Printemps arabe : Six mois après

Présentation d’un projet de réformes, au Maroc. Des assises inédites de la société civile, en Algérie. Ben Ali bientôt jugé en Tunisie… Six mois après, le point sur le Printemps arabe. Rédaction de Témoignage Chrétien

Maroc

Vendredi 17 juin, Mohammed VI a présenté son projet de réformes aux marocains. Les derniers face-à-face entre les manifestants et la police ont eu lieu fin mai. Le 29, des dizaines de personnes ont été blessées à Casablanca, après que la police marocaine ait dispersé à coups de matraque plusieurs centaines de jeunes du « Mouvement du 20 février ». Ceux-ci souhaitaient manifester pour réclamer des réformes politiques et constitutionnelles, ainsi qu’une limitation des pouvoirs du roi Mohammed VI.

Ce jour-là, à Tanger, au nord du Maroc, la police a également dispersé plusieurs dizaines de manifestants du « Mouvement du 20 février » dans un quartier populaire. Les autorités considèrent ces manifestations comme non autorisées.

Le 9 mars, le roi avait annoncé d’importantes réformes constitutionnelles prévoyant notamment le principe de séparation des pouvoirs et un renforcement des pouvoirs du Premier ministre. Mais ces annonces avaient été jugées insuffisantes par les manifestants.

Syrie

La violente répression se poursuit en Syrie où des manifestations hostiles au président Bachar Al Assad ont lieu quotidiennement. Le bilan des victimes s’élèverait à 1 300 morts et 10 000 personnes auraient été arrêtées depuis les premières manifestations, le 15 mars dernier à Damas. La population demandait alors « une Syrie sans tyrannie, sans loi d’urgence ni tribunaux d’exception ».

Faisant état d’exécutions sommaires, d’arrestations massives et «arbitraires» et d’un usage «excessif» de la force et de la torture, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (CDH) a dénoncé, mercredi 15 juin, la répression impitoyable de la révolte populaire pour la démocratie en Syrie. Les militants des Droits de l’homme s’alarment aussi des mouvements de population.

Les pays voisins de la Syrie sont de plus en plus solicités par les réfugiés : plus de 8 500 Syriens dont une majorité de femmes et de enfants ont cherché à gagner la Turquie, qui a installé quatre camps à la frontière. Et 10 000 autres fugitifs sont rassemblés du côté syrien de la frontière, espérant être autorisés à se rendre en Turquie.

L’émissaire du président Bachar al Assad en Turquie, Hassan Tourkmani, rencontre, depuis le début de la semaine, des membres du gouvernement turc. Après une entrevue avec le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, mercredi 15 juin, il devait voir aujourd’hui, le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu. Ce dernier devait, selon les médias turcs, lui demander l’arrêt de la répression.

Yémen

Hospitalisé en Arabie saoudite après une attaque le 3 juin contre son palais à Sanaa, le président yéménite Saleh a fait savoir, mardi 14 juin, qu’il se portait bien.

Son absence a ouvert la perspective d’une possible relance de l’accord de transition, élaboré par les monarchies du Golfe et dont la mise en oeuvre a été bloquée fin mai par le refus de signer du chef de l’Etat. Cet accord, élaboré par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) avec l’aide des Etats-Unis et de l’Union européenne, prévoirait la formation d’un gouvernement de réconciliation par l’opposition et la démission, un mois plus tard, de M. Saleh. En échange, celui-ci bénéficierai d’une immunité pour lui-même et ses proches. Une élection présidentielle aurait lieu dans les 60 jours suivant.

Mais, mardi 14 juin, les « Jeunes de la Révolution », opposés à cette immunité, ont répété que le président Saleh et les dignitaires du régime devraient être jugés. Ils ont aussi appelé les monarchies du Golfe à soutenir la formation d’un Conseil intérimaire pour assurer une transition pacifique du pouvoir dans le pays.

Sous pression, le vice-président Mansour Hadi avait rencontré, la veille, des représentants de l’opposition parlementaire et les deux parties ont convenu de calmer la situation en attendant de relancer le processus politique.

