Titre

Vers d’autres « Ninive »

Sous titre

Le Caire, Istanbul , Marseille, Lettres 1985-2010

Auteur

Jean-Marie Mérigoux

Type

livre

Editeur

Cerf, janvier 2013

Collection

L’histoire à vif

Prix

18 €

Date de publication

14 septembre 2013

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Vers d’autres « Ninive »

Le livre de Jean-Marie Mérigoux, dominicain arabisant ayant vécu l’essentiel de sa vie religieuse en Irak puis en Égypte, est inclassable car il s’agit d’un recueil de lettres écrites à sa communauté d’amis au fil de son séjour au Caire, entrecoupé de longs voyages, particulièrement à Istanbul et avant son retour à Marseille. Il prolonge et complète un livre antérieur, « Va à Ninive », qui témoignait de ce qu’il avait vécu en Irak, à Mossoul.

Ces lettres évoquent à la fois la situation des pays dans lesquels J.-M. Mérigoux se trouve ou voyage pour des périodes plus ou moins longues (Égypte, Turquie, Liban, Israël/Palestine, Jordanie), et les faits marquants de sa vie religieuse au contact des multiples communautés catholiques et orthodoxes qui vivent au Proche-Orient et qui participent à la diversité des églises chrétiennes. Il donne également, au fil du texte, un éclairage historique très utile pour expliquer cette diversité, souvent difficile à comprendre pour les chrétiens occidentaux. Il exprime ainsi la richesse qu’apporte ce « poumon oriental » à l’Église catholique, tout en relayant l’aspiration à l’unité des chrétiens.

Si aucune de ces lettres n’a été écrite en Irak (seul un bref séjour en octobre 2000 est relaté), ce pays est pourtant très présent dans les pensées de l’auteur qui témoigne du drame des Irakiens et surtout de celui des communautés chrétiennes contraintes à l’exil depuis la première guerre déclenchée en 1990. De nombreux témoignages des violences subies par les chrétiens d’Irak sont rapportés à l’occasion de ses rencontres avec les exilés, notamment à Istanbul. Jusqu’à cette figure de Pieta que lui offre la mère du prêtre assassiné lors du massacre de la cathédrale de Bagdad en octobre 2010.

L’intérêt des lettres paraît cependant inégal et quelques pages plus fastidieuses – au moins pour moi – sur les relations formelles avec les hiérarchies de ces diverses communautés (sept patriarches en 1992, dont trois pour la seule Antioche !) côtoient cependant les témoignages et éclairages très riches notés dans ces lettres.

Plusieurs thèmes chers à l’auteur transparaissent dans ses lettres, par exemple : l’importance de l’enseignement assuré par les communautés de sœurs (Congrégation des sœurs du Rosaire de Jérusalem…) ; la souffrance des chrétiens, qui rejoint la souffrance du Christ, mais qui se heurte à l’indifférence ou l’impuissance des pays occidentaux et devient ainsi une double souffrance ; l’éclairage historique de lieux ou pratiques, qui invite à relativiser notre vision occidentale de l’Église (pourquoi ces décalages de dates pour célébrer Noël, Pâques ?…) ; la richesse de la langue arabe pour la foi chrétienne ; l’importance des bibliothèques (notamment celle de l’IDEO[1] au Caire), lieux de connaissances et d’échanges culturels, en particulier avec les musulmans…

Finalement, ce qui transparaît est cette Communauté vivante chrétienne, diverse dans ses figures historiques (catholiques, orthodoxes…) et dans ses rites et à laquelle l’auteur a consacré sa vie en maintenant des liens forts au-delà des frontières en tout genre. Ce témoignage est bien instructif à une période où les conflits multiples s’accentuent dans cette région si complexe.

Xavier Godard


[1] Institut Dominicain d’Études Orientales