Titre

Beyrouth 2020

Sous titre

Journal d’un effondrement

Auteur

Charif Majdalani

Type

livre

Editeur

Arles (Bouches-du-Rhône) : Actes Sud ; Beyrouth : L’Orient des livres, oct. 2020

Nombre de pages

149 p.

Prix

16,80 €

Date de publication

30 novembre 2020

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Beyrouth 2020 – Journal d’un effondrement

C’est un livre qu’on ne lâche plus une fois ouvert.

Cent-cinquante pages, où l’auteur1 décrit la lente agonie de Beyrouth, la capitale du Liban. Une écriture où la gravité du sujet n’exclut pas l’humour. Un talent qui caractérise un peuple, qui sait si bien se moquer de lui-même dans les périodes les plus tragiques de son histoire. Et Dieu sait si ce petit pays du Proche-Orient traverse depuis plus d’un an un enchaînement de catastrophes et de fléaux : crises économique, politique, sociale, dévaluation de la monnaie, taux de chômage record, pauvreté galopante, disparition des classes moyennes, auxquels s’ajoutent la pandémie du Covid-19, et l’explosion du 4 août dernier, qui a détruit les quartiers historiques de Beyrouth.

Un été d’apocalypse que Charif Majdalani raccroche avec intelligence à l’histoire du pays depuis son indépendance. Trente ans d’insouciance et de bonheur de 1945 jusqu’à ces quinze années de guerre civile (1975-1990). Puis, à nouveau, trente ans d’essor et de fêtes jusqu’à la crise actuelle. Une crise plus désespérante encore que les obus des milices chrétiennes et musulmanes, qui avaient pourtant ruiné Beyrouth durant le conflit interlibanais.

Sans concession, l’auteur analyse ces trois décennies de paix artificielle, qui ont préparé le cataclysme présent : chantiers inutiles, rackets, corruption massive, fausses factures, détournements d’argent, rivalités de clans confessionnels, mépris des dirigeants pour le peuple libanais. Un Etat fantôme, sans éthique, conduit par d’anciens chefs de guerre, auto-amnistiés, devenus des chefs de partis politiques respectables, entourés d’une clientèle servile et dévouée.

Le 17 octobre 2019, tout s’arrête brusquement. Les Libanais découvrent le désastre : un pays en cessation de paiement. La banqueroute est totale. Les Libanais ne peuvent même plus retirer de leur banque, l’argent qu’ils avaient économisé. La descente aux enfers commence. 50% de la population tombe dans la pauvreté. Un chemin de croix dépeint par Charif Majdalani dans son journal, avec, en point d’orgue, la terrible explosion du 4 août dernier de deux tonnes d’explosif, entreposées dans un hangar du port : plus de 200 morts en cinq secondes, 6 000 blessés et 300 000 sans-abris… Accident, négligence ou conséquence d’une corruption institutionnalisée ? Majdalani s’interroge (chapitre 59, p.120).

L’intérêt de Beyrouth 2020 tient dans la façon qu’a l’auteur de mêler la grande histoire du Liban aux scènes de la vie quotidienne. Les noms illustres y côtoient les anonymes comme le réparateur de machines à laver, l’employé de banque, la bonne éthiopienne ou le concierge sri-lankais.

La chute du livre est particulièrement symbolique. Majdalani raconte une scène où son ami Moussa, installé à une table de restaurant en bordure de mer, rattrape in extremis son cigare, avant qu’il ne tombe à l’eau… Métaphore d’un Beyrouth moribond, qui parvient, une fois encore, à se sauver du pire. Maintes fois détruite, mais toujours reconstruite.2

Luc Balbont3

Notes de la rédaction

1 Charif Majdalani est né en 1960 à Beyrouth, où il vit. Il est professeur en sciences de l’homme et de la société, à l’université Saint-Joseph. Écrivain, il est notamment l’auteur de sept romans publiés aux éditions du Seuil. Il était l’invité de Mathias Enard, sur France Culture, avec l’artiste libanaise Lamia Ziadé, dans l’émission La salle des machines, le 27/09/20  et l’invité de Laure Adler sur France Inter, dans l’émission L’heure bleue, le 01/10/20. Le 02/11/2020, Charif Majdalani a reçu le Prix spécial du jury du Prix Femina pour Beyrouth 2020.

2 A voir ou à revoir, sur Arte, Deux films diffusés mardi 17/11/20 : Liban : un pays dans la tourmente / Duki Dror (95 mn). Rediffusion sur Arte, jeudi 26/11 à 9h25. Disponible jusqu’au 14/02/2021, et

Liban, l’épreuve du chaos / Amal Mogaizel (55 mn). Rediffusion le vendredi 27 novembre à 02h35. Disponible jusqu’au 15/01/2021. Cf. aussi autres documentaires sur le Liban.

3 Né le 23 avril 1949, journaliste. Arabisant, Luc Balbont vit depuis 1989 entre la France et le Liban, pays où réside sa famille. En 40 ans de journalisme il a couvert une grande partie des événements et des bouleversements du monde arabe, de la guerre du Liban (1975-1990) aux révolutions arabes de 2011. Il a reçu en 2006 le prix Reporter d’espoir pour des reportages effectués en Egypte et en Palestine, et le prix littéraire de L’Œuvre d’Orient en 2012, pour le livre Jusqu’au bout.-Nouvelle Cité, 2012 : entretiens avec Mgr Casmoussa – alors archevêque syriaque catholique de Mossoul -, assurés avec Joseph Alichoran. Il est actuellement correspondant à Beyrouth pour le quotidien francophone algérien Liberté. Cf. Son blog et ses Regards et recensions de livres pour le site de CDM dont il est membre du CA.

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