Syrie : près de 300 civils tués à la Ghouta dans des raids dévastateurs du régime – Le Figaro

Syrie : près de 300 civils tués à la Ghouta dans des raids dévastateurs du régime
Par  Valérie Samson
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VIDÉO – Près de 1400 personnes ont également été blessées, au cours des quatre derniers jours dans le fief rebelle de la Ghouta orientale, près de Damas. Les ONG dénoncent une situation humanitaire «hors de contrôle» alors que plusieurs hôpitaux bombardés sont hors service.

Près de 300 civils, dont de nombreux enfants, ont été tués depuis dimanche par de violents bombardements du régime syrien sur le fief rebelle de la Ghouta près de Damas, malgré les appels de l’ONU à mettre fin à cette «souffrance insensée». Le bilan de cette sanglante campagne, prélude à une attaque terrestre contre le dernier fief des opposants au président Bachar el-Assad près de la capitale, est de 17 morts dimanche, 127 morts lundi, 106 morts ce mardi et au moins 24 morts ce mercredi, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Selon l’organisation, il s’agit du plus lourd bilan humain sur une période de 48 heures depuis l’attaque chimique de 2013, qui avait fait des centaines de morts dans la population. L’opération a également fait plus de 1400 blessés.

«La situation en Syrie se dégrade considérablement» et «s’il n’y a pas d’élément nouveau, nous allons vers un cataclysme humanitaire», a déclaré mardi le chef de la diplomatie française, Jean-Yves le Drian. S’adressant au Parlement, il a ajouté: «Il y a une urgence absolue sur ce sujet (…) C’est la raison pour laquelle, à la demande du président de la République, je me rendrai dans les jours qui viennent à Moscou et à Téhéran», soutiens du régime du président Bachar el-Assad. «À mon sens, le pire est devant nous», a poursuivi le ministre des Affaires étrangères. «Cela est dû au fait que le processus politique est bloqué (…) Tous les éléments sont réunis pour une aggravation de la situation». De son côté, Washington s’est dit «extrêmement préoccupé» par les bombardements du régime.

L’armée de l’air russe, soutien du régime syrien, a bombardé mardi l‘enclave rebelle pour la première fois depuis trois mois, touchant notamment un des principaux hôpitaux de la région, à Arbine, désormais hors service. Six autres hôpitaux ont été visés au cours des dernières 48 heures, selon l’ONU. «Lundi, cinq hôpitaux: l’hôpital Al-Marj, l’hôpital Saqba, la Maternité de Saqba et l’hôpital Al-Hayat ainsi qu’un autre hôpital à Douma, ont été la cible d’attaques, rendant trois des cinq hôpitaux hors service et deux fonctionnent partiellement», a déclaré le coordinateur de l’ONU pour l’aide humanitaire en Syrie, Panos Moumtzis, dans un communiqué. «Mardi, un sixième hôpital aurait été touché dans la localité de Zamalka», a-t-il ajouté.

Le Comité international de la Croix Rouge (CICR) a réclamé mercredi l’accès à la Ghouta orientale. «Les violences risquent vraisemblablement de causer davantage de souffrances dans les jours et les semaines à venir, et nos équipes doivent être autorisées à se rendre dans la Ghouta orientale pour porter secours aux blessés», a souligné Marianne Gasser, représentante du CICR en Syrie. L’Unicef a, de son côté, manifesté sa colère, mardi, par un communiqué consistant en une seule phrase, suivie d’une page blanche: «Aucun mot ne rendra justice aux enfants tués, à leurs mères, leurs pères, et à ceux qui leur sont chers.» En pied de page, cette annotation: «L’UNICEF publie cette déclaration en blanc. Nous n’avons plus les mots pour décrire la souffance des enfants et notre indignation.»

L’opposition syrienne en exil a, elle, dénoncé «une guerre d’extermination» et le «silence international» face aux «crimes» du pouvoir Assad dans la guerre qui ravage la Syrie depuis près de sept ans. «La situation humanitaire des civils dans la Ghouta orientale est totalement hors de contrôle», a expliqué dans un communiqué, diffusé lundi à Beyrouth, Panos Moumtzis. «Il est impératif de mettre fin immédiatement à cette souffrance humaine insensée» et les bombardements de «civils innocents et d’infrastructures doivent cesser immédiatement», ajoute-t-il.

Des frappes en «prélude à une intervention terrestre d’envergure»

Mais, mercredi, les avions du régime ont continué à larguer des bombes et barils d’explosifs sur ce fief rebelle faisant au moins 24 morts, dont trois enfants, et plus de 200 blessés. Les raids ont ciblé plusieurs localités, principalement Hammouriyé et Kfar Batna. Outre des bombes, les avions ont largué des barils d’explosifs, une arme qui tue de manière aveugle et dont l’utilisation est dénoncée par l’ONU et des ONG, a poursuivi l’Observatoire.

Selon un correspondant de l’AFP à Hammouriyé, de nombreux immeubles résidentiels ont été détruits dans les frappes et presque personne ne s’aventurait à l’extérieur. A l’exception des secouristes qui recherchent des survivants dans les décombres. Mercredi, ils ont retiré cinq enfants vivants des ruines. À Hammouriyé également, les étages supérieurs de l’hôpital sont hors service et les blessés sont placés au sous-sol. En outre, des habitants creusent des ouvertures sous leurs maisons pour se protéger des bombes.

«Les gens perdent espoir. Il n’y a pas d’endroit où aller, pas d’abri, pas de sécurité»

Hanaa, travailleuse humanitaire

«La situation dans la Ghouta orientale est plus critique que jamais. En dépit de la résilience dont ils font preuve depuis des années, les gens perdent espoir. Contrairement aux précédentes frappes aériennes, les destructions affectent cette fois tous les quartiers. Il n’y a pas d’endroit où aller, pas d’abri, pas de sécurité», détaille Hanaa, qui travaille dans une association soutenue par CARE dans la Ghouta orientale. Selon le directeur de CARE pour la Syrie, Wouter Schaap, «si un cessez-le-feu n’est pas conclu rapidement, nous allons faire face à une catastrophe humanitaire».

La Ghouta orientale, autour de laquelle l’armée a récemment renforcé ses positions, est le théâtre depuis début février d’un déluge de feu de la part du régime, qui a fait jusque-là environ 450 morts parmi les civils et des centaines de blessés. Le régime semble plus que jamais déterminé à reconquérir ce secteur d’une centaine de kilomètres carrés, qui fut le verger de la capitale mais est aujourd’hui en proie à une grave crise humanitaire. Assiégés depuis 2013 par les forces du régime, les quelque 400.000 habitants de la Ghouta orientale subissent des pénuries de nourriture et de médicaments qui ont entraîné des centaines de cas de malnutrition, notamment chez les enfants. Aucune aide ne peut rentrer dans la zone sans le feu vert des autorités de Damas.

La Ghouta orientale est contrôlée par deux groupes rebelles islamistes, Jaich al-Islam (10.000 combattants) et Faylaq al-Rahmane (9000), qui, selon les observateurs, jouissent d’une certaine popularité.