Sur le blog de Luc Balbont : Proche-Orient, ces créateurs de paix dont on parle peu.

Luc Balbont, administrateur de Chrétiens de la Méditerranée, a écrit cet article en novtembre 2024. Il parle de “Créateurs de paix” alors que la guerre fait rage malgré les trêves. Plus de 20 personnes ont encore été tuées et 124  blessées par l’armée israélienne ces derniers jours alors qu’elles tentaient de rentrer dnns leurs demeures du Sud du pays.

Alors que le Proche-Orient en guerre compte ses morts au Liban, à Gaza et en Syrie avec la chute récente du clan Assad, des jeunes continuent d’affronter et de travailler, créant dans l’anonymat et la discrétion des espaces de paix et de vivre ensemble.

C’est une histoire étonnante que celle de Jean Ibrahim, né à Jbeil, au Liban il y a 28 ans. Il a été élève du collège des Frères maristes, et étudiant en économie de l’Université jésuite Saint Joseph de Beyrouth.

Dubaï, une ville artificielle

Trilingue, parlant couramment l’arabe, le français et l’anglais, Jean est rapidement recruté en tant que consultant en 2021 par une société européenne basée aux Emirats Arabes Unis, avec un salaire mensuel considérable… Mais il n’est pas heureux à Dubaï, “une ville artificielle, basée sur un modèle économique à sens unique”, dit-il, ajoutant : “On se sentait également constamment surveillé, observé en permanence.” Le garçon ne supporte plus sa vie dans ce qu’il qualifie “de ghetto doré.” Au bout d’une année, il démissionne et revient au Liban, où il développe une ferme d’élevage, et crée un commerce de produits laitiers.

Il revient au Liban

Grand lecteur, poète, Jean qui écrit des fictions pour une chaîne de télévision libanaise est aussi un passionné de football. Il rêve de créer un club multi-ethnique, ouvert à toutes les religions ; un club où se retrouveraient côte à côte, sous le même maillot, des chrétiens, des musulmans, des druzes ; mais aussi des Libanais, des Syriens, des Irakiens, des Égyptiens, des Européens (Ukrainiens notamment), et des Africains, nombreux au Pays du Cèdre : le premier club libanais non communautaire, avec des valeurs citoyennes, contrairement aux équipes actuelles, quasi  exclusivement formées par des joueurs, des dirigeants et des supporters d’une même communauté. “En créant le Byblos (*) F.C, je voulais casser tout cela. Pour moi, le football est un moteur de vivre ensemble. Hélas, les partis politiques considèrent que les clubs leur appartiennent. Ils les transforment généralement en vitrine de propagande.”

Avec son ami Mounir Abi Assi, un agent immobilier, actuel président du Byblos FC, ils se mettent en tête de racheter un club. Leur choix s’arrête sur une formation, qui évoluait en quatrième division (le football libanais en compte 5). Des tractations difficiles. “Il a fallu vaincre bien des réticences, se souvient Jean. C’était la première fois que des personnes de Jbeil se mettaient en tête de racheter un club. On nous rétorquait que nous étions armés pour devenir médecins ou ingénieurs, mais incapables de manager un club de football.”

 Finalement la direction du club leur est cédée à un prix quatre fois plus cher que le prix habituel. C’est un nouveau début avec de nouveaux joueurs ; un nouveau nom, une nouvelle ville et de nouveaux supporters.

Refus d’être récupéré politiquement

Aujourd’hui, l’équipe première compte une trentaine de joueurs. C’est une équipe multiconfessionnelle et multi ethnique. “Des partis politiques nous ont fait des offres de financement. Nous avons refusé, confie Jean. Nous nous contentons pour le moment des participations financières de nos adhérents.”

Outre une équipe première ambitieuse, les dirigeants du Byblos F.C, misent sur la formation. Le club compte ainsi dix équipes de jeunes et deux équipes féminines. Plein d’ambition, Jean et Mounir travaillent activement sur des projets pour structurer le club, et le conduire vers le haut niveau. Récemment, le Byblos F.C a effectué une tournée en Serbie, où les joueurs ont découvert le football européen. Un voyage où les jeunes du club ont pris conscience que ce sport ne se résumait pas seulement à onze garçons qui courraient derrière un ballon, mais qu’il faisait partie intégrante de la culture et de l’histoire d’un pays.

LUC BALBONT

(*) NdlR. Jbeil est le nom actuel de l’antique cité de Byblos.

Lien vers l’original sur le site de l’Œuvre d’Orient.

Texte et images Luc Balbont

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