Refoulement “généralisé” des migrants aux frontières européennes.

Le Conseil de l’Europe publie un rapport qui dénonce les refoulements de migrants aux frontières européennes, devenus systématiques. Au moment où l’Europe de l’Est est bouleversée par la guerre qui sévit en Ukraine et pousse vers l’exil plusieurs millions de ses habitants, on a tendance à oublier la manière dont les migrants et réfugiés sont traités en Europe lorsqu’ils viennent d’autres pays.

“Un autre sujet figure parmi mes priorités depuis le début de mon mandat : la protection des droits humains des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants. Dans nombre de pays, ils sont détenus dans des conditions inhumaines, restent bloqués aux frontières des États membres, se voient refuser l’accès aux procédures d’asile et sont refoulés. Cette situation est le résultat d’une approche qui privilégie la dissuasion et la répression, au détriment de la dignité et des droits humains, alors que la disponibilité des voies sûres et légales reste très limitée. Elle est aussi imputable au manque de solidarité entre États membres et à la mauvaise foi dont font preuve certains États membres dans la mise en œuvre de leurs obligations en matière de droits humains. En soutenant activement, ou en tolérant silencieusement, des pratiques incompatibles avec les droits humains, les États membres répandent l’idée selon laquelle la nécessité de contrôler les migrations justifierait de commettre des violations. Les violations des droits humains concernant les réfugiés, les demandeurs d’asile et les migrants vont continuer si les Etats membres ne reconsidèrent pas leurs politiques migratoires tant de façon individuelle que collective.”

  • Le site InfoMigrants, site d’information destiné à lutter contre la désinformation dont sont victimes les migrants, créé en collaboration par France Média Monde, Deutsche Welle et l’Agence de presse italienne Ansa, précise les points suivants :

(…) Dans certains pays, “l’usage de la violence” envers les exilés est “grave et systématique”. [Le rapport] fustige également la tendance de certains États à vouloir adopter des lois légalisant les mesures de refoulement, comme c’est notamment le cas en Hongrie, ou même en France.

“La situation actuelle montre que les graves violations des droits humains, devenues un élément essentiel des méthodes de contrôle aux frontières des États membres, sont cruelles, contradictoires et contreproductives”. (…) La Commissaire du Conseil de l’Europe pour les droits de l’Homme (…) n’a pas manqué de pointer du doigt le double standard avec l’accueil “chaleureux” réservé aux Ukrainiens fuyant la guerre : les pays européens qui leur ont ouvert les bras sont les mêmes qui repoussent hors de leurs frontières les migrants d’autres nationalités.

Dunja Mijatovic regrette qu’en agissant ainsi, les dirigeants créent “de faux clivages” entre les différents groupes. “Les droits humains existent pour nous protéger tous de la même manière, peu importe notre origine”, a-t-elle insisté.

Le Conseil de l’Europe, vigie des droits humains sur le continent, demande donc aux États membres de mettre fin à ces refoulements et de “respecter leurs obligations légales” vis-à-vis des personnes en demande de protection en ne les renvoyant pas de l’autre côté de la frontière “sans une procédure individualisée”, ni sans “droit à un recours effectif”.

Il exige aussi que les États mettent en place “des règles de conduite” et des “procédures standardisées claires et obligatoires” pour les autorités en charge du contrôle aux frontières afin de traiter les migrants “de manière conforme aux droits humains”.

Voir ici l’article en totalité.

  • Frontex. La récente démission du directeur de l’agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes Frontex est liée à cette situation. L’agence est soupçonnée de couvrir des opérations illégales de refoulement de migrants aux frontières. Voir l’article de Marie Verdier dans le quotidien La Croix du 1er mai 2022, “Le directeur de Frontex emporté dans la vague des refoulements illégaux de migrants

 

  • L’ONU a aussi mis en garde le lundi 21 février 2022 contre la “normalisation” du refoulement illégal de réfugiés aux frontières de l’Europe et dénoncé les violences et violations des droits humains qui font des morts.

“Ce qui se produit aux frontières de l’Europe est inacceptable légalement et moralement et doit cesser”, écrit le haut-commissaire de l’ONU aux Réfugiés, Filippo Grandi, à l’adresse des autorités, ajoutant “craindre que ces pratiques déplorables ne se normalisent et ne deviennent la règle”. Voir l’information diffusée par France Info avec l’AFP.

