Titre

Une fraternité renouvelée

Sous titre

L’Église et le judaïsme

Auteur

Jean-Paul II ; préface du pape François

Type

livre

Editeur

Montrouge : Bayard éditions ; Paris : Mame : les Éditions du Cerf, 2022

Collection

Documents d’Église

Nombre de pages

388 p.

Prix

24€

Date de publication

9 avril 2023

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Une fraternité renouvelée : l’Église et le judaïsme.

Cet ouvrage, publié par la Conférence des évêques de France, livre toutes les déclarations ou discours du pape Jean-Paul II sur ses relations avec les Juifs. Au total, quatre-vingt-dix-sept titres, sur un ministère de 27 ans (1978-2005). Dans sa préface, le pape François présente son prédécesseur en ces termes : “Pour les juifs, Jean-Paul II est celui qui a ‘brisé la glace’ dans le dialogue judéo-catholique car il a su poser envers eux des gestes d’amitié inoubliables” (p. 8).

Il est vrai que l’apport de ce pape est tout à fait exceptionnel en ce qui concerne les relations judéo-chrétiennes. Ses origines polonaises, sa jeunesse pendant la Deuxième Guerre mondiale, son ministère épiscopal à Cracovie, proche d’Auschwitz, le prédisposaient à aborder les relations avec le monde juif.

Rien ne remplace la lecture de cet ouvrage de 388 pages, mais il est possible de relever quelques points saillants du ministère de Jean-Paul II.

En premier lieu, le Concile Vatican II est un thème qui revient d’un bout à l’autre des déclarations du pape. Le texte phare est évidemment le paragraphe 4 de la Déclaration Nostra Aetate : “Scrutant le mystère de l’Église, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du Nouveau Testament avec la lignée d’Abraham”1. S’appuyant sur ces mots et la suite de la Déclaration, le pape souligne sans cesse le “patrimoine commun” et le “lien” qui relie nos deux confessions, juive et chrétienne. Développant le texte du Concile, il renvoie fréquemment à deux déclarations de la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme qui en développent le sens : Les Orientations et suggestions pour l’application de la déclaration conciliaire “Nostra Aetate” (n° 4) (1975)2 et les Notes pour une correcte présentation des Juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l’Église catholique (1985)3.

Lors de sa visite à la Synagogue de Rome le 13 avril 1986 (un voyage très court géographiquement, mais d’une signification exceptionnelle à l’aulne de la durée des siècles), il déclare : “La religion juive ne nous est pas ‘extrinsèque’, mais elle est d’une certaine manière ‘intrinsèque’ à notre religion (…) Vous êtes nos frères préférés, et, d’une certaine manière, on pourrait dire nos frères aînés” (p. 105). Une de ses grandes affirmations, aujourd’hui reconnue, mais qui fut accueillie chez certains avec quelques hésitations, concerne l’irrévocabilité de l’ancienne Alliance “qui n’a jamais été dénoncée par Dieu (Rm 11,29)” (Discours aux représentants de la communauté juive de Mayence, 17 novembre 19804). En conséquence, le pape le répétera “plus d’une fois”, nos deux communautés religieuses “sont liées au niveau même de leur propre identité” (p. 46). Et “priver le Christ de son rapport à l’AT, c’est le détacher de ses racines et vider son ministère de tout sens (…) un météore tombé accidentellement sur la terre et privé de tout lien avec l’histoire des hommes” (p. 280).

Une histoire marquée en notre temps par l’advenue de la Shoah, source d’un questionnement abyssal. Le pape y revient sans cesse. Le 31 octobre 1997, dans son Discours aux participants du symposium sur les “Racines de l’antijudaïsme en milieu chrétien5, il déclare : “Au mal intrinsèque de tout génocide s’ajoute avec la Shoah celui d’une haine qui s’en prend au plan salvifique de Dieu dans l’Histoire. Par cette haine, l’Église se sait, elle aussi, directement visée” (p. 286-287). Á plusieurs reprises il note l’arrêt tout particulier qu’il fit lors de sa visite à Auschwitz-Birkenau en 1979 devant la pierre écrite en hébreu, parmi toutes celles écrites dans les langues des nombreuses victimes qui ont subi “cette manifestation du mysterium iniquitatis” (p. 347). “Il n’est permis à personne de passer avec indifférence devant la tragédie de la Shoah” (p. 348).

Un thème récurrent des discours de Jean-Paul II concerne Jérusalem et la “Terre sainte”. Il ne cesse de maintenir les droits du peuple juif à vivre en sécurité dans l’État d’Israël ainsi que ceux du peuple palestinien à “retrouver une patrie” (p. 67) (Lettre apostolique Redemptionis anno, avril 19846). Lors de son “Discours pour les vœux au corps diplomatique“, le 10 janvier 20027, il a ces fortes paroles : “Personne ne peut rester insensible à l’injustice dont le peuple palestinien est victime (…) Personne ne peut contester le droit du peuple israélien à vivre dans la sécurité. Mais personne ne peut non plus oublier les victimes innocentes qui de part et d’autre tombent tous les jours sous les coups et les tirs. Les armes et les attentats sanglants ne seront jamais des instruments adéquats (…)” (p. 323) “Les uns contre les autres, les Israéliens et les Palestiniens ne gagneront pas la guerre. Les uns avec les autres, ils peuvent gagner la paix.” (p. 324)

Pour conclure, on pourra méditer la photo en première de couverture. On y voit le pape, lors de son voyage à Jérusalem en l’an 2000, introduire dans un interstice du “Kotel”, vestige du Temple détruit, et point central de la piété et de l’espérance juives, les paroles de repentance de l’Église catholique pour le mal causé aux Juifs au cours de l’histoire. La prière se termine par ces mots : “Nous voulons nous engager à vivre une fraternité authentique avec le peuple de l’Alliance”.

Jean Massonnet8

8 Jean Massonnet, prêtre du diocèse de Lyon, est diplômé de l’Institut biblique pontifical et enseignant émérite de la faculté de théologie de l’Université catholique de Lyon où il a été directeur du Centre chrétien pour l’étude du judaïsme de 1990 à 2005. Au service du dialogue entre juifs et chrétiens, Jean Massonnet, lauréat du Prix AJCF 2016 : cf. article de La Croix, 26/09/2016  et n° 413 de Sens, la revue de l’AJCF (été 2017) a été responsable du groupe lyonnais de l’Amitié Judéo-Chrétienne de France. Il a mis en lumière, pour le site de CDM, les trois nouveaux textes importants publiés, dans la revue Sens n°405 (mars-avril 2016) à l’occasion des 50 ans de Nostra Aetate, la Déclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes, du Concile Vatican II (28/10/1965). Il est l’auteur de plusieurs livres et, notamment, de L’épître aux Hébreux.- Cerf, 2016.- (Commentaire biblique : Nouveau testament ; 15). Il a fait plusieurs recensions pour notre site dont Les relations entre Juifs et chrétiens / Conférence des évêques de France (2019).

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