Nous vous invitons à prendre le pouls de la Terre Sainte en feuilletant le remarquable périodique “Terre Sainte Magazine”, publié à Jérusalem, qui a fêté ses cent ans en 2021. Il est en lien d’origine avec la Custodie franciscaine de Terre Sainte, dont on connaît le poids diplomatique. Les accords séculaires entre les Franciscains et les sultans musulmans, qui faisaient d’eux les ambassadeurs de facto des populations chrétiennes de Palestine, ont été sauvegardés sous le mandat britannique après la Première guerre mondiale et repris, bon gré mal gré, par l’Etat d’Israël en 1948 lorsqu’il s’est fondé en mettant fin au mandat britannique. Sous la direction de Marie-Armelle Beaulieu, le périodique donne des informations en français, qui ne relèvent pas toutes de la haute politique, mais qui évoquent le ressenti des populations de Terre sainte dans leur diversité, leurs conflits souvent mortels mais aussi leurs terrains d’entente et leurs gestes de générosité, en faisant une place importante aux découvertes archéologiques. Nous avons déjà présenté l’article publié à la suite de la visite du Patriarche latin de Jérusalem à Gaza : https://www.terresainte.net/2024/05/au-4e-jour-de-sa-visite-a-gaza-le-cardinal-pizzaballa-salue-la-force-des-chretiens/. A titre d’exemple, nous en présentons deux autres dont le contenu éclaire d’un autre jour des informations qui sont souvent disparates dans les autres sources.
L’exode coûteux des habitants de Gaza
“Ces Gazaouis qui misent sur les cagnottes en ligne pour quitter l’enclave“
Il est régulièrement fait état d’une importante présence d’ex-habitants de Gaza en Egypte. Jusqu’à cent dix mille personnes ont quitté Rafah, et l’exode continue. Voir l’article du quotidien La Croix du 10 mai 2024, “Guerre Israël-Hamas : vote symbolique à l’ONU, les Palestiniens fuient Rafah… Le bilan du 217e jour“.
Un nombre croisant d’entre elles cherchent refuge en Egypte. On comprend que des familles entières, affamées, décimées et pourchassées par les bombardements, n’aient qu’un désir, quitter Gaza et tenter de refaire leur vie ailleurs. Malgré le double blocus israélien et égyptien du territoire de Gaza, il y a donc des moyens de le quitter, même en l’absence d’une double nationalité. L’article de Cécile Lemoine, mis en ligne le 2 mai 2024, documente le fait que l’on peut acheter des “tickets” de passage de Gaza en Egypte. Nous citons.
“Une jeune fille qui a perdu son père et sa sœur lors du bombardement de sa maison de Rafah, le 9 octobre dernier, et qui cherche à évacuer le reste de sa famille : ‘C’est 5 000 dollars par adulte, et 3 500 dollars par enfant’, détaille Raimaa. Des montants fixés par l’agence égyptienne Hala, qui coordonne les passages depuis 2019 avec les autorités israéliennes et égyptiennes. Avant la guerre, il fallait compter environ 300 dollars pour traverser la frontière.”
Les habitants de Gaza sont depuis longtemps à bout de leurs ressources financières. Il reste encore des liaisons par internet. Et se multiplient les appels à la générosité internationale sur le Net, pour un financement participatif du passage de telle et telle famille. Les plateformes, situées pour la plupart aux Etats-Unis, sont méfiantes : ces fonds ne serviraient-ils pas à financer le terrorisme ? Il arrive que l’un d’entre eux soit brutalement fermé et l’argent renvoyé aux donateurs. Les demandeurs de Gaza ont fait tous leurs efforts en vain.
Cependant, les argumentaires se perfectionnent, au point que les rédiger devient un travail à temps plein. Et c’est ainsi qu’un nombre important d’habitants de Gaza se retrouvent au Caire en toute légalité, au prix fort, et pour le plus grand profit des autorités israéliennes et égyptiennes, mais grâce à une forme inédite de solidarité internationale.
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La génisse rouge à sacrifier sur le Mont du Temple
“Du 7 octobre à la vache rousse et vice-versa“
Dans un article daté du 12 avril 2024 et signé de la rédaction, Terre Sainte Magazine commente une pétition signée par divers responsables religieux chrétiens de Jérusalem, dont Mgr Michel Sabbah, Patriarche émérite. Elle met en garde, à la veille de la célébration de Pessah, la Pâques juive, contre les menées de sionistes chrétiens entendant procéder aux cérémonies préparatoires à la reconstruction du Temple. Selon le livre des Nombres, ch. 11, elles incluraient le sacrifice d’une génisse remplissant des conditions draconiennes. Or des éleveurs chrétiens américains en auraient exporté cinq vers Israël, dans le but de procéder à la consécration du Troisième Temple, dont le Saint des Saints est réputé se situer à l’emplacement de la mosquée Al Aqsa, ce qui implique la destruction de cette mosquée. Le Hamas a avancé, comme raison de son attaque du 7 octobre 2023, la volonté d’empêcher la destruction de la mosquée en vue de la reconstruction du Temple juif.
C’est donc un rassemblement des Eglises chrétiennes de Terre sainte qui se mobilise contre les menées d’autres chrétiens, les sionistes chrétiens des Etats-Unis, pour lesquels la purification ethnique de la Terre d’Israël de tous ses habitants non-juifs est une des conditions du retour du Messie, une autre étant la reconstruction du Temple à la place du Dôme du Rocher. Dans la tradition musulmane ce sanctuaire est saint, parce que le Prophète a été transporté sur le Mont du Temple avant de s’élever vers le Ciel. Or le poids électoral des sionistes chrétiens américains est important.
Il se trouve que le ministre actuel de la sécurité intérieure d’Israël, Itamar Ben Gvir, est lui-même partisan de la reconstruction du Temple, au prix de la destruction de la mosquée. Ce ministre entend également revoir les règles d’accès à l’esplanade des sanctuaires et en particulier y permettre la prière juive. Au risque que des extrémistes s’en prennent aux lieux saints musulmans.
Cette année encore, les extrémistes sionistes, chrétiens comme juifs, ne sont pas passés à l’action. Mais l’accès des musulmans à l’Esplanade des mosquée est resté interdit pendant tout le Ramadan, qui était célébré cette année juste avant la Pâque juive. Le caractère surréaliste de cette reprise d’une histoire très ancienne, avec un sacrifice sanglant archaïque et des rituels aux interprétations modelées par les siècles, ne doit pas faire illusion : la génisse rousse est l’une des étincelles possibles, qui est susceptible d’étendre encore le brasier de la Terre sainte.
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Signalons encore le n°691 de Terre Sainte Magazine sur papier et son dossier : Comment le peuple Palestinien s’est-il inventé ? Car s’il est un fait “qu’il n’y a jamais eu d’Etat palestinien”, quel est le lien des habitants de Palestine avec cette terre ? “Terre Sainte Magazine a cherché à comprendre ce qui fait que les Palestiniens ne sont interchangeables avec aucun de leurs voisins”.
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