Titre
Palestine, la force de l’espoirAuteur
Françoise Guyot ; préface de Guy AurencheType
livreEditeur
Grenoble : La Pensée sauvage, 2020Collection
Les cahiers de la Pensée sauvage, 21Nombre de pages
226 p.Prix
20 €Date de publication
21 juin 2021Palestine, la force de l’espoir
“Nos larmes sont remplies de fierté, et les vôtres ?” (p.146), peut-on lire sur un mur, à Bethléem : une des nombreuses citations qui enrichissent l’ouvrage.
“Qui nous croira quand on témoignera ?” (p.163), réaction de bien des personnes de retour de Palestine, que ce soit la première fois ou, comme pour l’auteur1, la 60ème fois… Et pourtant il faut parler, encore et encore, et s’entendre dire qu’on n’a pas tout compris, que c’est bien plus complexe, qu’on est bien gentil mais…
Journal de bord d’une “pro” de la Palestine ?
Pour rendre compte de la richesse de cette vie vouée à une humanité broyée, citons quelques phrases-chocs, de l’auteur elle-même ou de ses nombreux partenaires, devenus ses proches, ses amis.
“Venez et voyez, partez et parlez” (p.195)
“Que de leçons nous recevons de ceux qui souffrent. Notre responsabilité est bien de n’être ni pro-palestinien ni pro-israélien, mais de garder le cap du droit et de la justice”.
Le livre de Françoise Guyot regorge d’informations, rend compte d’innombrables rencontres, souligne les bons et les mauvais côtés de chacun des deux camps, si l’on peut dire…
Le plus grand intérêt de l’ouvrage est qu’il raconte la Palestine sur une longue période, d’où d’ailleurs, son côté un peu désespérant car on aimerait, lorsqu’on connaît un peu ou beaucoup la situation, voir une évolution…
Derrière le pessimisme de l’auteur il faut voir l’optimisme de beaucoup de ses interlocuteurs et interlocutrices et réussir à faire un mélange des deux. On est pessimiste (surtout lorsqu’on lit ce livre pendant la guerre de Gaza de mai 2021…), on a envie de prendre les pierres, d’insulter.
Comme le souligne F. Guyot : “J’ai envie de frapper quand j’entends des jeunes dire que je ne dois pas m’en faire, que la vie et la mort, pour les Palestiniens, c’est la même chose. Ils ont 20 ans…” (p.130)
Et on se met à la suite de l’auteur – on devrait dire l’actrice, car toute sa vie est en jeu dans les récits de relations humaines entretenues contre vents et marées, maintenues et encouragées à chaque événement qui pourrait signifier un recul pour la paix souhaitée…
“L’espace est en eux, un immense espoir de liberté qu’ils savent nous communiquer et que nul ne peut leur prendre”. Avec ça, on mesure l’importance de la rencontre qui remet les choses à leur place. F. Guyot montre bien qu’on ne peut pas se contenter d’apporter quelque chose, tout ce qu’on emporte est essentiel pour diffuser l’information primordiale de l’occupation tous azimuts…
Avide de comprendre et d’interpréter le mot “paix”, qu’il soit prononcé lors d’une conférence ou qu’il figure dans le titre d’une association, F. Guyot souligne combien le thème choisi par le CCFD, “Agir pour la Paix au cœur des conflits” lui “permet d’approfondir ce terme de paix, si souvent galvaudé et que je récuse si souvent lui préférant le terme justice, la paix en découlant”2.
Parler des Israéliens militant pour la paix peut se révéler difficile, ils sont souvent amers et se sentent aussi ignorés du “grand public international” que les Palestiniens3… Comme en témoigne une responsable de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté 4, expliquant que les média tronquent leurs actions : “…ils ont pris un petit groupe de femmes et les ont mises de l’autre côté de la route pour faire croire que nous n’étions pas nombreuses…” (p.121)
On pense aussi à Zocheroth (se souvenir en hébreu). “Les principales victimes de la Nakba5 sont les réfugiés palestiniens qui ont tout perdu. Mais les juifs en Israël payent aussi un prix pour leur conquête de la terre en 1948, en vivant dans une peur constante et sans espoir” (p.188).
“Le mur c’est la perte de l’espoir d’un rapprochement avec nos frères israéliens”. Et pourtant un vieil homme dira à F. Guyot : “Tu sais, il faut leur pardonner, ils ne savent pas ce qu’ils font…” (p.132). Et pourtant, quelle provocation quand on peut lire sur le mur à l’entrée de Bethléem : “La paix soit avec vous, Ministère du tourisme israélien” (p.162).
Il faut entendre l’exhortation de F. Guyot à ceux et celles qui l’écouteront jusqu’au bout, et partager avec elle ses interrogations. On a envie de dire à ceux et celles qui ne se sont jamais intéressés à la question, qui écoutent d’une oreille distraite dès qu’il s’agit du Proche-Orient aux infos : lisez jusqu’au bout, cherchez à en savoir encore davantage, soutenez Françoise Guyot en diffusant son livre car ainsi vous soutiendrez ceux et celles qu’elle côtoie depuis des décennies : elle nous permet d’avancer dans la fraternité, dans la compréhension, dans le refus d’ignorer ce qui se passe loin de chez nous.
“Réveillez-vous, cessez votre silence, ne laissez pas le peuple palestinien mourir, ne laissez pas le peuple israélien perdre son âme. Ecoutez leur cri, écoutez ceux et celles qui vous disent : nous sommes abandonnés de tous, même de la France, venez nous voir, nous vous accueillerons”.
“Nous croira-t-on en France ?” (p.219)6
Danielle Vergniol
Membre du CA de CDM
Notes de la rédaction
1 Infirmière de formation et assistante sociale, Françoise Guyot a créé le service d’hospitalisation à domicile du CHU de Grenoble. Elle est engagée depuis de nombreuses années auprès du peuple palestinien. Elle organise pour le CCFD-Terre Solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement-Terre Solidaire) depuis 2008 des voyages solidaires en Palestine.
2 Comme le CCFD, CDM fait partie de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
4 La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, est aussi membre de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
5 Cf. La mémoire de la Nakba en Israël : le regard de la société israélienne sur la tragédie palestinienne/ Thomas Vescovi.- L’Harmattan, 2015.- (Comprendre le Moyen-Orient)
6 Pour revoir la webconférence avec Françoise Guyot et Guy Aurenche, le 3 mai 2021, organisée par Les Amis de la Vie de l’Isère, cliquer sur Palestine la passion de comprendre, l’urgence de témoigner (durée : 2h).