Titre

Palestine

Auteur

Hubert Haddad

Type

livre

Editeur

Zulma, 2007

Nombre de pages

160 p.

Prix

16,80 €

Date de publication

22 juillet 2014

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Palestine

Que peuvent les mots de l’écrivain ? Eux, si fragiles sous la violence des armes, devant la force brutale de la haine ? Ils ont pourtant la douceur forte de l’œuvre d’art, du geste de paix, du sourire, de l’Espérance. Dostoïevski l’a dit : « la beauté sauvera le monde ».

Né en 1947 à Tunis, venu en France en 1950, Hubert Haddad se souvient de ses origines judéo-berbères dans ce court roman poétique et symbolique, aux allures de tragédie grecque, Palestine, comme s’il était hanté par le conflit du Proche-Orient, métaphore de tous les conflits.

Au temps de la cueillette des olives, dans ce pays couleur de sable où tournent les ombres dans une lumière éblouissante et les étoiles dans des nuits pures, le soldat Cham est en permission et il vient de rater le car pour Tel-Aviv. Vacant et désemparé, il s’approche de la sentinelle, l’adjudant Tzvi, qui, trop solitaire, l’engage à patrouiller avec lui le long du « mur » israélien, face à Hébron en Cisjordanie, ce territoire palestinien que « les colons débarqués de New York ou de Paris appellent Judée-Samarie » (p. 49).
La mort guettait, un commando palestinien amateur attaque, l’adjudant est tué, le soldat blessé, pris en otage. Les Palestiniens qui l’emmènent sont mal organisés et comme ils ne savent rien de lui parce qu’il s’est fait voler son portefeuille la veille avec tous ses papiers d’identité, ils décident de l’enterrer vivant pour le faire disparaître. Cham croit alors mourir mais Tsahal, qui traquait les fedayins, les détruit tous. Laissé pour mort, sous l’effet de ces chocs successifs, Cham devient amnésique.

Comme il a été revêtu d’habits civils et d’un keffieh, il est recueilli par un vieux ferrailleur palestinien qui le prend pour un survivant du commando et le cache dans la campagne, chez la veuve Asmahane. Son fils Nessim a disparu, elle est aveugle, et vit seule avec sa fille Falastin, nouvelle Antigone, devenue anorexique par désespoir depuis que son père, appartenant au Front démocratique pour la libération de la Palestine (ayant cessé de s’opposer au processus de paix et n’étant plus considéré comme organisation terroriste par le Département d’État des États-Unis) a été tué devant elle. Sous l’effet de la blessure intime, « délibérément, à force d’ascèse ingénue, elle n’est plus de ce monde » (p. 39). Malgré leur père assassiné, Falastin milite avec les pacifistes (internationaux et le parti du Hadash, cette alliance parlementaire socialiste israélienne juive et arabe de diverses organisations) comme son frère, brillant étudiant à l’université Al-Quds de Jérusalem.

Un jour que des soldats israéliens font irruption dans la maison, il est trop tard pour cacher le jeune réfugié et Falastin le fait passer pour son frère Nessim qu’elle dit être revenu, donnant ainsi une identité de Palestinien à Cham.

Amoureux de celle qui lui a sauvé la vie, silencieux sauf avec Falastin, il va désormais découvrir cette nouvelle identité en vivant les risques, l’humiliation et les souffrances des passages de check-point ou de barrages flottants vers Hébron où va habiter Falastin.

Nessim porte les interrogations révoltées des Palestiniens : « Est-ce qu’on peut vivre comme ça, parqués dans les enclos et les cages d’une ménagerie ? Je hais notre sort, je les déteste tous à en perdre l’esprit ». Falastin lui répond à l’aide d’une sentence rabbinique : « Sois plutôt le maudit que celui qui maudit », proposant de rassembler les démocrates des deux pays dans un grand mouvement pacifiste et, dans le lit qui les réunit, ils se récitent l’un et l’autre les versets du Cantique des Cantiques.

À travers ce couple symbolique, cette jeune femme qui est tout à la fois fille, épouse et sœur, ce soldat qui endosse tour à tour l’identité israélienne et palestinienne, le roman montre beaucoup de situations complexes et absurdes créées par le conflit israélo-palestinien.
Falastin et beaucoup d’autres personnages refusent la haine et croient à la paix mais ils sont comme épuisés, étouffés par le nœud du conflit, si ancien, ancré si profond.

Une façon d’appeler les responsables de tous les États à l’action.

Pascale Cougard

 


Prix des cinq continents de la francophonie, 2008 ; prix Renaudot Poche 2009