Titre

Beyrouth sentimental

Sous titre

1987-2022

Auteur

Daniel Rondeau

Type

livre

Editeur

Paris : Stock, 2023

Collection

La Bleue ; 161

Nombre de pages

240 p.

Prix

19,50 €

Date de publication

27 novembre 2023

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Beyrouth sentimental : 1987-2022

C’est avec des mots simples, dans un style journalistique direct et compréhensible, que l’écrivain-diplomate Daniel Rondeau emmène son lecteur au cœur du Liban. Son analyse politique est pertinente, pimentée de passages poétiques et de références littéraires, qui enrichissent l’ensemble. Le texte est plein d’anecdotes, écrit par un auteur sensible, habitué à fréquenter les sphères du pouvoir et de l’intelligentsia.

C’est l’histoire du Pays du Cèdre à travers des rencontres, des témoignages, des portraits, des dialogues. Trente-six ans d’amour entre un homme de lettres épris de passion pour la Méditerranée et pour ce pays de l’Orient arabe pas comme les autres, coincé entre des voisins en guerre, et lui-même en perpétuel conflit depuis son indépendance en 1943. La seule démocratie dans cette région du monde, partagée, hélas, entre dix-huit clans confessionnels. C’est du reste en pleine guerre, que Daniel Rondeau découvre le Liban, en 1987.

Journaliste1, collaborateur de journaux nationaux, il se lance à la rencontre du Général Michel Aoun, commandant-en-chef, à l’époque, de l’armée libanaise, qui se bat pour un Liban libanais uni, et déconfessionnalisé.2 Entre les bombes, les attentats, les assassinats et les enlèvements, Rondeau couvre les évènements avec talent, se lie d’amitié avec un grand nombre de personnalités de la scène politique et culturelle libanaise, des Jésuites comme le grand théologien Youakim Moubarak, l’ancien président Charles Hélou, le poète Salah Stétié. Il croise et s’entretient avec Rafic Hariri, Premier ministre assassiné en 2005, rencontre les patriarches maronites … La liste est longue.

Rondeau est aussi l’homme de l’ombre, le conseiller, l’expert sollicité pour accompagner les politiciens français dans leurs missions libanaises. On l’écoute dans les chancelleries et les ministères. Invité pas les décisionnaires dans leurs voyages officiels. Hôte du président Macron, il assiste notamment (page 167 de son livre) à la rencontre entre le président français, et la diva de la chanson arabe, l’immense interprète Fairuz adulée dans le monde entier, les deux assis face à face dans la maison de l’artiste, perchée sur les hauteurs de Beyrouth3.

D’autres passages pleins d’émotions de ce livre à ne pas manquer : les noms des martyrs des pères jésuites, victimes de la barbarie des hommes. Des pères qui ont contribué à donner au Liban l’ouverture, la liberté et l’humanité qui le caractérise aujourd’hui (page 76).

Le passage que l’auteur consacre sur la retraite post-présidentielle du général Aoun (p.158) résume tout le courage d’un homme qui a profondément aimé son pays, et défendu l’idée d’un Liban libanais, déconfessionnalisé, indépendant des influences étrangères. Hélas, la “présidence pour rien d’un homme qui aurait dû rester le héros de 1989, sans briguer la fonction qui fut la sienne.”

En résumé, le portrait d’un Liban bourgeois et mondain tourné vers la France, mais en omettant les révoltes d’un peuple, lassé de la corruption des chefs de clans, et en oubliant de s’étendre sur cette jeunesse éduquée, formée, polyglotte, éprise de citoyenneté, obligée de s’expatrier pour bâtir des espaces de génie ailleurs.

Rien sur les régions délaissées par Beyrouth comme le Akkar4, au nord, ou la plaine de la Bekaa, voisine de la Syrie en guerre depuis 2011. Pas un mot non plus sur les tensions au sud contre les agressions israéliennes. Et, quelques passages trop brefs sur des leaders musulmans, un rendez-vous manqué avec Hussein Husseini, dirigeant chiite d’envergure (p.58), et une séquence sur l’imam Moussa Sadr, fondateur du mouvement Amal, dont le souvenir est rappelé par Rabab, sa sœur (p.210).

On aurait aimé que l’auteur développe également le communautarisme, nuisance suprême du Liban, ou se rende dans les quartiers du sud de la capitale, fief chiite du Hezbollah5, le parti de Dieu, maître actuel du pays. L’histoire de Beyrouth ne se réduit pas à une classe et à une confession.6

Luc Balbont
Administrateur de CDM, habitant au Liban
Reporter pour L’Œuvre d’Orient

Notes de la rédaction

1 Daniel Rondeau est écrivain, journaliste et diplomate, ancien ambassadeur de France à Malte (2008-2011) puis délégué permanent de la France auprès de l’UNESCO, jusqu’en 2013.

2 Cf. Chronique du Liban rebelle : 1988-1990 / Daniel Rondeau.- Grasset, 1991

5 Cf. sur Arte : Liban : au cœur du Hezbollaz (52 mn), émission disponible jusqu’au 19/09/2025.

6 Cf. Nos recensions de livres sur le Liban, classées par année d’édition :

Pour un nouveau pacte au Liban : lectures critiques et prospectives / sous la direction de Mouchir Basile Aoun, Charles Chartouni et Antoine Fleyfel.- Paris : L’Harmattan, 2021.- (Pensée religieuse et philosophique arabe ; 43)

Liban, les défis de la liberté : le combat d’un chrétien d’Orient /Fouad Abou Nader ; avec Nathalie Duplan et Valérie Raulin ; postface de Gwendal Rouillard.- Paris : Ed. de L’Observatoire, 9 juin 2021

Liban : genèse d’une nation singulière /François Boustani .-Paris : Erick Bonnier, 2020.-(Encre d’Orient)

Beyrouth 2020 : journal d’un effondrement /Charif Majdalani.- Arles (Bouches-du-Rhône) : Actes Sud ; Beyrouth : L’Orient des livres, 2020

La Mission Jésuite de Ghazir (1843-1965) : le retour de la Compagnie de Jésus au Liban / Khalil Karam et Charbel Matta.- Beyrouth : Presses de l’Université Saint-Joseph,2019

Prier 15 jours avec saint Charbel /Fady Noun.- Bruyères-le-Châtel : Nouvelle Cité, 2019.-(Prier 15 jours ; 215)

Un café à Beyrouth /Nathalie Duplan, Valérie Raulin.-Paris : Magellan & Cie, 2018.-(Je est ailleurs)

Jocelyne Khoueiry l’indomptable /Nathalie Duplan et Valérie Raulin.-Le Passeur, 2015

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