  • SOS Méditerranée, association avec laquelle nous entretenons des relations régulières, a de son côté fait la déclaration suivante le 4 mai 2022 : “Retenir sur un navire de sauvetage des rescapé.e.s ayant frôlé la mort en mer est indigne.”

Luisa Albera, coordinatrice des opérations de recherche et de sauvetage à bord de l’Ocean Viking, le navire affrété par SOS Méditerranée, déclare : “Après jusqu’à dix jours en mer dans des conditions météorologiques difficiles, les 294 femmes, enfants et hommes encore à bord, secourus en Méditerranée centrale par l’Ocean Viking au cours de quatre opérations difficiles, sont épuisé.e.s. (…)

Lundi dernier, une forte houle a provoqué le mal de mer chez plus des trois-quarts des rescapé.e.s. La plupart ont eu besoin de médicaments pour atténuer leur épuisement. Cette épreuve a encore plus contribué à détériorer l’état de santé physique et mentale d’une population déjà vulnérable… Dans l’après-midi, un des patients a dû être référé d’urgence aux autorités italiennes pour une évacuation sanitaire.

Après douze demandes de lieu sûr de débarquement, nous sommes toujours sans solution. Nous constatons que ce retard injustifié exacerbe de jour en jour la souffrance et la détresse psychologique de personnes qui ont déjà traversé des événements extrêmement traumatisants.

Des femmes et des enfants, dont le plus jeune n’a qu’un an, figurent parmi les rescapé.e.s. Il y a 127 mineurs à bord qui voyagent seuls parmi les 294 rescapé.e.s, ils ont dû faire face à des épreuves qu’aucun enfant ne devrait jamais avoir à subir.

Plusieurs des personnes secourues par l’équipe de SOS MEDITERRANEE le 25 avril [2022] nous ont raconté le récit déchirant de la perte de douze de leurs compagnons, qui sont tombés à l’eau et se sont noyés en tentant la traversée de nuit. Un jeune homme, que nous appellerons Inoussa pour protéger son identité, a raconté à nos équipes qu’il a perdu un ami dans ce tragique événement. Ce dernier rassurait tous ceux qui se trouvaient à bord de l’embarcation surpeuplée pendant leur voyage nocturne en mer, leur conseillant de “rester calme ”  et “d’éviter la panique”. (…)

Les équipes de SOS MEDITERRANEE et de la Fédération Internationale de la Croix Rouge et du Croissant Rouge (FICR) fournissent une assistance médicale et psychologique aux survivant.e.s 24 heures sur 24. Cependant, un navire n’est pas le lieu approprié pour prendre en charge de manière prolongée des personnes extrêmement vulnérables et traumatisées. De nombreux rescapé.e.s ont décrit avoir été soumis à des violences et des abus extrêmes en Libye et lors de leur parcours migratoire, en plus de leurs souffrances en mer. (…)  Tous les rescapé.e.s à bord ressentent le besoin urgent de débarquer. (…)

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Nous demandons expressément aux autorités compétentes de mettre fin à cette impasse et de s’acquitter de leur obligation légale de désigner un lieu sûr sans plus tarder.

Le droit maritime, tel que stipulé dans le règlement SOLAS, impose “aux gouvernements l’obligation de coordonner [les sauvetages] et de coopérer afin que les capitaines de navires qui prêtent assistance en embarquant des personnes en détresse en mer soient libérés de leurs obligations” et de veiller à ce que “dans tous les cas, un lieu sûr soit fourni dans un délai raisonnable.” Les survivant.e.s ont attendu en mer pendant plus d’une semaine après leur sauvetage, cela ne peut être considéré comme raisonnable. Une fois de plus, les États européens ne parviennent pas à garantir un mécanisme régulier et coordonné de débarquement pour aider les personnes en détresse en mer.

Luisa Albera, coordinatrice de recherche et de sauvetage de SOS Méditerranée

Voir ici la totalité de sa déclaration

SOS MEDITERRANEE est une organisation maritime et humanitaire européenne qui opère en réponse aux décès répétés en Méditerranée et à l’incapacité de l’Union européenne à prévenir ces décès. Fondée par des citoyennes et des citoyens en mai 2015, l’équipe de SOS MEDITERRANEE a secouru 35 333 personnes depuis le début de ses opérations en mer.

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Image Flavio Gasperini-SOS Méditerranée

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