Regard sur le monde – Le jour se lèvera-t-il cette année ? / Mgr Georges Pontier

 

Le jour se lèvera-t-il cette année ?

 

le Regard sur le monde de Mgr Georges Pontier

Archevêque de Marseille

 

Un rabbin demande à ses étudiants :

  • Comment sait-on que la nuit est achevée et que le jour se lève ? 
  • Au fait qu’on peut reconnaître un mouton d’un chien, dit un étudiant.
  • Non, ce n’est pas la bonne réponse, dit le rabbin.
  • Au fait, dit un autre, qu’on peut reconnaître un figuier d’un olivier.
  • Non, dit le rabbin. Ce n’est pas la bonne réponse.
  • Alors, comment le sait-on ?
  • Quand nous regardons un visage inconnu, un étranger te que nous voyons qu’il est notre frère, à ce moment-là le jour s’est levé.

 

Le jour se lèvera-t-il en cette année 2017, alors que dans notre pays le débat sur l’accueil des réfugiés est utilisé, brandi pour entretenir les peurs ? Alors que dans le monde, il y a tant de pays où la situation est terrible pour un grand nombre de femmes, d’enfants, de personnes âgées. Alors que des enfants sont utilisés comme combattants, quand ce n’est pas comme objets de plaisir ou comme proies faciles pour divers trafics.

La journée mondiale du migrant et du réfugié, le 15 janvier, a eu pour thème : « Mineurs migrants, vulnérables et sans voix ». C’est la photo du petit Aylan, échoué sur les rives méditerranéennes, qui a éclairé et réveillé la conscience obscurcie de beaucoup d’Européens. Et notre foi chrétienne nous rapporte les paroles de Jésus : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille » (Marc 9,37). Le chemin vers Dieu passe concrètement par l’accueil du petit, du vulnérable.

Notre pays vit une année électorale importante et incertaine. Sa devise comprend le mot « fraternité ». Celle-ci exige de la choisir, puis de la vouloir et enfin de la vivre. Nous pressentons que c’est ce chemin qui reconstruira la confiance entre Français aux situations et aux visages divers. Nos regards demeurent brouillés et obscurcis tant qu’ils ne distinguent pas le compatriote, le concitoyen, le frère en humanité.

Le jour s’est levé dans bien des cœurs. Des gestes de solidarité se multiplient. On comprend que l’autre n’arrive pas qu’avec son drame. Il est là aussi avec ses richesses, ses qualités, ses formations qui vont devenir nôtres. L’horizon peut s’élargir en nos cœurs et dans notre pays. Le jour se lève quand on distingue ce qui nous unit et nous rend proches et frères, et non pas quand on ne perçoit que ce qui est lointain et menaçant.

 

Georges Pontier

  • Eglise à Marseille, Editorial, Janvier 2017