Jordanie

Le roi Abdallah II a discuté mardi 14 juin avec des Jordaniens âgés de 20 à 30 ans et originaires des 12 provinces du pays, dont Tafila, où des jeunes en colère avaient lancé, la veille, des pierres et des bouteilles sur des policiers antiémeute.

En acceptant l’idée de former les futurs gouvernements avec des parlementaires élus, le roi acquiesce à l’une des principales demandes des manifestants mobilisés depuis six mois. Il a ensuite ajouté qu’il faudrait deux ou trois ans pour qu’un gouvernement élu puisse remplacer celui nommé par la monarchie. Le temps que de nouveaux partis politiques soient matures et suffisamment établis pour remporter des élections législatives et mettre en oeuvre leur programme.

Un échéancier vague et long qui ne satisfait pas les manifestants, dont les Frères musulmans, le principal parti d’opposition, qui réclament une libéralisation rapide du régime politique de leur pays.

De son côté, le gouvernement a affirmé qu’il était en train de rédiger des lois pour procéder à des réformes politiques, lois qui devraient être promulguées cette année.

Algérie

Des Assises inédites de la société civile algérienne, destinées à relancer les activités des organisations sociales et syndicales, se sont ouvertes pour trois jours, mardi 14 juin, à Alger. Voulues par le président Abdelaziz Bouteflika, elles réunissent plus d’un millier de délégués de divers horizons.

« L’objectif de ces premiers Etats généraux de la société civile est de restituer la parole aux associations et aux syndicats, reconnus, formels ou non formels, et leur donner un espace de discussions, un espace de libération de la parole », a expliqué un responsable du Conseil national économique et social (CNES), organisateur de l’événement.

Accusant le CNES d’être un porte-voix du pouvoir, plusieurs organisations de la société civile, dont la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH), ont refusé d’y participer et dénoncent un moyen pour le pouvoir de gagner du temps et « d’absorber la contestation pour contourner l’exigence de changement exprimée par la société ». Egypte

Le peuple égyptien continue de manifester régulièrement depuis la chute de Moubarak, le 11 février. Le 27 mai, ils étaient des dizaines de milliers  rassemblées place Tahrir, au Caire, pour protester contre la lenteur de la transition démocratique et des réformes.

Le Conseil suprême des forces armées, avec le maréchal Tantaoui à sa tête, est censé réformer le pays et assurer des élections démocratiques. Des élections législatives sont prévues en septembre prochain pour remplacer le Parlement actuellement dissout.

Les Égyptiens attendent aussi avec impatience le procès de l’ancien chef d’État, fixé au 3 août. Accusé de corruption et d’avoir mené une répression sanguinaire contre les manifestants, Moubarak se remet pour l’instant d’une crise cardiaque datant du 12 avril. Sa femme, Suzanne, placée en détention provisoire le 13 mai, a été libérée quatre jours plus tard après avoir remis ses avoirs à l’État.

Tunisie

Le procès de l’ancien président tunisien Ben Ali et de sa femme, réfugiés en Arabie Saoudite, commencera le 20 juin. Ils sont notamment poursuivis pour complot contre la sécurité d’Etat, homicides volontaires, torture, abus de pouvoir, malversations, blanchiment d’argent, trafic de drogue, recel de pièces archéologiques. Ils seront jugés par coutumace, les autorités saoudiennes n’ayant pas répondu à la demande du gouvernement tunisien de lui remettre Ben Ali.

Les premières élections de l’après-Ben Ali, initialement prévues le 24 juillet, ont été reportées. L’élection de l’Assemblée constituante est finalement repoussée au 23 octobre. La commission électorale avait demandé le report du scrutin afin de pouvoir organiser des élections en toute transparence et assurer la crédibilité des résultats dans les urnes. Cette décision a été bien accueillie par l’ensemble des principaux partis politiques, comme le mouvement islamiste Ennahda, Al-Watan et le Parti démocratique progressiste (PDP).