Titre
L’Esprit du christianismeAuteur
Joseph MoingtType
livreEditeur
Paris : Temps Présent, 21/11/2018Nombre de pages
282 p.Prix
22 €Date de publication
27 avril 2019L’Esprit du christianisme
À plus de 100 ans, le théologien jésuite continue de travailler et d’écrire : c’est merveilleux !
Il reste une voix qui, depuis longtemps, fait autorité dans la vie d’une Église qui a grand besoin de trouver comment s’adresser au monde actuel.
Reprenant dans ce livre bien des aspects de sa pensée[1], l’auteur y manifeste une originalité sur trois points :
– Le titre : il s’en explique au début et en finale. Certes, il se réfère à Chateaubriand (« Le Génie du christianisme ») et à Hegel (« L’Esprit du christianisme »), mais il l’entend à partir du dessein de Dieu créant l’humanité et partageant, dès l’origine, avec elle, un même élan et une même tension vers la rencontre et la fraternité. Ainsi le christianisme possède de nombreux éléments déjà partagés avec les autres hommes.
– L’auteur s’implique : il dit « je », confie ses questions, l’avancée de ses recherches et de son écriture. Il cherche à toucher deux publics : ces chrétiens mal à l’aise dans le fonctionnement, le langage et la doctrine actuels de l’Église, et des non-chrétiens désireux de trouver une expression compréhensible de la foi chrétienne. Ces deux publics se ressemblent beaucoup, car les non-chrétiens doivent posséder déjà un solide bagage des questions théologiques pour lire aisément ces pages. C’est surtout le premier groupe qui se sentira concerné. Manifestement, l’auteur se sent en affinité avec lui.
– La méthode, celle du tissage, traite de trois sujets : la religion, la révélation et le salut.
La religion est devenue un système éloigné de l’Évangile. La révélation ne tombe pas subitement d’en-haut, mais elle émerge aussi du projet créateur (cf. p. 23 : « les choses cachées depuis la fondation du monde »). Le salut, cette bienveillance de Dieu, concerne l’avenir de l’humanité, qu’elle doit construire solidairement. Or ces trois thèmes se mêlent, se tissent, en plusieurs reprises qui les complètent et les précisent. Ce tissage livre progressivement la pensée de l’auteur.
Un des points souvent rappelé oppose le libre jaillissement du christianisme à partir de l’originalité du Christ, et la constitution d’un système religieux qui, à partir de l’Ancien Testament, a reconstitué une structure sacrificielle hiérarchique et centrée sur elle.
Pour une part, cette évolution était inévitable à cause du changement de situation des chrétiens au IVe s., pour contrer les théories gnostiques dès les IIe – IIIe s., et pour garder dans l’unité une multitude de communautés chrétiennes éparpillées. Mais la fixation sur cette institution (oh, les évêques !) a divisé le peuple de Dieu en clercs et en laïcs.
Se greffent ici deux remarques :
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Rappeler que Jésus a répandu l’amour venu du Père envers tous les hommes est essentiel, à condition de préciser ce qu’on entend exactement par amour, sinon celui-ci dégénère en simple sentiment vite usé. Il ne suffit donc pas que Jésus soit saisi par Dieu, ce qui peut laisser Dieu à distance. Il faut qu’il en provienne – et ce fait n’est peut-être pas assez souligné. Dès le Livre de la Sagesse qui relit les Proverbes, comme dans la littérature juive, l’existence d’une Parole éternelle est déjà proclamée. Paul et Jean s’en inspireront.
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Quant à l’Église, la voir renaître à partir de groupes d’échanges et d’activités, est nécessaire mais non suffisant. Le « christianisme de confettis » élude la question du pouvoir et surtout celui des relations, donc de la communion. La description paradisiaque des premières communautés ne peut entraîner qu’une déchéance dans la durée. Le Nouveau Testament n’en cache pas les difficultés, y compris l’abus de pouvoir des responsables.
Pour autant, ce livre fait réfléchir. Il stimule et provoque à inventer pour témoigner du monde nouveau que Dieu entend réaliser avec les hommes.
† Albert Rouet
Archevêque émérite de Poitiers
[1] Pour la biographie de Joseph Moingt, cliquer ICI. Pour sa bibliographie jusqu’en 2014, cliquer ICI et pour ses livres plus récents, cliquer sur le site de La Procure.