La Palestine en danger. L’inquiétude du Secrétaire Général de l’ONU, Ziad Medoukh à Gaza, témoin du courage et de l’horreur.

Le progressif effacement de la Palestine fait partie des choses qui semblent aller de soi entre les grandes puissances. Au-delà de gesticulations et d’exhortations sans véritables effets, qui, parmi les dirigeants des grands États dont l’action pèse dans les relations internationales, a les moyens de s’opposer à “l’accord sur tout” qu’affirment partager le président omniprésent des États-Unis, Donald Trump, et le gouvernement de l’État d’Israël ? Son objet n’a jamais été affirmé aussi clairement, c’est la disparition du peuple palestinien. Le pape François jusqu’à son dernier jour a tout fait pour que cela ne se produise  pas, son ultime message de Pâques en témoigne.

Le rôle du pape François

Sa mort est ainsi pour les habitants de Gaza une épreuve morale qui s’ajoute aux assauts qu’ils subissent. On sait que le pape François tenait à communiquer chaque jour avec le curé de la paroisse latine de Gaza. Il était ainsi en contact direct avec les réalités de l’enclave palestinienne. Dûment informé de la situation, il a pu avancer qu’un génocide “était probablement en cours” à Gaza. Le chef du plus petit État du monde, l’État du Vatican, est parmi les seuls, avec l’Afrique du Sud, qui aient admis cette possibilité. Largement  documentée, elle reste pourtant aux seules mains d’une fragile justice internationale, que dénigrent aussi bien les États-Unis que l’État d’Israël. Après la mort de François le peuple de Gaza se trouve encore plus seul.

António Guterres, Secrétaire Général de l’Organisation des Nations-Unies

Alors que les combats font rage à Gaza et que la colonisation s’intensifie en Cisjordanie, le chef de l’ONU a mis en garde, mardi 29 avril 2025, contre l’effondrement imminent de la perspective d’un État palestinien viable.

Le site de l’ONU présente sa déclaration sous le titre : “Israël-Palestine, la lente agonie de la solution à deux États“.

“Pour la solution à deux États, le glas a presque sonné”, a tranché d’un ton grave António Guterres, lors d’un débat public du Conseil de sécurité des Nations Unies consacré au Moyen-Orient.

Depuis des décennies, la perspective d’un État palestinien coexistant pacifiquement aux côtés d’Israël est présentée par l’ONU comme la seule issue politique viable au conflit israélo-palestinien.

Mais selon M. Guterres, cet horizon s’éloigne inexorablement. “L’engagement politique en faveur de cet objectif de longue date n’a jamais été aussi ténu”, a-t-il reconnu, pointant du doigt la négation persistante des aspirations nationales palestiniennes.

Aggravation continue depuis le 7 octobre

Le tournant brutal de la guerre à Gaza, déclenchée par l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, a porté un nouveau coup à l’idée d’une solution négociée.

António Guterres a évoqué une situation humanitaire “qui dépasse aujourd’hui l’entendement” dans l’enclave, où plus de 50 000 Palestiniens ont été tués durant le conflit, dont près de 2 000 depuis la rupture du cessez-le-feu, le 18 mars. Femmes, enfants, journalistes et travailleurs humanitaires, les victimes dépassent très largement le cadre des combattants.

Quant aux armes employées contre les civils palestiniens, elles ne se limitent pas non plus aux bombes. Depuis près de deux mois, Israël bloque toute livraison de nourriture, de carburant et de médicaments dans Gaza, dont les deux millions d’habitants sont désormais pris en tenaille entre les frappes aériennes et la faim.

Le Secrétaire général s’est dit alarmé par les déclarations de représentants d’Israël concernant l’utilisation de l’aide humanitaire comme moyen de pression militaire. “L’aide humanitaire n’est pas négociable”, a-t-il martelé, et “les civils doivent être protégés”.

Semaine d’audiences à la CIJ 

Ces propos faisaient écho à ceux prononcés la veille, à La Haye, par la conseillère juridique des Nations Unies, à l’ouverture d’une semaine d’audiences de la Cour internationale de justice (CIJ) sur les obligations humanitaires d’Israël envers les Palestiniens. Devant les juges du tribunal onusien, censés émettre un avis sur la question à l’issue des audiences, Elinor Hammarskjöld a estimé que l’État d’Israël, en tant que puissance occupante, avait l’obligation, en vertu du droit international humanitaire, de faciliter l’acheminement de l’aide à la population gazaouie.

Nokukhanya Jele, de l'Afrique du Sud, s'adresse à la CIJ, à La Haye, dans le cadre des audiences sur les obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.
© ICJ/Frank van Beek
Nokukhanya Jele, de l’Afrique du Sud, s’adresse à la CIJ, à La Haye, dans le cadre des audiences sur les obligations humanitaires d’Israël envers les Palestiniens.

