Poids des réfugiés syriens. Dossier Liban 5.

L’accueil au Liban d’un nombre important de réfugiés syriens montre une solidarité qu’on a des raisons d’admirer. D’autant qu’elle est d’abord le fait de la “société civile”, des pauvres apportant leur aide à de plus pauvres. C’est la suite du dossier Liban rassemblé par Xavier Godard.

Il souligne pourtant la méfiance qui s’attache à la notion même de réfugiés, la guerre civile des années 70-80 étant liée en partie à la présence de réfugiés palestiniens. Et dans le désastre économique actuel apparaît une hostilité aux réfugiés syriens, qui pousse à les inciter au retour dans leur pays.

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Poids des réfugiés syriens

Les autorités libanaises estiment à 1,5 million le nombre de réfugiés syriens sur leur territoire (d’autres sources évoquent plutôt 1 million), ce qui est considérable par rapport à la population totale du pays, estimée autour de 4,5 millions de Libanais. Mais les statistiques précises n’existent pas et il n’y a pas de recensement au Liban, de peur de risquer de fracturer un équilibre démographique supposé entre communautés qui aurait évolué. En fait il faudrait dire déplacés, terme que les autorités préfèrent utiliser pour éviter l’idée d’un accueil qui pourrait devenir permanent. Il y a une image anxiogène liée à l’idée de camps de réfugiés, qui renvoie aux camps palestiniens et à la guerre civile de 1975. La présence de réfugiés palestiniens venant de Damas a d’ailleurs pu justifier cette anxiété.

Près de 90% de ces réfugiés vivraient dans l’extrême pauvreté : logements précaires dans des camps informels (les camps officiels avec des habitations en dur sont interdits), petits boulots aléatoires, aide alimentaire insuffisante… A ceci s’ajoutent de graves difficultés de scolarisation des enfants (46% des enfants ne seraient pas scolarisés), sur fond de crise de l’école publique libanaise.

Si la capacité d’accueil des Libanais a été louée à juste titre, on observe qu’elle est fortement portée par la société civile (solidarité entre pauvres en particulier) et des ONG (et aussi de l’aide internationale, notamment l’Union Européenne, qui paraît cependant “fatiguée” par le manque de réformes…) alors que le gouvernement avait une attitude plus prudente, ne serait-ce qu’en raison des liens de certaines composantes du pouvoir libanais (Hezbollah) avec le régime syrien de Bachar Al Assad. Certains dénoncent aussi le risque d’instrumentalisation politique de ces réfugiés, qui peuvent être appelés à s’inscrire dans des alliances communautaires, même s’il faut se garder d’idées simplistes.

Cette capacité d’accueil n’empêche donc pas les tensions qui sont de plus exacerbées par la crise économique. Les actes d’hostilité sont signalés en augmentation et les autorités libanaises accroissent la pression pour le retour dans leur pays des réfugiés syriens.

Sources :

https://www.lemonde.fr/international/article/2020/12/30/au-liban-la-misere-toujours-plus-noire-des-refugies-syriens_6064820_3210.html

https://www.visiondumonde.fr/actualites/refugies-syriens-au-liban-entre-hostilite-et-crise-economique

https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2013-4-page-67.htm

https://theconversation.com/les-refugies-syriens-grands-oublies-de-la-crise-libanaise-146617

Xavier Godard

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