Chine : questions démographiques… et autres, par René Valette.

René Valette a estimé que la question de la Chine devait être traitée pour elle-même dans son approche de la démographie mondiale. Sa situation actuelle n’est pas sans conséquences sur les migrations présentes et à venir, et il dit lui-même en quoi le poids de la Chine pèse sur la Méditerranée, bien qu’elle soit loin de ses rives. Et il annonce en finale la suite de sa contribution.

Voir le premier article de René Valette, Parlons démographie. avec la présentation de l’auteur.

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Parce que même avec une population prochainement déclinante, la Chine est encore peuplée de plus 1,4 milliard d’habitants, parce qu’elle est une puissance nucléaire, parce qu’elle est aujourd’hui la deuxième puissance économique mondiale, parce que sa diplomatie est particulièrement active, parce qu’elle fascine autant qu’elle inquiète, ce qu’elle vit, intéresse bien sûr “Chrétiens de la Méditerranée”.

Ainsi sa situation démographique ne peut laisser indifférent. Son volume de population fait qu’elle est le deuxième plus grand agent du dérèglement climatique de la planète même si par habitant elle est loin d’avoir les mêmes effets négatifs que les États-Unis ou l’Union Européenne.

Aujourd’hui la Chine semble comme écartelée entre sa volonté incontestable de respecter ses engagements pris à Paris lors de la COP21 et celle de poursuivre sa politique de forte croissance économique. Ainsi consacre-telle des sommes considérables pour les énergies renouvelables et simultanément développe-t-elle les centrales électriques à charbon très polluantes mais qu’elle juge temporairement nécessaires à son industrie.

La forte croissance économique qu’elle a connue pendant plus d’une décennie a accentué les inégalités tant sociales que géographiques du pays mais permis aussi l’enrichissement certes à des degrés divers d’un quart voire d’un tiers de sa population. Il en a résulté des changements de mode de consommation pour les populations bénéficiaires.

Pour l’alimentation on a constaté ainsi une augmentation progressive de la part de produits lactés, transformés ou non, et de viandes. Comme il faut 4 calories végétales pour obtenir 1 calorie poulet, 7 pour le porc et 11 pour le bœuf, la Chine n’est plus en mesure d’assurer sur son territoire sa sécurité alimentaire. Elle procède ainsi à de lourds achats ou à des locations de longue durée, notamment en Afrique, de terres destinées non à nourrir les populations locales mais à satisfaire ses nouveaux besoins. Les ONG de solidarité internationale emploient non sans raison, l’expression “accaparement de terres” pour qualifier ce type d’interventions lorsqu’elles se font au détriment des paysanneries locales. La Chine n’est pas le seul pays à agir ainsi malheureusement.

Dans un tout autre domaine, elle est devenue une très grande consommatrice des matières premières nécessaires à son industrie. Elle est, par exemple, le premier producteur et acheteur annuel d’automobiles et son industrie aéronautique et ferroviaire sont elles aussi en plein essor. Ces besoins nouveaux expliquent aussi son intérêt croissant pour le continent africain riche en matières premières de toutes sortes. Les géographes parlent ainsi “d’accident géologique” lorsqu’ils évaluent les richesses en minerais et en terres rares de la République Démocratique du Congo. La présence d’importantes réserves de minerais de natures diverses dans la région de Goma au Nord Kivu, au Nord-Est du pays est au moins en partie responsable des combats qui ensanglantent la zone.

Ce sont donc à la fois des facteurs démographiques et d’autres, socio-économiques, qui expliquent les répercussions planétaires de la nouvelle donne chinoise.

Encore dans un tout autre domaine la Chine s’intéresse à l’Afrique parce que le continent a 54 voix à l’ONU dont 3 au Conseil de Sécurité. Elle a aussi de plus en plus de pouvoir dans les nombreuses structures d’intervention des Nations Unis. Son influence dans le monde en est sensiblement renforcée.

 

 

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Les effets négatifs actuels ou à venir de la politique chinoise de “l’enfant unique”

Rappelons-le, la baisse de la natalité amorcée en Chine avant même la mise en œuvre de la politique de “l’enfant unique” a été considérablement accentuée à partir de 1979 (conf. l’article précédent).

En prenant comme critère la réduction de la croissance démographique, cette rude politique a été une réussite mais elle n’est pas sans avoir eu des effets négatifs, indépendamment de l’appréciation éthique sévère qu’on peut porter sur la manière pour le moins rigoureuse dont elle a été conduite.

Ainsi la Chine est-elle entrée dans une période qui sera durable, de vieillissement de sa population. Traditionnellement, dans ce pays, comme dans beaucoup d’autres, ce sont les adultes en âge de travailler qui ont la charge de leurs vieux parents. Avec un seul enfant, s’il est encore vivant, cette charge sera lourde.

Certes une politique ad hoc sera sans doute mise en œuvre par l’État mais, partie de rien ou presque, elle s’avérera coûteuse et risquera donc de se faire au détriment de l’investissement productif dans l’économie. On peut raisonnablement penser que c’est une réelle fragilité à venir pour le pays.

Le Président Xi Jinping encourage désormais l’accueil d’un deuxième et même d’un troisième enfant dans les familles. Il n’est pas du tout certain qu’il sera entendu. Il semble en effet que de nombreux couples considèrent que donner à leur seul enfant (l’enfant roi) tout ce qui est nécessaire pour sa réussite sociale coûte déjà très cher et qu’augmenter les dépenses pour un deuxième et surtout pour un troisième enfant ne peut être envisagé. A suivre donc…

De nombreuses études convergent pour révéler qu’en Chine le sex-ratio est très déséquilibré. Il est vrai que ce n’est pas le seul pays à connaître cette situation, en Asie surtout. On considère généralement qu’il y a 111 naissances de garçons pour 100 filles, la répartition pourrait être de 116 garçons pour 100 filles entre 0 et 14 ans et de 117 pour 100 entre 15 et 24 ans. Ce sont à la fois des cas d’infanticides actifs, d’autres d’infanticides dits passifs (moindres soins apportés aux petites filles) et surtout les avortements sélectifs après échographie qui sont à l’origine de cette situation.

Il est probable qu’il existe, avec des pays voisins notamment, un “marché” clandestin de jeunes filles en âge du mariage pour pallier l’absence de femmes disponibles en nombre suffisant dans le pays.

La Chine est une puissance. Sans doute n’est-elle pas encore la première dans le monde mais elle fait tout pour le devenir. Sans les exagérer ses caractéristiques démographiques de demain pourraient être un obstacle pour atteindre l’objectif.

René Valette

Lyon le 25-11-2022

Derniers textes en décembre 2022 et janvier 2023. Thème : “La très forte croissance démographique de l’Afrique, les faits, leurs causes et leurs conséquences et simultanément, la baisse de la population européenne, les faits, leurs causes et leurs conséquences”.

Et l’état du débat sur le lien à établir entre forte croissance démographique et pauvreté.

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Image Wikicommons et carte du site du Ministère des Affaires étrangères français sur
http://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/gif/chine.gif

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