Titre

L’homme qui peignait les âmes.

Sous titre

roman

Auteur

Metin Arditi

Type

livre

Editeur

Paris : Grasset, 2021

Nombre de pages

291 p.

Prix

20€

Date de publication

28 novembre 2022

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L’homme qui peignait les âmes.

Le point de départ de l’intrigue est la recherche menée par des chercheurs sur l’origine d’une icône déposée au monastère de Mar Saba  situé dans le désert de Juda entre Bethléem et la Mer Morte : qui donc est l’artiste ou l’écrivain ? En effet, selon la tradition byzantine (p. 40),  on ne peindrait pas mais on écrirait plutôt l’image sacrée ?  L’auteur du roman nous invite à attribuer cette icône à son héros, Avner, un enfant né dans une famille juive de pêcheurs mais rapidement subjugué par les icônes découvertes dans un monastère orthodoxe de Haïfa.

Depuis sa rencontre avec le moine iconographe Anastase – en cette année 1079 jusqu’à sa mort qui relève du martyre, en 1104 à Capharnaüm -, il ne vit que pour sa passion de peindre les visages des hommes et leur révéler ce qu’il y a de divin en eux, fussent-ils  troubles, pervers ou honteux de l’être.

Menacé dans la région de Caïpha – ou Haïfa -, par l’occupant  seldjoukide, Avner, récemment baptisé par le moine Anastase et réprouvé par sa famille juive,  est quasiment adopté par un musulman, Mansour, un marchand de minéraux indispensables à la réalisation des icônes. Il chemine avec lui et ses trois animaux de trait : une  chamelle, Sultana,  un mulet, Hodja, et une ânesse, Sheker. Ces cinq-là constituent une véritable famille.  Auprès de Mansour, le jeune Avner découvre l’humanité, celle des autres et la sienne aussi : “Quel serait ton mérite, d’avoir fait ton devoir ? Elle est horrible cette expression, j’ai fait mon devoir. C’est se donner bonne conscience. Si tu veux offrir, ne le fais pas en mesquin. Il vaut mieux ne rien donner. Ce sera plus digne que de te réfugier derrière ces mots  misérables : j’ai fait mon devoir.” (p.97). 

Avner s’adresse au Dieu des juifs, des chrétiens et des musulmans avec  une égale aisance. Depuis qu’il avait accepté d’être baptisé par le moine Anastase, passage obligé pour devenir iconographe à son tour, il répondait au nom de petit Anastase. Mais pour autant, il n’était pas complètement adepte de la foi orthodoxe. Après avoir intégré l’équipe des iconographes du monastère de Mar Saba, il  perfectionne son art au point d’émerveiller Syméon, le patriarche de Jérusalem qui, trois années de suite, emporte les icônes réalisées par Avner-petit Anastase. Ce succès suscite évidemment la jalousie des moines,  ses concurrents.  Les icônes d’Avner séduisent mais ne sont conformes ni à la tradition de l’Eglise orthodoxe, ni aux canons de l’iconographie : “Ce que tu fais n’est pas conforme à nos canons, tu le sais. Nous avons une tradition d’ascèse à respecter. Les corps doivent être immobiles, les visages allongés, les regards dans l’attente. Pas dans la sollicitation. L’icône doit parler à l’âme pas aux sens. Tu peins des êtres humains alors que tu devrais écrire la pensée du Christ. Ce que tu fais n’est pas ce que je t’ai  enseigné. Tu es dans le blasphème, Petit Anastase.” (p.151-152).

Blasphème, le mot est lâché qui rejoint notre actualité : quelle est donc la vérité de la pratique religieuse ? Quelle est sa finalité ? Quelle est sa grandeur ? Telles sont les questions qui sous-tendent l’écriture du dernier roman de Metin Arditi.

La réponse est à trouver dans le parcours de ce fils de pêcheur juif qui a réalisé, dans le monastère de Mar Saba, de splendides et libres icônes. Cette liberté d’expression lui valut d’être exclu de la communauté monastique puis de tous les sanctuaires ou temples.   Néanmoins Avner vivait de cette passion, peindre plutôt qu’écrire. Ecartelé entre le génie et la suffisance qui en résulte, c’est ce qu’il fit jusqu’au martyre : “J’ai foi en l’Homme, œuvre suprême du Seigneur. J’ai foi en toutes les beautés du Ciel et de la Terre. Et ma manière d’écrire des icônes est conforme à mon devoir de gratitude à l’égard de la vie. Mais peut-être n’ai-je pas la foi qui convient.” (p.185). 

Marc Ameil

Adhérent de CDM

Note de la rédaction

Metin Arditi est né en Turquie d’un père bulgare et d’une mère arménienne. Il grandit dans un foyer juif en Suisse. Aujourd’hui, il parle cinq langues et a écrit une vingtaine de romans. Marc Ameil a fait la recension pour notre site de Rachel et les siens.-Grasset, 2020.

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