Titre
Migrations en MéditerranéeSous titre
Permanences et mutations à l’heure des révolutions et des crisesAuteur
Sous la direction de : Camille Schmoll, Hélène Thiollet, Catherine Withol de WendenType
livreEditeur
CNRS Editions, octobre 2015Nombre de pages
379 pPrix
24 €Date de publication
7 décembre 2016Migrations en Méditerranée
L’ouvrage Migrations en Méditerranée regroupe plus d’une vingtaine de contributions d’universitaires et de chercheurs, suscitées par la tenue d’un colloque à Rome en 2014 sur ce même thème[4]. Les études ainsi réunies portent sur les effets des flux migratoires sur un pays (pays du Maghreb, Italie, Espagne, Grèce, Turquie, Chypre, Lybie, Egypte, Israël…), et sur des thèmes transversaux relatifs aux migrants, aux passeurs, ou aux politiques européennes. Leurs auteurs nous permettent de prendre la mesure des changements considérables enregistrés en quelques décennies par les flux migratoires.
Des pays d’émigration traditionnels comme ceux du Sud de l’Europe – Italie, Espagne, Grèce notamment – sont devenus des pays d’immigration, confrontés aux vagues de migrants cherchant à échapper à la misère ou à l’insécurité. D’autres, comme les pays du Maghreb, sont devenus des pays de transit mais aussi d’accueil, du fait du contrôle de plus en plus restrictif et sévère des frontières européennes. Certains pays du Moyen-Orient (Liban, Jordanie…) ont accueilli un nombre très important de réfugiés, fuyant les conflits de Syrie.
L’ouvrage permet de mesurer le caractère très imparfait de la solidarité entre états européens face à la charge « asymétrique » que représentent pour les états du Sud la prise en charge des migrants. Il montre également comment les stratégies des passeurs s’avèrent réactives et « innovantes » face au renforcement des contrôles, qui conduisent ces réseaux à hausser leurs tarifs alors même que les risques s’accroissent pour les migrants (pages 127 à 142).
Quelques-uns des articles apportent, dans ce sombre tableau, une touche plus positive : ainsi, en Italie, des régularisations successives ont entériné le fait que c’est sur des migrants illégaux (des femmes essentiellement) que repose largement pour les familles italiennes la prise en charge de leurs parents âgés et dépendants, face à la carence de l’Etat (pages 181 à 190) ; au Maroc, après des années d’une politique très répressive, un statut de réfugié est apparu et une procédure de régularisation s’est ouverte en 2014 (pages 367 à 369) ; et les instances décisionnaires de l’Union européenne elle-même ont dû infléchir leur politique pour tenir compte des réactions de l’opinion publique, après les tragédies intervenues en Méditerranée.
C’est donc un tableau comportant ombres et (parfois) lumière qui se dessine, qui nous fait saisir l’étroite imbrication entre l’aventure des migrants, l’action des organismes qui contribuent à leur accueil, les politiques publiques questionnées par cette crise, et les sociétés ainsi confrontées à la figure et aux droits de l’Autre. Dans la très intéressante étude qu’il consacre au début du livre à « la crise du régime migratoire européen » (pages 53 à 68), un des auteurs, Ferrucio Pastore, chercheur à Turin, nous prévient : il n’y aura pas de solution sans une action européenne anticipée et diversifiée dans les pays de départ et de transit, et le développement d’une politique de sécurité et de coopération avec ces pays, exigeant que l’Europe lui consacre des compétences et des ressources très étendues.
Comportant de nombreuses statistiques et des bibliographies, cet ouvrage apporte un éclairage précieux sur les migrations au sein de l’espace méditerranéen, et sur leurs effets pour les personnes qui les vivent, comme pour les sociétés qui y sont confrontées.
Bertrand Wallon
[1] Camille Schmoll, maîtresse de conférence à l’université Paris VII, Ecole française de Rome, était l’invitée de Sylvain Kahn sur France Culture pour l’émission Planète terre, mercredi 18 novembre 2015 : https://www.franceculture.fr/emissions/planete-terre/les-migrations-en-mediterranee-un-atout-economique-et-demographique-pour-l
[2] Hélène Thiollet, chargée de recherches au CNRS et professeur à Sciences Po, était l’invitée – avec Alice Mesnard, économiste (City University de Londres), cf. Le Monde du 21/04/2015 : http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/04/20/fermer-les-frontieres-n-arrete-pas-un-migrant-pret-a-risquer-sa-vie_4619134_3214.html et Claire Rodier, juriste au GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), co-fondatrice du réseau euro-africain Migreurop, auteur de Migrants & Réfugiés.-La Découverte, 2016 : http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Migrants__amp__r__fugi__s-9782707189561.html – de Stéphane Paoli sur France Inter pour l’émission 3 D, dimanche 26 avril 2015 : https://www.franceinter.fr/emissions/3d-le-journal/3d-le-journal-26-avril-2015 (119 mn)
[3] Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS, était l’invitée de Jean Lebrun sur France Inter pour l’émission La marche de l’histoire, jeudi 3 décembre 2015 à 13h30 : https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-03-decembre-2015 (29 mn). Du même auteur, on pourra lire aussi : Le droit d’émigrer. -CNRS éditions, mai 2016.-57 p.- 4 € : http://www.cnrseditions.fr/science-politique/6786-le-droit-d-emigrer-catherine-wihtol-de-wenden.html
[4] On pourra écouter les interventions du colloque de rentrée du Collège de France (12-14 oct. 2016) sur Migrations, réfugiés, exil, auquel était invitée, entre autres, Hélène Thiollet : http://www.college-de-france.fr/site/colloque-2016/symposium-2016-10-12-16h30.htm