Le 15 et le 16 janvier 2011, le Pôle Europe de la jetait l’ancre dans le port de Marseille. Commencé à l’Institut Catholique de la Méditerranée (ICM), ce week-end « Mosaïques » a mêlé réflexion, rencontres et prière.
C’est sous le soleil de Marseille que nous avons poursuivi notre marche commune : dans les chemins escarpés de la Calanque de Sugiton, dans les rues sinueuses du quartier du Panier, dans les méandres de la question des migrations. Cette question nous l’avions déjà abordée à plusieurs reprises. Le cadre de « Mosaïques », programme de l’Institut Catholique de la Méditerranée (ICM) en témoignait. Et notre réflexion marseillaise ne pouvait que se faire l’écho d’événements précédents : d’ailleurs, avec Martin, séminariste marseillais, c’est par un retour sur les Semaines Sociales de France que nous commençons. Mais très vite nous partons en Roumanie avec Bénédicte et Eva à la découverte de la culture Rom, et avec Aleth et Hicham, nous traversons la Méditerranée, non sans égratignure d’ailleurs : Gibraltar est un cimetière, Ceuta et Melilla, un mur meurtrier, la frontière d’Oujda un no man’s land. Entre étonnement, indignation et espérance, comment réagir en tant que chrétien face à de telles situations ? « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli » nous transmet Matthieu. Ces paroles du Christ sont autant de balises à vivre et écouter. À Marseille, l’Escale-Marseille-Étudiants (EME) les incarne autant que possible : Sénégalais, Algériens, Croates… l’EME se veut cette escale de fraternité pour des jeunes migrants en quête de savoir et d’avenir. À la rue du Terras, le Secours Catholique, sous l’impulsion d’Étienne et de Inchat-Nadjmat, accueille des familles vaincues par des conflits qui nous dépassent : Irakiens, Kosovars, trouvent un temps de réconfort et de convivialité en plein cœur du quartier des Carmes.
Ainsi c’est sous le soleil de Marseille que nous avons tissé des liens toujours plus loin, au-delà de l’Europe, par-delà de la Méditerranée, jusqu’à Dakar, Bagdad et Addis Abeba. Marseille, c’est ce port qui accueille des populations diverses et variées depuis que les premiers Phocéens venus de l’actuelle Turquie jetèrent l’ancre sur la rive nord du Lacydon en 599 avant J.-C. Marseille, c’est cette histoire de métissage, cette mosaïque de cultures, cette hypothèse du vivre ensemble : entre Europe et Méditerranée, ou plutôt « en Europe et sur la Méditerranée », Marseille incarne ce message d’une convivialité possible et désirable, non sans difficultés cependant. Le quartier du Panier porte ainsi les traces d’une histoire difficile et douloureuse. Claire Reggio nous a conté cette histoire ravageuse : la transformation compliquée de la rue de la République, la rafle de 1943 et la destruction de la rive nord du Vieux-Port qui s’ensuivit, le passé peu glorieux d’une Vieille Charité pourtant unique au monde. Les Frères Franciscains nous ont parlé de l’insécurité et de l’insalubrité du quartier de Noailles, quartier central et cosmopolite de Marseille où se croisent des trafics en tout genre et des itinéraires d’avenir. Mgr Pontier nous a exposé les défis d’une Église catholique au service de tous mais tentée par le rejet de l’autre, l’autre musulman en particulier. Il n’a pas hésité cependant à nous parlé de Marseille-Espérance, de l’Institut de Sciences et de Théologie des Religions (ISTR), de la Fraternité Bernadette, du Rocher, de toutes ces initiatives qui nous permettent de croire en un dialogue fécond et un vivre ensemble possible.
C’est enfin sous le soleil de Marseille, du haut de Notre-Dame de la Garde, que nous avons entendu ce cri méditerranéen : « Liberté ! » Liberté pour la Tunisie, Liberté pour les Tunisiens, Liberté pour tous les êtres humains ! Cette liberté se diffuse enfin en Méditerranée grâce à l’action d’une mosaïque d’acteurs : associations culturelles comme l’ADCEI, dont est venue nous parler Giulia Profeta, institutions comme la Fondation euroméditerranéenne Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures ou la Commission européenne dont M. Wallon nous a parlé. Cette liberté emprunte aussi des ponts culturels construits à l’échelle humaine de la rencontre quotidienne dans des cités plurielles à l’image de Marseille. La pluralité caractérisait notre groupe, enrichi de ses éléments marseillais, au fil de notre cheminement commun, au bord de l’eau. Et ce bleu de la Méditerranée comme l’amour mythique entre Protys et Gyptis nous a ramenés aux sources d’une Grèce rêvée, aux confins historiques de la Méditerranée : aux sources de la démocratie. La démocratie, c’est justement le thème de notre prochaine rencontre, au cœur de l’Union européenne, à Bruxelles. Rémi Caucanas