 à 586) comme Tor Andrae montre l’importance de la littérature syriaque dans les récits eschatologiques coraniques. La biographie rédigée par Ibn Hisham puise dans l’Apocalypse de Serge Bahira. Pour M. Debié et V. Déroche (p. 333 à 358), les divergences christologiques de l’Église chrétienne, dès le IIe siècle, apparaissent dans le Coran.

Pour Manfred Kropp et Guillaume Dye (p 395 à 426), le royaume éthiopien aksoumite (Ier au Xe siècle) aura des rapports constants avec le Himyar puis l’Arabie devenue musulmane. Le Coran a emprunté des vocables guèzes.

Pour Christelle Jullien (p. 361 à 391), l’Église de Perse revendique la filiation avec Saint Thomas ; Le Livre des Lois des pays (196) de Bardesane indique la venue du christianisme en Perse, dont les souverains Yazdegird Ier et Khosro II seraient devenus chrétiens.

Pour Frantz Grenet (p.589 à 614), les Gathas de Zoroastre, insérés dans l’Avesta feront considérer les Mazdéens par les musulmans comme des « Gens du Livre ». Les Oracles d’Hystape, les Institutions chrétiennes de Lactance réapparaîtront dans le messianisme chiite.

Michel Tardieu (p.469 à 495) rappelle que Mani présente la synthèse entre christianisme et dualisme persan dans les ouvrages missionnaires apologétiques Shabuhragan et Kephalaia diffusés jusqu’à Tourfan auprès des Ouighours.

David Powers (p.617 à 649) dévoile dans le Coran un environnement juridique commun couvrant le rituel (prière, jeûne, pèlerinage, règles alimentaires), la vie en société (mariage, divorce, héritage, adoption, échanges commerciaux), la répression (les châtiments). Les interdits alimentaires rappellent le droit rabbinique, les Actes des apôtres et le droit coutumier araméen.

La 3e partie (p.655 à 967), composée de six contributions, traite du corpus coranique.

Pour Eléonore Cellard (p.665 à 706), le corpus de 300.000 fragments coraniques pour les 4 premiers siècles de l’islam, est réparti dans les mosquées ‘Amr du Caire, Uqba Ibn Nafi de Kairouan, des Omeyyades de Damas et la Grande Mosquée de Sanaa.

Pour François Déroche (p.655 à 662), c’est seulement au Xe siècle que le texte coranique atteint un état proche de celui que nous connaissons2.

Frédéric Imbert (p. 709 à 732) constate que des vestiges archéologiques du vivant de Mohamed n’ont pas été retrouvés. A Kufa, fut découvert, en 1955, le plus ancien extrait coranique daté sur pierre. Le nombre de ces éléments de Palmyre à Aqab s’élève à 250.

Pour Guillaume Dye (p.735 à 846), les premiers califats ont fait subir au Coran une reconstruction politico-religieuse. 90 sourates attribuées à la période mecquoise et 24 à la période médinoise contiennent des versets de l’autre période. La littérature islamique est postérieure de 3 siècles au Coran et les mentalités de musulmans avaient changé.

Guillaume Dye (p.849 à 918) rappelle qu’aucun des codex initiaux de Zayd à Médine, d’Ibn Masud (m.653) à Kufa, d’Ubbay ibn Kaab (m.653) à Damas, d’Abu Musa (m.672) à Basrah, de Hafsa à La Mecque, d’Ali Ibn Taleb, ne nous est parvenu. Jacques d’Edesse (VIIe siècle) ne parle pas du Coran. Ce mot n’est utilisé qu’après Abdelmalek (685 -705).

Pour M.A. Amir-Moezzi (p. 921 à 967), les passages relatifs à Ali, à la famille du Prophète furent supprimés, selon les Chiites. Mais les vizirs chiites Bouyides (Xe siècle) en s’imposant aux califes abbassides reconnurent – pour éviter l’impopularité – le Coran officiel comme seul authentique. Néanmoins, le chiisme attribue à 22 versets une connotation confessionnelle qui se démarque de la Vulgate (p.936 à 938). Quant aux versets abrogeants3 les chiites refusent que Dieu ait pu se tromper.

Précieux compléments d’information : la bibliographie relevant de chaque chapitre, les repères historiques (p.43 à 45), deux cartes des empires omeyyade et abbasside (p.46-47), l’index général (p.969 à 1000).

Les volumes II A (sourates 1 à 26) et II B (sourates 27 à 114) constituent le commentaire continu de la totalité des 114 sourates du Coran selon les méthodes historique et philologique synthétisant deux siècles de recherches scientifiques.

Le volume III, consacré à la bibliographie, consultable électroniquement sur le site de l’éditeur (https://www.editionsducerf.fr/), est complété annuellement.

Christian Lochon4

Notes de la rédaction :

1  Auteur de Les Juifs dans le Coran.-Albin Michel, 2019.

2 Cf. Le Coran, une histoire plurielle : essai sur la formation du texte coranique / François Déroche.- Paris : Seuil, 2019, « Ce livre destiné à un grand public averti est à la fois une synthèse des travaux sur les manuscrits du Coran menés dans le monde et ceux conduits par François Déroche. »

3 Explication donnée par C. Lochon : « Les versets abrogeants sont des versets révélés plus tard et qui annulent les premiers. Par exemple le verset “les moines sont des gens de bien” sera contesté plus tard lors de la conquête afin de distinguer les musulmans des chrétiens, procédé utilisé par les tafkiris d’aujourd’hui. »

4 Cette recension, destinée d’abord à l’Académie des Sciences d’Outre-Mer (ASOM) dont Christian Lochon est Membre libre, est publiée ici dans sa version réduite avec l’aimable autorisation de l’ASOM.

Puisse la vulgarisation des études de spécialistes réunies dans Le Coran des historiens les rendre accessibles à un large public et permettre que soit entendu le souhait de Georges Corm quand, dans son livre Pour une lecture profane des conflits : sur le « retour du religieux » dans les conflits contemporains du Moyen-Orient, « il appelle les occidentaux à une analyse plus subtile et non sectaire du monde arabe et musulman,  comme il appelle les musulmans eux-mêmes à œuvrer pour la liberté de conscience et une liberté d’interprétation des textes sacrés, condition première de l’établissement de la laïcité. »

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