Titre
Une Église dans la mangeoireSous titre
Témoignage d’un évêque d’AlgérieAuteur
Paul Desfarges ; préface du cardinal Jean-Marc AvelineType
livreEditeur
Paris : Médiaspaul, nov. 2022Nombre de pages
175 p.Prix
18€Date de publication
9 juillet 2023Une Église dans la mangeoire : témoignage d’un évêque d’Algérie.
“Une Église dans la mangeoire” n’est pas un livre d’auteur mais le livre d’un pasteur. Il est le livre d’une vie vécue en Algérie et pour l’Algérie.
En introduction, son auteur présente son itinéraire de vie, sobrement. Il fait partie de la dernière génération, des prêtres, religieux et religieuses, qui ont pu être insérés par le travail dans la société algérienne, en l’occurrence en qualité d’enseignant en psychologie à l’université de Constantine. C’est une prise directe avec la société algérienne qui n’est plus guère possible aujourd’hui. On sent vibrer l’âme d’un jeune jésuite qui pénètre dans ce pays presque malgré lui. Et on sent combien la confiance de ses étudiants, la forme de paternité spirituelle qu’il a pu exercer sur tel ou telle, lui chrétien et eux musulmans, est fondatrice de sa relation à l’Algérie.
La première partie est consacrée à la vie et à la vocation au dialogue de l’Église d’Algérie. C’est l’occasion pour l’auteur de passer en revue plusieurs initiatives marquantes en faveur de l’ouverture et du dialogue, tant au niveau de l’Église Universelle avec la déclaration d’Abu Dhabi sur La fraternité humaine1 ou l’encyclique Fratelli Tutti,2 qu’au niveau de l’Algérie avec la Journée Internationale du Vivre Ensemble en Paix3, ou sur un registre bien différent, le mouvement social du Hirak4. Ou encore au niveau de la vie quotidienne, la rencontre en humanité qu’il nomme « la spiritualité de la tasse de thé ou la sainteté de la vie ordinaire ». L’humilité, chère à celui qui a fait de “l’Église de la mangeoire” sa marque épiscopale, est le maître mot de la rencontre, la clé de la porte d’entrée dans “la maison de l’Autre”.5
La seconde partie permet d’entrer plus profondément dans le sous-bassement théologique du dialogue selon l’auteur. Ce dernier n’esquive pas la contradiction apparente entre vérité de sa foi et vérité de la foi de l’autre. Comment articuler deux vérités sans en rester sur le registre de la tolérance ou sombrer dans un syncrétisme de complaisance. Parmi les pistes explorées par l’auteur, il y a celle du rapport au judaïsme de Paul et des premiers disciples après l’événement de la résurrection. La foi juive n’est pas dépouillée de sa part de vérité par la résurrection de Jésus le Christ. En même temps ce dernier ne tient plus dans les limites de la religion dans laquelle il est historiquement né. Jusqu’où peut-on pousser la comparaison avec la relation entre le christianisme et l’Islam? C’est en tous les cas un parallèle éclairant.
La troisième et dernière partie du livre est encore autrement plus audacieuse. Elle évoque la question des enfants du pays qui répondent à un appel intérieur à suivre le Christ, et cela en dehors de toute action prosélyte de la part de l’Église. Ces nouveaux disciples occupent une place particulière dans le cœur de l’auteur. Les accueillir sans rien renier du respect de la foi musulmane, sans trahir l’amitié et la fraternité de nos frères et amis musulmans est un énorme défi. Un écartèlement intérieur qui oblige à pouvoir rendre compte, humainement et intellectuellement, de ce double mouvement : accueil de nouveaux disciples mystérieusement touchés par le Christ et respect profond de la foi de ses frères et amis musulmans. C’est la confrontation des vérités évoquée plus haut.
D’une certaine façon, on sent bien que le fondement théologique du dialogue façonné par l’auteur tout au long d’une vie trouve, dans l’accueil en vérité de nouveaux disciples, son instance de vérité. Et je peux témoigner que l’auteur est vrai dans l’un et dans l’autre, dans l’amour des uns et l’amour des autres. La beauté de ce livre réside dans cette volonté de rendre compte de la vérité d’une posture en apparence contradictoire, dans l’unité profonde d’une vie en toutes ses dimensions humaine, intellectuelle et spirituelle.
Vivant en Algérie, ayant partagé avec l’auteur la charge pastorale de son Église, lui ayant succédé en qualité d’archevêque d’Alger, je l’ai pleinement reconnu dans ce livre et j’ai aussi reconnu notre Église et notre rapport à la société musulmane au creux de laquelle nous vivons. J’étais, disons-le, un lecteur averti. Je ne sais pas si un lecteur averti en vaut deux, mais ce livre d’une vie vaut la peine d’être lu et relu.
Archevêque d’Alger
Notes de la rédaction
1 Document sur La Fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune, Abou Dabi, 4 février 2019
2 Lettre encyclique du Saint Père François Fratelli Tutti, sur La Fraternité et l’amitié sociale.
4 Cf. Les débuts du Hirak en Algérie /Ali Bensaâd et Malika Rahal, sous la direction de.-Paris : Eska, 2021.-(Maghreb-Machrek, n°244-245 ; 1ère et 2ème parties) et Algérie: trois ans après, que reste-t-il du Hirak ? /RFI, 21/02/2022
5 Cf. Prêtre en Algérie : 40 ans dans la maison de l’Autre / Bernard Janicot ; préface de Mgr Henri Teissier.- Paris : Éd. Karthala, 2010.- (Chrétiens en liberté). A lire aussi : Chrétiens en Algérie : un grand signe de fraternité /Bernard Janicot.-Montrouge : Bayard, oct. 2020