Or, l’absence complète d’approvisionnement dans l’enclave depuis le 2 mars pousse les résidents au bord du gouffre. En fin de semaine dernière, le Programme alimentaire mondial (PAM) a notamment annoncé avoir épuisé l’ensemble de ses stocks alimentaires destinés aux résidents de Gaza.

Depuis Genève, le chef des droits humains de l’ONU, Volker Türk, a lancé mardi un appel pressant à la communauté internationale pour éviter l’effondrement pur et simple de l’aide dans la bande.

“Alors que le blocus total de l’aide essentielle à la survie entre dans sa neuvième semaine, des efforts internationaux concertés doivent être déployés pour empêcher cette catastrophe humanitaire d’atteindre une ampleur sans précédent”, a-t-il appelé dans un communiqué de presse.

Cisjordanie : une annexion de fait

Mais la crise ne se limite pas à Gaza. En Cisjordanie, dont fait officiellement partie Jérusalem-Est, “les opérations militaires israéliennes et l’emploi d’armes lourdes dans des zones résidentielles, les déplacements forcés, les démolitions, les restrictions de circulation et l’expansion des colonies transforment radicalement les réalités démographiques et géographiques”, a averti le Secrétaire général.

À cela s’ajoutent les violences de colons israéliens, qui “se poursuivent dans un climat d’impunité, parfois avec la complicité de soldats israéliens”, tandis que des communautés palestiniennes entières sont “victimes de destructions à répétition”.

Cette transformation sur le terrain compromet un peu plus chaque jour la faisabilité d’un État palestinien contigu. “Les Palestiniens sont cantonnés dans certains endroits et contraints d’en quitter d’autres”, a noté António Guterres, décrivant une logique d’enfermement et de fragmentation territoriale.

Appel au sursaut international

Face à ce constat, le Secrétaire général a dénoncé l’inertie diplomatique. “Ce n’est pas le moment d’exprimer rituellement son soutien, de cocher une case et de passer à autre chose. Nous avons dépassé le stade des cases à cocher : le temps presse”, a-t-il martelé. Il a exhorté les États membres à ne plus se contenter de déclarations de principe, mais à “traduire les paroles en actes”.

Si la fenêtre de la paix est sur le point de se refermer, elle demeure cependant entrouverte. Tout en tirant le constat de l’impasse politique actuelle et de l’aggravation constante de la situation dans les territoires palestiniens, dont l’occupation israélienne a été “jugée illicite”» par la Cour internationale de justice, le Secrétaire général a appelé les États membres à prendre “des mesures irréversibles pour concrétiser la solution à deux États”.

M. Guterres a salué la tenue prochaine d’une conférence internationale sur la question, co-organisée en juin par la France et l’Arabie saoudite, comme l’occasion de revitaliser le soutien international.

“Le monde ne peut pas se permettre de voir la solution à deux États s’évanouir”, a-t-il dit.

Ziad Medoukh : la détresse totale à Gaza

Le 26 avril 2025, notre ami Ziad Medoukh rend encore compte du dévouement de ses étudiants de français, qui tentent de rassurer des enfants traumatisés par les conditions de vie qui leur sont faites.

Les jeunes francophones distribuent des cadeaux et des jouets aux enfants de Gaza en pleine agression fin avril 2025.

Les jeunes francophones de Gaza participent à la joie des enfants de Gaza pendant cette agression horrible. Ils ont distribué des cadeaux et des jouets aux enfants de Gaza dans un centre éducatif malgré les bombardements intensifs fin avril 2025 Bravo à ces jeunes francophones de Gaza qui organisent des activités variées aux enfants dans des quartiers dévastés en pleine agression dans le cadre d’une initiative citoyenne qui montre l’engagement des jeunes de Gaza dans la société et qui renforce la solidarité entre les habitants, notamment dans cette période particulière d’agression terrible.

Les jeunes ont été très heureux de distribuer des jouets à ces enfants courageux, qui continuent à sourire malgré leur traumatisme. Les enfants ont été très heureux de voir ces jeunes venir à leur aide en cette période atroce et particulière. Ces jeunes motivés malgré l’horreur absolue essaient d’aider ces enfants souvent traumatisés à retrouver leur sourire.

Un peu de joie pour ces enfants privés de tout dans une région enfermée.

Gaza la détruite
Gaza la dévastée

Mais Gaza le sourire de nos enfants et la volonté de nos jeunes.

Vidéo de la distribution réalisée par la chaîne francophone : “Gaza la vie”

Sur le site de Saint-Merry-Hors-les Murs voici le témoignage que donne Ziad Medoukh le 5 avril 2025.

Un professeur de français raconte le calvaire d’une région dévastée

Après plus de dix-huit mois d’agression horrible suivi de deux mois de trêve fragile, les accords ont été rompus par l’occupant et les bombardements ont repris dans toute la bande de Gaza. Depuis le 2 mars dernier, tous les passages qui permettent à l’aide humanitaire d’arriver sont fermés.

