Forte natalité et pauvreté économique, quel lien ? Par René Valette.

Ce troisième article de René Valette, dans son approche de la démographie mondiale, aborde la question controversée du rapport entre forte natalité et pauvreté. Il montre finalement que la baisse de la natalité n’a le plus souvent pu avoir lieu qu’à la suite d’un ensemble de mesures socio-économiques, soit une politique de développement global.

Précédents articles de René Valette :
Parlons démographie, avec la présentation de l’auteur
Chine : questions démographiques… et autres.

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Pendant plusieurs décennies, cette question a donné lieu à des débats… vigoureux ! Trois thèses s’opposaient.

  • Pour certains, les ‘néo-malthusiens’, la forte croissance de population due à un taux de natalité élevé était une des principales causes de la pauvreté qui sévissait dans ce qu’on appelait le Tiers-Monde, aussi une politique active de contrôle des naissances devait impérativement être conduite. Plusieurs agences de financement, nationales et internationales, conditionnaient leur envoi de fonds, dons ou prêts bonifiés, à cette politique active de contrôle des naissances.
  • A l’opposé, une deuxième thèse dite nataliste ou populationniste assurait que la forte croissance de population n’était pas l’obstacle principal à la croissance économique et qu’elle pouvait même être une chance à saisir. Enfin ces défenseurs de la natalité affirmaient que dans l’histoire des sociétés les personnes avaient toujours su faire face aux défis qui se posaient à elles et qu’il n’y avait aucune raison de penser qu’il en serait différemment pour le défi démographique. Ils insistaient aussi sur le fait que les politiques de contrôle des naissances ne respectaient pas la culture des personnes concernées.
  • La troisième thèse appelée “de la boucle à lire à l’envers” assurait que s’il y a bien un lien à établir entre pauvreté et forte croissance démographique il fallait considérer que ce n’est pas parce qu’ils font beaucoup d’enfants que les pays sont pauvres mais que c’est parce qu’ils sont pauvres qu’ils font beaucoup d’enfants, d’où l’appellation d’une “boucle à lire à l’envers”.
  • Les partisans de cette thèse disaient que s’il fallait certes proposer une politique de réduction de la natalité comme le voulaient les néo-malthusiens, cette politique devait être considérée comme une composante d’une politique sociale globale incluant trois mesures indispensables :

1. La lutte contre la mortalité infantile car les couples ne peuvent raisonnablement envisager de réduire les naissances tant qu’ils voient mourir autant de nouveau-nés et de jeunes enfants. Cette réduction de la mortalité infantile est donc un préalable indispensable à réaliser.

2. La promotion de la femme et des femmes avec en tout premier lieu l’accès des filles à l’école au-delà du premier degré. Ce n’est pas un hasard si le pays qui a le plus fort taux de fécondité, 6,7 enfants par femme, le Niger, est celui qui a le plus faible taux de scolarisation des filles. L’accès à l’école au-delà du primaire retarde l’âge du mariage et de la première naissance et permet aux jeunes filles d’être plus ouvertes à l’idée de contraception. L’enseignement plus prolongé leur donne aussi un accès plus aisé à des fonctions économiques et sociales, leur faisant par le fait même considérer que la maternité n’est pas le seul moyen d’avoir une vie féconde et d’être reconnues par la société.
Il fait aussi que l’accès à ces postes divers de responsabilité soit effectif et non purement potentiel.

3. Tout aussi importante, la création d’une politique sociale ne laissant pas à la seule famille la charge de faire face aux aléas de la vie, maladie, vieillesse, invalidité, veuvage précoce. Tant que la famille est la seule assurance sociale, en limiter la taille est totalement inconcevable.

C’est donc bien une politique socio-économique globale, qu’on pourrait appeler politique de développement global, qui doit accompagner une politique visant à espacer, à limiter les naissances.

Cette troisième thèse fait aujourd’hui l’unanimité ou presque.

Cependant un clivage d’une autre nature est apparu. Ce fut particulièrement le cas lors de la conférence du Caire de 1994, organisée par deux instances de l’ONU sur “Population et Développement”. La controverse fut rude. Elle portait sur deux points concernant les moyens éthiquement acceptables ou non pour réduire la natalité. Il s’agissait du statut de l’avortement et des conditions d’accès à la planification familiale. La délégation du Saint-Siège fut particulièrement active mais ce ne fut pas la seule. Un consensus finit par émerger mais le compte rendu final mentionnait des réserves demandées par quelques délégations dont celle du Saint-Siège. Voir René Valette, Le Catholicisme et la Démographie, Ed. de L’Atelier, 208 pages, 1996 (1).

René Valette

Lyon 16-12-2022

(1) Le livre sur papier n’est plus disponible chez l’éditeur. On peut l’acheter et le télécharger sous forme numérique:

Le catholicisme et la démographie : Église, population mondiale, contrôle des naissances, par René Valette. FeniXX, réédition numérique (Éditions de l’atelier – Éditions ouvrières), collection Débattre, 27 novembre 2020.

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