Recension

Titre

Quand la Méditerranée nous submerge

Sous titre

Réfugiés, terrorisme, islam, quartiers, populisme…

Auteur

Jean Viard ; interrogé par José Lenzini

Type

livre

Editeur

La Tour d’Aigues : L’Aube, 2017

Collection

Méditerranées

Nombre de pages

222

Prix

16 €

Date de publication

11 décembre 2017

Quand la Méditerranée nous submerge

 

Les mots chocs qui servent à former le sous-titre ne sont pas seulement là pour attirer le chaland. Ils témoignent bien de la pensée de Jean Viard, économiste certes, mais aussi éditeur, élu municipal, et puis également sociologue. Et qui plus est, sociologue formé à l’école d’Edgar Morin. Dès lors, la notion de « complexité », chère à son directeur d’études, apparaît chez l’auteur comme une seconde nature.

On pourrait résumer le livre, en ne retenant qu’une seule phrase parmi la série d’entretiens que Jean Viard a accordés à José Lenzini, l’ancien correspondant à Marseille de La Tribune, puis du  Monde : « Il n’existe pas de spécialistes multi compétents de l’islam, de la Méditerranée, des quartiers, du cyberterrorisme, de la guerre d’indépendance, de la démographie, de l’Afrique, des migrations, du réchauffement climatique, du totalitarisme… Et pourtant, il y a urgence à penser tout cela en même temps ».

Alors, c’est vrai, l’auteur et son interlocuteur ne sont pas des spécialistes multi compétents. Cela se voit. Parfois, la retranscription du style oral donne lieu à des imprécisions. Des inexactitudes factuelles sont assénées avec un aplomb touchant, à l’exemple de cette confusion flagrante entre le concordat de 1801, et la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, votée un siècle plus tard, en 1905.  Parfois aussi, il nous faut supporter des expressions désagréables. C’est notamment le cas lorsque le Père Hamel, assassiné l’été 2016 dans la banlieue rouennaise par de jeunes terroristes se revendiquant de Daesh, est résumé au simple statut statistique d’un « vieillard égorgé ».

Mais il faut passer outre ces inconvénients pour s’imprégner de la « méthode globale », qui consiste à envisager une problématique à l’aune de la pluridisciplinarité. Nous sommes tellement habitués à raisonner en solos ! Le juriste dit que…Selon le géopoliticien, il se passera bientôt ceci, sauf que l’économiste réfute avec ses chiffres. Sans compter que, bien souvent, le fait religieux est le grand oublié de ces monologues superposés qui ne communiquent pas entre eux.

De plus, les questions que nous adresse Jean Viard sont trop importantes pour arrêter notre lecture à quelques réactions épidermiques. Bien plus importante est cette interrogation centrale : «  Quand va-ton comprendre que l’Europe sans la Méditerranée est orpheline ? »  Un vrai sujet de réflexion, auquel nous ne sommes guère préparés à répondre. Quand on songe que l’on commence seulement à regarder ce qui se passe dans l’Algérie de 2017. L’interrogation n’est pourtant pas de savoir si nous allons être amenés à recevoir une importante population réfugiée en provenance de ce pays, mais quand cet événement va se produire.

Sur ce sujet, comme sur tant d’autres, ce livre a au moins cette vertu de mettre les pieds dans le plat. Mais mieux, il le fait en nous ouvrant des perspectives constructives, et non pas en nous encourageant au repli frileux[1].

François Le Brun

[1] Lire la revue de presse et des émissions de radio et tv sur le site des éditions de l’Aube