La population palestinienne de Gaza est horrifiée, terrifiée, fatiguée. Elle manque de tout. C’est la pénurie.

La crise la plus grave, c’est la pénurie d’eau potable

Avant l’agression, il y avait 1.230 puits d’eau qui fonctionnaient au carburant et grâce aux panneaux solaires. L’occupation a détruit 990 puits. Il en reste environ 240 mais qui ne fonctionnent qu’à 30 % de leur capacité à cause de la pénurie de carburant et de panneaux solaires. Des camions-citernes tournent dans les quartiers dévastés et détruits. Chaque foyer a droit à 20 litres tous les trois jours.

Un gallon d’eau potable (4 litres) coûte 4 euros. C’est très cher mais malgré le prix les familles sont obligées d’en acheter. L’eau potable est rare, la qualité n’est pas très bonne malheureusement.

À la pénurie d’eau potable s’ajoute la crise en eau domestique. Elle est difficile à trouver parce que les canalisations ont été détruites par les bombardements. Cela rend la vie très difficile pour les familles qui doivent parfois marcher 500 mètres pour avoir deux ou trois gallons d’eau. On voit quelquefois des dizaines, des centaines de personnes qui font la queue dans les rues pour avoir de l’eau. C’est terrible.

Gaza, photo Ziad Medoukh

Deuxième grande pénurie : la nourriture

Depuis le 2 mars, l’occupation a fermé tous les passages qui relient Gaza à l’extérieur. Plus rien ne passe. Les produits alimentaires sont presque introuvables sur le marché et leurs prix sont très très élevés. La population ne mange qu’un seul repas par jour, un repas très modeste qui se compose souvent de riz, de pâtes ou de boîtes de conserve. On est obligé de se contenter de cela parce que c’est la seule chose qu’on trouve encore sur le marché où il n’y a plus ni fruits, ni légumes, ni poulet, ni viande, ni poisson, ni rien du tout.

Troisièmement, il y a pénurie de médicaments et de matériel médical 

En plus de la dévastation et la destruction des hôpitaux. Dans la bande de Gaza, 30 hôpitaux sont complètement hors service. Dans le nord de la bande de Gaza, seuls quelques cliniques et centres médicaux fonctionnent encore mais il n’y a pas assez de médecins dans ces cliniques. On trouve quelques médecins bénévoles mais c’est insuffisant pour le nombre considérable de malades et de blessés qui ont besoin de soins. Les médicaments sont très rares et souvent périmés. Il n’y a plus de laboratoires ni de pharmacies. Des milliers de malades et de blessés doivent attendre pour se faire soigner.

Quatrième crise, la pénurie de gaz

Depuis le début de l’agression, le gaz n’est entré, dans la bande de Gaza qu’en très petite quantité pendant la trêve, mais plus rien depuis le 2 mars. La population de Gaza est de nouveau obligée de cuisiner au bois mais le bois est devenu rare et très cher. Un kilo de bois coûte 6 euros. Pour faire à manger pour une famille, on a besoin de 4 kilos de bois alors imaginez, 24 euros, juste pour un petit repas de pâtes ou de riz. On n’ose plus préparer le thé et le café sur le feu de bois à cause de la pénurie. C’est une situation horrible pour les habitants.

Enfin, il y a pénurie d’électricité

La seule centrale électrique qui ne fonctionnait plus qu’à 30 %, a été totalement détruite le 13 octobre 2023. Depuis, l’électricité vient soit des générateurs qui fonctionnent au carburant ou au fioul, soit des panneaux solaires. Ces derniers mois, c’était l’hiver et il faisait froid à Gaza. Il n’y pas eu beaucoup de soleil, pas assez pour que les panneaux solaires fonctionnent bien.

Mais le plus grave avec la pénurie d’électricité est que l’usine de désalinisation, qui permet aux citoyens d’avoir de l’eau potable, ne peut plus fonctionner sans électricité.

Le réseau de communication est également touché par le manque d’électricité.

Le 2 avril, toutes les boulangeries de la bande de Gaza ont été fermées, faute de farine et du fioul, les habitants sont obligés à préparer le pain chez eux, mais c’est très difficile avec l’augmentation du prix d’un sac de farine qui dépasse les 200 euros, et le manque de bois.

À Gaza, on manque de tout.
La population civile de Gaza vit dans un sentiment d’inquiétude, d’angoisse et de peur, mais surtout d’impuissance permanent.

Les Palestiniens de Gaza sont patients, c’est vrai mais aujourd’hui, ils sont impuissants. Ils essaient de tenir bon mais c’est très compliqué avec l’insécurité, la reprise des bombardements nuit et jour, les déplacements forcés, la famine et une crise humanitaire sans précédent.

Ziad Medoukh, 5 avril 2025

Texte et images, ONU, Laurent Baudoin, St Merry-hors-les-murs, Ziad Medoukh.

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